Une équipe d’E&R a pu assister le 23 juillet dernier au « Bolivar Hall » de Londres à une conférence donnée par George Galloway sur l’offensive israélienne à Gaza. George Galloway est un député britannique de la Chambre des communes, membre du Parti du Respect et fervent défenseur de la cause palestinienne. Cette conférence a fait suite à sa présence répétée aux manifestations pour Gaza, qui ont eu lieu vendredi 11 et samedi 19 juillet devant l’ambassade d’Israël à Londres.
Le « Bolivar Hall » de Londres, salle de conférence rattachée à l’ambassade du Venezuela, fut fournie pour l’occasion par le chargé d’Affaires du Venezuela à Londres Álvaro Sánchez. Ce dernier a dans un premier temps tenu à rappeler le soutien total du gouvernement Maduro pour la cause palestinienne, qui a lancé une campagne « SOS Palestine » et appelé à une réunion d’urgence du Conseil des droits de l’homme des Nations unies visant à condamner les atrocités du régime israélien. Álvaro Sánchez a aussi rappelé que le défunt et ex-président Hugo Chávez stoppa toute relation diplomatique avec Israël à la suite de l’opération Plomb durci en 2009.
George Galloway prit ensuite la parole, commençant son discours par une « préparation du terrain » visant à se protéger de toute accusation d’antisémitisme. Il rappela qu’il s’agit bien là d’un combat antisioniste et « pas contre les juifs », tenant à mettre les choses au clair afin, selon lui, de ne pas donner du grain à moudre à ses opposants. D’après lui, il est injustifié de mettre sur le même plan les massacres de civils à Gaza et l’Holocauste, les pertes à Gaza se comptant seulement par milliers alors que l’Holocauste aurait fait des « millions et des millions de victimes ». Il ajouta qu’il est aussi abusif de faire un parallèle entre les nazis/Hitler et le gouvernement israélien/Netanyahu, l’idéologie nazie étant selon lui « l’idéologie la plus maléfique, la plus meurtrière, la plus génocidaire ayant jamais existé ». Il serait donc « grotesque » de faire un lien entre « les idées d’Hitler ou du fascisme et la monstruosité de Netanyahu et les actes de l’État israélien », reconnaissant tout de même que la situation à Gaza ressemble fortement au ghetto de Varsovie.
Une fois terminée cette « mise en garde » de près de 10 minutes, George Galloway put commencer à parler de la Palestine et de Gaza. Il rappela que 80 % des Gazaouis sont sans-emploi et vivent avec moins d’un dollar par jour, tandis que 80 % des enfants de Gaza sont sous-alimentés. Il expliqua ensuite que les accusations du gouvernement israélien contre le Hamas selon lesquelles il utiliserait des civils comme boucliers humains ne tiennent pas la route, la bande de Gaza étant un petit territoire sans aucun endroit où fuir ou se cacher. Puis il remarqua que malgré la très forte proportion de musulmans sunnites à Gaza, ce sont des pays chiites (la Syrie, l’Iran) qui soutiennent activement la résistance palestinienne, tandis que les pays arabes sunnites brillent par leur absence. George Galloway confirma ensuite que le Hamas n’a pas d’autre choix possible que de refuser le cessez-le-feu tant que celui-ci n’inclut pas la fin du siège de Gaza. Il ajouta qu’Israël a frappé Gaza à la suite de la formation d’un gouvernement d’unité nationale regroupant le Hamas et le Fatah, et ce afin de l’empêcher.
Des questions furent ensuite posées. Une personne présente lui demanda ce qu’il était possible de faire pour mettre fin à l’influence du lobby israélien aux États-Unis, responsable du soutien américain aux offensives israéliennes. George Galloway fournit alors une réponse surprenante, commençant par dire que la plupart des sionistes américains sont des chrétiens. S’il existe bien des chrétiens sionistes puissants aux États-Unis, un rapide coup d’œil à l’organigramme de l’AIPAC (l’organe central du lobby sioniste, ayant notamment la mainmise sur le Congrès) ne manquera pas de nuancer très fortement l’affirmation de Galloway... Selon lui, le président Obama aurait les mains libres et serait « l’homme le plus puissant de la planète » contrairement aux « théories selon lesquelles il ne serait qu’une marionnette » dans les mains de grandes puissances… On retrouve ici la thèse défendue par Noam Chomsky, selon laquelle les USA soutiennent Israël de manière totalement libre sans qu’un quelconque lobby n’influence en aucune manière leur politique étrangère.
George Galloway et son parti politique, le parti du Respect [1], ont formé depuis 2004 une alliance avec le parti trotskyste britannique du SWP (Socialist Workers Party) [2]. Le SWP fut fondé en 1950 par Tony Cliff, de son vrai nom Yigael Gluckstein [3]. Tony Cliff, né en 1917 d’une famille juive en Palestine, fut membre du groupe socialiste et sioniste Hashomer Hatzair, avant de devenir un militant trotskyste en 1933 et de basculer dans l’« antisionisme ». Le SWP est connu pour avoir organisé la campagne antifasciste de la fin des années 1970 via la création de l’« Anti-Nazi League » (« Ligue antinazie »), version britannique du réseau Ras l’front et des campagnes françaises de diabolisation de la droite nationaliste [4]. Associé un temps au jazzman et écrivain Gilad Atzmon, le SWP cessa toute relation avec ce dernier lorsqu’il commença à promouvoir les idées de l’écrivain antisioniste britannique Paul Eisen ou celles d’Israël Shamir, écrivain juif né en Israël et plus tard converti au christianisme orthodoxe [5].
La présence du SWP fut particulièrement évidente lors de cette conférence, un stand du parti étant placé à l’entrée de la salle et des tracts diffusés aux participants. Il est aisé de faire ici un parallèle avec l’encadrement de la mouvance antisioniste française par des partis trotskystes tels que le NPA ou LO. Comme le souligne l’écrivain Gilad Atzmon, l’échec de la lutte antisioniste trouve son origine dans la restriction et l’encadrement du débat par des organisations tribales judéo-centrées. La mouvance trotskyste, qui elle non plus ne compte pas que des chrétiens, cherche à « parrainer » les figures phares de l’antisionisme dans le but de limiter la portée réellement subversive de leur discours. Des discours comme celui de Gilad Atzmon, qui met l’accent sur le fait qu’une critique de l’État d’Israël qui refuserait d’analyser la barbarie de l’entité sioniste à la lumière de la culture juive et de l’histoire juive serait vouée à l’échec. Reste à espérer que George Galloway parviendra à se libérer un jour de ses parrains trotskystes…
La conférence (en anglais non-sous-titré) :