Georges Malbrunot, le journaliste du Figaro qui participait au voyage de presse organisé le 22 août par des milieux proches du régime, a rendu un premier article à ses employeurs. Intitulé « Les opposants syriens saluent la chute de Kadhafi », et publié sur le site du quotidien atlanto-sarkozyste, il reflète à merveille le profil intellectuel de son auteur, tout de bien-pensance sournoise et falsificatrice, qu’avait d’ailleurs pu apprécier sur place la délégation restreinte d’Infosyrie.
Si ça marche en Libye…
Comme le titre le laisse penser, Malbrunot essaie, en quelque sorte, de relancer par l’« exemple » libyen la contestation syrienne, une contestation qui, assure-t-il avec une mauvaise foi qui force presque l’admiration, « ne donne aucun signe d’essoufflement » ! Quand on a en mémoire un autre article, très récent, du même Malbrunot, où celui-ci constate, pour le déplorer, qu’il n’y a pas le moindre signe de contestation à Damas (voir notre article « La révolte invisible à Damas« , mis en ligne le 22 août), quand on sait que ce M. Figaro n’a pas vu non plus d’opposants – pas même la trentaine qui ont manifesté sous ses yeux – à Hama « bastion de la révolte », on se demande s’il ne tire pas ses analyses d’une séance d’hypnose atlantiste.
De fait, Georges Malbrunot ne parle pas de Hama dans son article, où de toute façon il n’a pas vu les « 500 000 manifestants anti-Bachar » naguère chantés par les désinformateurs de l’OSDH.
Non, il, préfère consoler ses lecteurs et employeurs de la lenteur des événements en Syrie avec l’accélération de l’histoire en Libye – encore que cette histoire semble déjà subir une légère décélération, mais passons.
Hélas, le journaliste le reconnaît assez vite lui-même, comparaison n’est pas raison, et Bachar n’est pas Kadhafi : « Les protestataires reconnaissent que le régime d’al-Assad tient le coup face à la rue » reconnaît lui-même Malbrunot. Et c’est vrai qu’en dépit de ce qu’il affirme au début de son papier, la « rue » syrienne tend à se vider d’opposants, ces dernières semaines, en dépit des encouragements incessants des très nombreux Malbrunot du P.J.F. (Paysage journalistique français).
Comme nous l’écrivions voici quelques jours, même les chiffres fournis par les cyber-propagandistes de l’opposition sont revus à la baisse : la plus grosse manif du vendredi 19 août aurait regroupé selon l’OSDH 20 000 personnes à Hama, estimation qu’il est très raisonnable de diviser par au moins deux, compte-tenu des traditions de « lyrisme révolutionnaire » des correspondants locaux de Rami Abdel Rahmane (voir notre article « Un vendredi très attendu », mis en ligne le 22 août). On verra ce qu’il en est vendredi 26, mais il est sûr et certain que la contestation n’est vraiment plus à son zénith.
Plaidoyer pour la guerre
Du coup, dans la deuxième partie de son article, Georges Malbrunot développe l’idée, en se cachant à moitié derrière les déclarations d’opposants vraiment de moins en moins syriens, que la solution pourrait être, malgré tout, une intervention de l’OTAN dans le goût libyen justement. Oh certes, les chancelleries occidentales y sont, en principe, hostiles, tout comme la Turquie, et même, le reconnaît à grand regret M. Figaro, les opposants syriens exilés qui « ne veulent pas apparaître comme les leaders irakiens portés au pouvoir par les chars américains en 2003 à Bagdad ».
Heureusement, indique Malbrunot, les « révolutionnaires de l’intérieur » n’ont pas ces pudeurs de jeune fille. Et de citer le jeune Ali de Deir Ezzor pour qui « le départ de Kadhafi montre que la solution militaire extérieure n’est pas forcément mauvaise ».
Et Ali, confessé amicalement par Malbrunot, de regretter que les émeutiers de Deir et d’ailleurs n’aient pas bénéficié de la couverture aérienne otanesque qui a déjà fait « merveille » en Libye. Et histoire de créer un mouvement d’opinion, l’homme du Figaro met dans la bouche de « nombreux Damascènes » (ha, finalement il en a trouvé ?) cette constatation angoissée : « Seuls on ne pourra pas le (Bachar) faire tomber ». Eh non !
Disons-le tout net, avec cet article, M. Georges Malbrunot passe du registre de la désinformation à celui de la propagande belliciste. Ce faisant, il renoue avec la grande tradition illustrée par ses aînés du Figaro et d’ailleurs, qui ont puissamment contribué, en relayant servilement les mensonges du Pentagone et de l’OTAN, à plonger l’Irak dans deux guerres et un blocus dévastateurs, et à faire bombarder pour la première fois depuis 1945 une nation européenne – la Serbie.
On ne sait pas si ce petit chef d’œuvre de journalisme de combat aura le même effet, mais on peut dire que son auteur a d’ores et déjà mérité la confiance de ses employeurs, soit, par ordre croissant d’importance et d’abjection, le groupe Dassault(1), le pouvoir sarkozyste, l’OTAN et le Département d’Etat américain.
(1) Et puisqu’on parle du groupe Dassault, il n’est pas indifférent de savoir qu’il vient de remporter, grâce à une intervention directe de Nicolas Sarkozy – qui a passé outre l’avis négatif unanime des plus hautes autorités militaires françaises -, un marché portant sur le remplacement du parc de drones de l’Armée de l’Air, son drone a lui ayant été développé en coopération avec la société Israel Aerospace Industries – au point qu’on parle de « drone israélien ». Ce coup de pouce de Sarkozy a ainsi permis à Dassault d’être préféré au groupe européen EADS et même aux Américains de General Atomics, qui avaient pourtant la faveur des militaires français. Voilà qui permet de remettre en perspective la qualité de l’ »information » que Le Figaro et ses petites mains fournissent sur la Syrie. Un quotidien plus que jamais voué à être la Pravda du sarkozysme, notamment en ce qui concerne la politique étrangère, du fait de ses liens incestueux avec l’Elysée, un grand groupe privé et les accointances de l’un et de l’autre avec l’Etat d’Israël.