D’anciens hauts gradés de l’armée française interviennent de plus en plus en politique. Pourquoi ? Quels dangers veulent-ils contrer ? Sputnik a interviewé le général Martinez. Un entretien choc.
L’expérience militaire précède-t-elle la sagesse politique ? Certains ont pu le penser mais la période récente pourrait les contredire. Nous avons en effet observé un phénomène ces derniers mois, phénomène associé à trois noms, ceux des généraux Tauzin, Picquemal et Soubelet. Ceux-ci semblent cependant avoir échoué à faire entendre leur voix.
Le premier en essayant de se présenter à l’élection présidentielle, le deuxième en participant à des manifestations contre l’accueil de migrants et le troisième en rejoignant Emmanuel Macron avant de le lâcher, déçu devant les ralliements de personnalités du gouvernement sortant.
Mais un quatrième haut gradé de l’armée française prend maintenant la parole : le Général Martinez vient tout juste de publier l’essai Quand la grande muette prendra la parole (publié aux éditions Apopsix). Son argument est clair : face à la crise que nous traversons, l’armée a un rôle à jouer.
Ceci pourra faire peur à certains, alors affrontons les choses... Écoutez l’entretien dans son intégralité :
Briser le devoir de réserve
« Les forces armées exercent un sacerdoce. Bien sûr, elles sont à la disposition d’un gouvernement, mais le sacerdoce s’exerce avant tout au service du peuple. Nous avons dû subir des drames inacceptables sur notre sol. (...) Je considère que le devoir de réserve à un certain moment doit être rompu, c’est le devoir d’expression qui doit avoir droit, compte tenu de la situation que nous connaissons (...) Quel est le rôle du politique, au sens noble du terme ? D’assurer l’unité de la Nation et la protection de la collectivité dont il a la charge. Aujourd’hui, ça ne semble plus être la priorité de nos responsables politique. (...) je les rassure : les militaires sont légalistes et légitimistes, il ne faut pas voir en arrière-plan de ce titre des velléités de coup d’État ! [Mais] le moment est venu de briser le silence pour provoquer le sursaut qui est nécessaire. »
Le défi migratoire
« Qui remettrait en cause l’apport de l’immigration depuis un siècle ou deux ? Personne. Le problème qui se pose aujourd’hui, c’est l’immigration massive, incontrôlée, injustifiée et qui plus est, une immigration hostile à notre civilisation, à notre culture. Certains nous parlent d’une immigration de portugais, d’espagnols, d’italiens, de polonais. Certes, mais cette immigration était européenne et donc de culture commune. L’assimilation a bien joué son rôle : dès la deuxième génération, les individus se sentaient Français. Là, le problème est différent, face à une immigration de culture totalement différente. Je parle de l’islam. Il y a un certain nombre de problèmes que l’on ne peut pas occulter (...) l’islamisme c’est l’intégralité de l’islam : la lecture du texte sacré à la lettre. »
La rébellion de l’état-major français
« Les forces armées ont été réduites de 54 000 hommes entre 2008 et 2015. Le gouvernement du Président actuel prévoyait de réduire encore de 34 000 hommes. Soit près de 90 000 hommes. Or les missions n’ont pas été modifiées et depuis la fin de la guerre froide, nos forces armées n’ont jamais autant été engagées à l’extérieur. Et nous sommes aujourd’hui, compte tenu de la menace islamiste, contraints de faire intervenir celles-ci sur notre territoire. Ça pose énormément de problèmes au niveau des relèves. Arrive cette opération Serval [au Mali] (...). Le chef d’état-major des armées et les chefs d’état-major des trois armées, devant cet obstacle majeur, ont rendu compte au ministre de la Défense, en disant qu’ils étaient prêts à démissionner. Peu de citoyens le savent : s’ils avaient déposé leur démission, il y avait une bonne vingtaine de généraux prêts à suivre leurs chefs. Un précédent a été créé. (...) Il faut briser le silence pour permettre un sursaut. Le politique hésite beaucoup : s’il n’est pas mis devant des situations dramatiques, les décisions ne se prennent pas. »
Des djihadistes parmi les migrants ?
« C’était une promesse de l’État islamique : il avait promis 500 000 migrants. Il faut savoir que dans le flux de ces migrants, il y a eu un certain nombre de djihadistes infiltrés : pour ceux qui ne voudraient pas le croire encore, je les renvoie aux différents attentats, notamment ceux du 13 novembre. Parmi les huit djihadistes, deux (...) avaient posé le pied sur le territoire grec le 6 octobre 2015. (...) Sur l’ensemble du territoire européen, ils ont réussi à installer un maillage. La menace non seulement est extérieure, mais aussi intérieure (...) quand on voit le nombre de djihadistes, des “enfants de la République Française” qui sont actuellement en Irak ou en Syrie sous le drapeau de l’État islamique (...) Je rappelle quelques faits qui se sont produits au cours des dernières années : une mutinerie sur le porte-avion Foch ou le cas de quatre militaires qui ont refusé d’être déployés en Afghanistan pour des raisons religieuses, ou notre ministre de la Défense, obligé de reconnaître en début d’année que nous avions d’anciens militaires français sous la bannière de l’EI. (...) Comment éviter la partition ? Les fameux “territoires perdus de la République”, c’est là que ça se passe. »
Une convergence des luttes
« Pour que nos chefs militaires, collectivement, brisent le silence pour provoquer ce sursaut, il faut qu’ils sachent qu’une bonne partie des citoyens français considèrent que l’institution militaire est l’un des rares à pouvoir un rétablissement de la situation. Comme briser ce devoir de réserve n’est pas dans la tradition, c’est aussi la responsabilité des citoyens (...) pour démontrer qu’ils sont prêts à manifester pour défendre leur identité. »
Les généraux Tauzin,Picquemal &Soubelet ont échoué.Martinez réussira-t-il à peser en politique ? Il répondra @sputnik_fr #ParleCommeLeSysteme pic.twitter.com/Kqwq6HjpXv
— Chanot (@edchanot) 12 avril 2017