La France et l’Europe doivent utiliser politiquement la séquence ouverte par les frappes américaines en Syrie, menées la semaine dernière en riposte à une attaque chimique imputée au régime de Damas, pour relancer les négociations entre les parties, estime François Hollande dans une interview au Monde publiée mercredi.
« Dès lors que Donald Trump a fait ce choix, et quelle que soit l’interprétation que nous en avons (...), il a créé un événement qui doit être utilisé politiquement par la France, par l’Europe, pour ramener le plus possible les différentes parties du conflit à la négociation », souligne le chef de l’État français dans les colonnes du quotidien.
« Affirmer qu’au terme du processus (le président syrien Bachar el-Assad) doit partir est devenu une évidence », poursuit-il, se disant convaincu qu’un « langage commun » peut être trouvé pour relancer les discussions.
Six ans après le début du conflit syrien qui a fait plus de 320 000 morts et des millions de déplacés, les négociations de paix entre régime et opposition sont toujours au point mort.
Les discussions entre les différentes parties achoppent toujours sur la question de l’avenir de Bachar el-Assad – qui continue de bénéficier du soutien de l’Iran et de la Russie – et de la mise en place de la transition démocratique.
En l’absence d’avancées réelles dans le processus diplomatique, l’option militaire choisie Washington est « encore plus » défendable qu’en 2013, estime François Hollande.
À l’époque, les États-Unis et la France étaient sur le point d’intervenir militairement contre Damas après une attaque chimique, avant une volte-face américaine de dernière minute.
Trois ans plus tard, c’est le successeur de Barack Obama à la Maison-Blanche, Donald Trump, qui donnera le feu vert à une attaque ciblée contre une base aérienne syrienne d’où auraient décollé les avions responsables de l’attaque chimique du 4 avril à Khan Cheikhoun qui a fait plus de 80 morts.
« Pour nous, l’essentiel était qu’ils (les Américains-NDLR) le fassent », indique François Hollande. « On leur a fait comprendre qu’on approuvait cette frappe, et que s’ils nous l’avaient demandé, nous aurions examiné l’hypothèse d’une opération conjointe. »
Concernant l’attaque chimique du 4 avril, imputée au régime syrien par les pays occidentaux, le chef de l’État ne pense pas à une « provocation » de la part de Damas.
« Ce régime a un sentiment d’impunité. Il a pensé que l’ayant déjà fait, et répété, cela soulèverait des haut-le-cœur mais ne provoquerait rien de plus », souligne-t-il.
« Selon nos informations, elle n’a pas été utilisée par hasard ni par maladresse, ou seulement pour créer une forme de terreur », ajoute-t-il. « La frappe avait des raisons tactiques, elle visait à créer un rapport de force sur le terrain, à causer des pertes, dont des enfants, car on ne peut pas distinguer entre les combattants et les populations civiles. »
Le président syrien « porte désormais l’étiquette de massacreur chimique », ajoute François Hollande.
À l’heure où la coalition internationale emmenée par les États-Unis prépare la reconquête de Rakka, capitale autoproclamée de l’État islamique en Syrie, le président syrien estime essentiel de conserver les accords avec la Russie, notamment en matière de « déconfliction », afin de ne pas retarder le lancement de l’offensive.
« Il faut absolument continuer à frapper Daech dans cette période. Il serait dangereux de laisser penser que nous changeons d’ennemi », indique le chef de l’État.