Le PDG de General Electric (GE), Jeffrey Immelt, va rencontrer Manuel Valls (s’il revient à temps des cérémonies de canonisation de deux papes à Rome) et Arnaud Montebourg dimanche à Paris.
Les trois hommes vont entamer des discussions au sujet du rachat partiel d’Alstom (un chiffre d’affaires de 20,3 milliards d’euros pour l’exercice 2012-2013 et 93 000 employés dont 18 000 en France) par le géant états-unien (un chiffre d’affaires de 146 milliards de dollars pour 2013 et 305 000 salariés).
C’est la division Énergie d’Alstom qui est convoitée par GE (équipements pour centrales thermiques, lignes à haute tension, énergies renouvelables). Celle-ci représente plus de 70 % de l’activité d’Alstom pour un chiffre d’affaires de 14 milliards d’euros.
Les experts estiment qu’il s’agit d’une transaction qui atteindrait les 9 à 13 milliards d’euros. La branche transport (TGV) ne serait pas visée par l’entreprise états-unienne.
L’affaire devrait être conclue avant dimanche soir et la décision devrait être annoncée lundi matin avant l’ouverture de la Bourse de Paris et la reprise de la cotation du titre Alstom, suspendue vendredi à la demande de l’Autorité des marchés financiers.
Soumis aux désirs du marché et privé de moyens d’agir par Bruxelles, Arnaud Montebourg tente une gesticulation médiatique en multipliant les prises de parole sans fondements, évoquant une « vigilance patriotique » tandis qu’au sein de son ministère, on tente, en catastrophe, de bricoler une alternative...
Réduit à son activité de train à grande vitesse, Alstom est en passe de devenir un nain, dont la seule activité sera liée au renouvellement des rames circulant dans l’Hexagone, face à la concurrence de ses rivaux mondiaux : le chinois CSR, le japonais Hitachi, l’allemand Siemens et les espagnols CAF et Talgo.
Parmi les personnalités politiques qui ont exprimé leur inquiétude, Jean-Pierre Chevènement, sénateur du Territoire de Belfort, président d’honneur du MRC et ancien ministre, notamment de l’Industrie :
« Il est inacceptable que le rachat du secteur énergie d’Alstom par General Electric mette l’État devant le fait accompli (...). Je demande que le conseil d’administration d’Alstom, appelé à entériner un tel accord, soit repoussé à une date permettant aux services du ministre de l’Industrie de faire leur travail. Je suggère que l’État monte en capital s’il le faut pour remplacer les actionnaires défaillants. Cet argent sera mieux utilisé de cette façon que par la distribution indiscriminée de 50 milliards d’euros à toutes les entreprises, y compris les grandes banques ou les grandes sociétés de distribution, qui ne rentrent pas dans la compétition industrielle. »
Et aussi Jacques Myard, député UMP des Yvelines :
« Il n’est pas acceptable que ce fleuron de notre industrie (Alstom) passe sous contrôle américain, il agit dans un secteur d’avenir indubitable avec des brevets porteurs et sensibles en terme de sécurité nationale. Le gouvernement doit mettre son véto à ce projet néfaste, mais il doit aussi se donner les moyens de contrer ces ventes à l’encan au gré des marchés qui font fi des intérêts nationaux et de notre avenir. En premier lieu il doit créer, à l’instar des États-Unis, un Conseil de contrôle des investissements étrangers (...). En second lieu il doit se doter d’une force de frappe pour apporter en haut de bilan les capitaux nécessaires au développement de nos entreprises : à cette fin il doit lever un grand emprunt national de 100 milliards d’euros qui doit être totalement défiscalisé, à la fois au regard de l’ISF et au regard des intérêts versés. »
Et enfin, le communiqué de presse de Bernard Monot, stratégiste économique et tête de liste Front national/Rassemblement bleu Marine aux élections européennes dans la circonscription Massif Central-Centre :
« Le géant américain, leader dans la production électrique, a confirmé ce jour sa volonté d’acquérir la part du groupe Bouygues (29 % du capital) dans un fleuron de l’industrie française Alstom, fabricant de centrales électriques et de trains.
Les TGV pourraient passer ainsi sous pavillon américain.
Nous mettons en garde les Français qu’à terme, les emplois, les centres de recherche, de production et la technologie quitteront l’Hexagone, comme ce fut le cas pour ArcelorMittal et Pechiney à l’époque des gouvernements UMP.
Selon la vision stratégique à long terme du Front national, cette opération de cession de capital constitue un “raid” économique intolérable sur une entreprise stratégique pour les intérêts vitaux de la France. Cela serait une atteinte grave à l’indépendance de notre pays, tout comme la prise de participation récente de 14 % du groupe public chinois Dongfeng dans notre constructeur Peugeot.
Après la perte de Péchiney et d’Arcelor, notre économie française continue d’être vendue à la découpe, sans aucune réaction de la classe politique UMPS, séide de la doctrine ultralibérale défendue par l’Union européenne.
Dans une logique de patriotisme économique, le Front national réclame à Messieurs Hollande, Valls et Montebourg de faire obstacle à cette nouvelle opération boursière étrangère. Par mesure de sauvegarde de nos intérêts stratégiques, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) doit racheter la part de Bouygues dans Alstom afin que ce fleuron industriel reste français. »
Ce weekend sera décisif pour la filière française de l’Énergie, et cela dans un climat de négociations discrètes voire secrètes autour du Marché transatlantique, qui sonnera le glas des restes de l’industrie française.
Voir aussi, sur E&R :