« Pour nous, cette nomination est une véritable provocation », a réagi sur franceinfo Christophe Prudhomme, urgentiste et porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF). « Comment pouvons-nous avoir confiance dans ce monsieur ? Les propositions qui sont faites par François Braun sont catastrophiques. C’est une rupture du service public. Il explique qu’on peut fermer les urgences la nuit. Monsieur Braun ne représente pas les urgentistes ». (France Info)
C’est la magie des réseaux sociaux : quand la presse mainstream régnait sur le monde, les vices cachés des ministres fraîchement nommés pouvaient le rester jusqu’à leur mort, du moins leur mort politique. Aujourd’hui, en 24 heures, l’intelligence collective du Net fait son travail, les informations affluent, se superposent, se recoupent, s’éliminent, se constituent et donnent un portrait assez différent de l’élu du Château. C’est le cas de François Braun, qui n’aura pas tenu 24 heures dans ce rodéo national.
Remaniement : la nomination de François Braun comme ministre de la Santé est "une véritable provocation", selon l'Association des médecins urgentisteshttps://t.co/Ix39xOixgg pic.twitter.com/KwTlGV7AFO
— franceinfo (@franceinfo) July 4, 2022
Pour illustrer cette idée, revenons sur cette photo du gouvernement Bérégovoy de 1992. À l’époque, il faut vraiment aller chercher au fond de quelques livres ou de quelques publications spécialisées le pedigree des ministres sur le perron. Le grand public, lui, n’a accès qu’à l’information officielle, autrement dit la propagande.
Certes, la droite tire à boulets rouges sur la gauche, et la Mitterrandie est en perdition. Mais au-delà des scandales plus ou moins déterrés, pas grand-monde ne sait ce que ces hommes représentent, en termes de réseaux occultes, de pouvoir profond, et d’exactions diverses.
Un an plus tard, Pierre Bérégovoy recevra une balle dans la tête.
À la lumière d’aujourd’hui, à la lumière de ce que nous savons du pouvoir profond, cette photo prend une toute autre couleur. Mitterrand n’est plus le monarque naviguant entre la droite et la gauche pour conserver son pouvoir semi-divin, mais l’homme d’Attali. On n’a pas dit la marionnette, ce serait exagéré. Mais Mitterrand perdra le pouvoir en 1995 et mourra un an plus tard. Attali, lui, continuera à être le conseiller des princes, le Don Isaac Abravanel dont nous avons exhumé l’importance symbolique sur le site.
Dans le Wikipédia consacré à ce gouvernement Béré, qui tiendra tout juste un an, la « vieille garde » fait rêver, en termes d’affaires. On ne s’y étendra pas ici.
L’harmonie entre le président et son Premier ministre marque la formation du nouveau gouvernement. Contrairement à Cresson qui souhaitait faire partir les « éléphants » socialistes, Bérégovoy conserve les pontes du parti, comme Roland Dumas, Pierre Joxe, Jack Lang, Louis Mermaz, Paul Quilès, Michel Charasse, et fait monter en grade ou conserve les « jeunes » qui représentent le renouveau socialiste, comme Martine Aubry, Michel Sapin et Dominique Strauss-Kahn.
On n’oublie pas Me Kiejman, le Dupond-Moretti de l’époque, chargé de déminer les affaires qui encerclent l’Élysée. L’affairiste Tapie, au grand dam des socialistes historiques, sera de la partie. Ce sera son chant du cygne politique. Ensuite éclateront les affaires OM-VA et Adidas-Crédit lyonnais. Pour la petite histoire, l’affaire du trucage du match (le 22 mai 1993) tombera dans la foulée du « suicide » du Premier ministre (le 1er mai)...
Tout ça pour dire qu’aujourd’hui, l’intelligence collective du Net ne laisserait pas tranquille les trois-quarts des membres du gouvernement Béré, ce serait même intenable. Trente ans plus tard, le niveau intellectuel a baissé, mais pas celui des affaires, qui ont juste changé de forme. Admirez le niveau :
Quelle vulgarité. C’est cela aussi le macronisme une grande médiocrité et vulgarité.pic.twitter.com/B0TOW4vzNd
— Emmanuel de Villiers (@E2Villiers) July 4, 2022
Ce que Lang, DSK, Tapie et compagnie n’auront pas à subir à l’époque de l’avant-Internet, François Braun le prend de plein fouet aujourd’hui. La raison ? Il s’agit, selon la base, d’un urgentiste anti-urgences, ce qui n’étonnera guère les lecteurs d’E&R, toujours, ou souvent, en avance sur l’information.
— Le Cap (@medicalfollower) July 4, 2022
Il ne s’agit pas ici d’imputer la mort de patients à un seul homme, fût-il responsable, mais à un système de « soins » très néolibéral, très macronien, qu’il incarne, et défend.
#Braun, nommé à la santé, est le chef de pôle du service des urgences du CHR Mets-Thionville qui a obtenu le pire bilan de la #COVID19
De nombreuses plaintes ont été déposées contre son service et contre le SAMU qu'il dirigeait et ça piquehttps://t.co/H80sdRyVz2— Mounotella (@Mounotella) July 4, 2022
Dans la nuit du 7 au 8 septembre 2020, à Paris, Patricia décède d’un arrêt cardio-respiratoire à 53 ans, quelques heures après avoir été hospitalisée. Quelques jours auparavant, elle avait été testée positive au Covid-19 et face à la dégradation de son état de santé, avait contacté le Service d’aide médicale urgente (Samu) des Hauts-de-Seine qui lui avait enjoint de ne « surtout pas » aller aux urgences. (La Voix du Nord)
François Braun nommé à la santé. Vous savez, ce monsieur qui proposait de refouler les personnes aux urgences et de créer des "bed managers" chargés d'administrer la pénurie de lits. Ce n'est plus un gouvernement, c'est un sketch. #NUPES #Remaniement #santé
— Hadrien Clouet (@HadrienClouet) July 4, 2022
Mais il y a plus grave encore, une information porteuse de nuages très noirs, que nous avons évoquée dans l’article sur le remaniement : Braun est un spécialiste de la médecine de guerre. Sa nomination « amuse » son collègue Pelloux ; nous, ça ne nous amuse pas.
"C'est bien, c'est drôle (...) J'espère qu'il va être le ministre de tout le monde"
Patrick Pelloux réagit à la nomination de François Braun au ministère de la Santé pic.twitter.com/AtjgUUOeDe
— BFMTV (@BFMTV) July 4, 2022
Concrètement ? Des services d’urgences, déjà archi-saturés, seront fermés la nuit. Conséquence, l’appel au 15 tiendra de l’exploit, les flux tendus à mort finiront pas péter, ce qui signifie que des gens mourront chez eux.
Bah, comme au printemps 2020, diront les cyniques, ceux qui conseillaient aux malades du coronavirus de rester chez eux, de ne pas se soigner, et surtout pas avec de l’hydroxychloroquine, mais de prendre du paracétamol. Les autres, au stade de la suffocation, prendront du Rivotril.
On garde les preuves
Olivier Veran : Le médicament Rivotril autorisé par un décret du 28 mars 2020.O.Veran : "sous forme injectable, pour notament les personnes à domicile prises par le covid-19... "#génocide #giletsjaunes pic.twitter.com/KAlYk5Tccd
— A__SAMEDI (@A__SAMEDI) March 30, 2022
Nous allons manquer de soignants partout, ce sera bien une médecine de guerre, plus expéditive, moins chère, une médecine de pauvres, et peut-être même qu’un jour, ce sera une médecine en temps de guerre.