« La mère porteuse dans son sens le plus classique, est une femme de la classe moyenne, vit dans une petite ville, d’un milieu rural, qui bien-sur est contente de gagner un peu d’argent. Mais surtout, ce qui m’a frappée, à travers les dizaines de mères porteuses avec lesquelles j’ai pu parler, c’est l’incroyable fièrté qu’elles tirent de cette activité. C’est une activité qui les valorisent. Elles sont très très fières de ce qu’elles font. »
Est-ce une tentative politique de réabiliter le « métier » de mère porteuse ? Toujours est-il qu’en entendant Natacha Tatu, il ne s’agit que d’épanouissement personnel et de don de soi, pas de misère morale et matérielle.
« Aux États-Unis, la GPA est devenu une filière, un réseau dont les mères porteuses seraient un peu les ouvrières. C’est vraiment une activité lucrative. C’est le cas aussi en Inde. Ce qui est vrai, c’est que la motivation des mères porteuses indienne, c’est uniquement l’argent. A titre très personnel, j’avoue que j’ai plus de facilité à comprendre une femme indienne qui va changer le cours du destin de sa famille en ayant cette activité. Une mère indienne que j’ai rencontrée, qui a porté deux enfants pour autrui, me racontait que dans sa famille on avait toujours été ouvrier agricole, et qu’on avait jamais rien possédé. Là, c’est une opportunité incroyable qui se présentait à elle, à laquelle elle n’aurait jamais pu penser. Avec l’argent gagné grâce à ses grossesses, elle a pu acheter un champ, du bétail. »
On sent, derrière cette enquête à décharge, une forme de validation morale de la GPA, qui ouvre pourtant la marchandisation du vivant et qui préfigure la découpe de l’humain à la carte. Les pauvres serviront de réservoirs de bébés et d’organes pour les riches, tout simplement. Sans compter les esclaves sexuels possibles...
Bienvenue dans le futur, sauf que ce futur se conjugue déjà au présent. Plongeon dans le monde vertigineux de la Gestation pour Autrui (GPA), ou comment ce désir de bébés est devenu un véritable business international. Rencontre avec Natacha Tatu, auteur de "La fabrique des bébés" (Stock).
« Vivez la plus grande aventure de votre vie ! » Ce slogan pourrait s’afficher sur votre écran de télévision ou d’ordinateur, vantant les mérites d’un voyage au bout du monde ou d’une croisière vers des îles paradisiaques... Mais c’est d’un tout autre voyage dont il s’agit. On parle ici de l’aventure d’une vie, voire de plusieurs, nous voici même en plein coeur de la vie : la procréation.
Ce slogan, c’est celui que l’on peut trouver sur la brochure de l’une des plus grandes, et prospères, agences de gestation pour autrui américaine. « Un taux de réussite exceptionnel, un plan de traitement illimité, une grande variété de donneuses d’ovocytes, des mères porteuses, soigneusement sélectionnées, et même des plans de financement sur mesure » ... Voilà comment cette agence tente d’attirer ses futurs clients qui devront se préparer à débourser entre 110 000 à 130 000 dollars, pour devenir parents. Couples, célibataires, hétérosexuels, homosexuels, tout le monde peut aujourd’hui avoir un enfant. La GPA existe désormais dans une dizaine de pays.
Un bébé à tout prix, à tous les prix
Des États-Unis, leader mondial de la GPA à l’Ukraine, en passant par l’Inde, Natacha Tatu, journaliste au service étranger à L’Obs a mené l’enquête, elle a voulu rencontrer ces parents en mal de bébés, mais aussi ces femmes, ces mères porteuses qui portent les bébés des autres. Elle raconte tout cela dans son ouvrage La fabrique des bébés (Stock).
Sans a priori, avec talent et précision, l’auteure décrit d’un côté les univers aseptisés, souriants et commerciaux des industriels de la GPA, les relations plus ou moins réelles, plus ou moins amicales, qui se tissent entre les futurs parents et les candidates rémunérées pour porter les bébés, pour « faire du bien ». C’est un roman vrai de science-fiction où tout est possible, où l’eugénisme règne avec ses critères physiques, ses performances intellectuelles attendues, ses exigences de perfection. Mais aussi les doutes, les écueils, les faux-semblants, les traitements physiologiques lourds, parfois dangereux pour les femmes qui portent les bébés des autres.
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