Ce vendredi 8 février, la très mal nommée France Info – en réalité ni France ni infos – s’est amusée à se faire peur. Ou plutôt s’est amusée à faire peur à ses auditeurs. Car nous ne pouvons imaginer que le petit journaliste Matthieu Mondoloni ne croit lui-même à sa propre narration dont le dessein n’est pas de retranscrire une certaine vérité mais bien plutôt de faire exploser les Gilets jaunes par le conflit intérieur.
C’est ainsi que commence l’article : le plumitif de service pense détenir la Conférence de Wannsee des Gilets jaunes ! Pas moins :
Ce mouvement est convoité, infiltré même, par l’ultradroite française, c’est ce que révèle notre enquête franceinfo. Une infiltration théorisée il y a maintenant trois semaines, le 19 janvier (...)
Il s’agit en fait ici d’une simple conférence, ouverte au public et même retransmise dans nos propres pages. Rien de secret ni aucun complot n’y fut organisé. Simplement une analyse des événements, quelques manières de l’aborder mais aussi, et c’est bien légitime lorsqu’on fait de la politique, quelques façons d’agir à l’intérieur de ce mouvement pour tenter de lui assurer une certaine réussite – bien sûr dans un certain sens – ou tout au moins lui éviter la déroute.
Car c’est bien cette débâcle qu’espèrent le gouvernement, les puissances oligarchiques et que les médias, leur cheville ouvrière, organisent par une propagande de moins en moins subtile.
Des fachos partout...
On nous dit dans cet article qu’ils seraient « environ 200 » et auraient même infiltré le service d’ordre des Gilets jaunes. D’ailleurs, Victor Lenta, une des personnalités de ce service d’ordre, aurait inventé l’attaque par des Black blocs contre Jérôme Rodrigues pour ensuite l’exfiltrer de la manifestation. Qui croire ?
Pourtant de nombreuses vidéos montrent ces antifas ou ces Black blocs à la manœuvre, en général sans chasuble jaune et masqués. Et ce sont d’ailleurs bien des Black blocs dont parlait la semaine précédente ce même Jérôme Rodrigues quelques secondes avant d’être éborgné, et dont il se plaignait de l’arrivée opportune en fin de manifestation (à partir de la minute 8’) :
Plus loin on nous fait découvrir « les Zouaves », ce groupe fantomatique d’« une soixantaine de membres ultra-violents », ceux-là mêmes qui auraient mis à sac l’Arc de triomphe (dont on appréciera pourtant les tags ci-dessous) et auraient « agressé des militants du NPA » dans une des manifestations.
Quelle inversion accusatoire ! Ce sont pourtant bien les militants d’extrême gauche qui infiltrent les manifestations et viennent casser du facho ! Qu’on se rappelle l’attaque en règle de Vincent Lapierre ou du quenellier toulousain. Jamais on a vu une telle violence organisée et en groupe de la part des fantasmagoriques fascistes cités par France Info !
Dans cet autre article aussi, la radio d’État ne voit que des casseurs d’ultra-droite et des antisémites. Il nous semblait pourtant que les vitrines de magasin cassées étaient plutôt l’œuvre de quelques racailles de banlieue et que les banques, les voitures brûlées ou les pavés jetés étaient plutôt l’œuvre de l’ultra-gauche et ses graffitis pourtant sans équivoque : « ACAB » (le Mort aux vaches renouvelé en anglais cosmopolite) et autres « A » barrés anarchistes.
... des antifas nulle part
On épargnera à nos lecteurs la liste des nombreuses vidéos, des nombreux témoignages qui abondent sur la Toile. Nombreux sont les authentiques Gilets jaunes écœurés par les agressions répétées de ces milices de la pensée qui viennent agresser toute personne désignée arbitrairement par eux mais aussi pourrir les manifestations, casser des vitres, taguer des murs et mettre volontairement sous tension les forces de l’ordre.
Mais alors où le non-chômeur Matthieu Mondoloni est-il allé puiser de telles fariboles ? Nous avons la réponse. En effet, plus loin dans l’enquête le journaliste laisse la parole à un témoin de choc dont la neutralité et l’objectivité ne peuvent être mises en doute... : un « militant antifasciste parisien » (sic !). Les bras nous en tombent.
Et pour électriser encore davantage ses auditeurs, le journaliste cite une « source policière qui souhaite rester anonyme » (quel dommage) :
« Cela fait un moment qu’on alerte nos autorités, mais c’est minimisé. Au ministère de l’Intérieur, on nous dit que c’est la guerre des boutons, alors que c’est de plus en plus violent. Nous, ce qu’on craint, c’est une nouvelle affaire Méric, qu’un membre de l’ultragauche ou de l’ultradroite meure sous les coups lors d’une manifestation des “Gilets jaunes”. »
Le piège
Et c’est ici que le piège se referme sur les Gilets jaunes : le journaliste nous dit « l’ultradroite qui veut prendre le pouvoir, l’ultragauche qui s’y refuse et au milieu un mouvement dont la position apolitique est "intenable" (...) À un moment, les Gilets jaunes seront obligés de choisir ».
Il y a donc une ultradroite par nature violente et putschiste souhaitant s’accaparer le mouvement, une ultragauche hagarde et bienveillante qui essaye simplement de chasser les méchants, et au milieu les Gilets jaunes qui devront choisir. Quelle merveille d’analyse journalopistique !
Le résultat attendu de cette ingénierie est simple, et est toujours le même : l’extrême gauche est appelée à la rescousse, les idiots utiles (et leurs meneurs) infiltrent le mouvement puis le pourrissent. Les authentiques Gilets jaunes dégoûtés prennent leur distance, les nationalistes abandonnent le terrain car l’alpha et l’oméga de leur pensée n’est pas la lutte contre les antifas. Il ne reste alors plus que les gauchistes et le mouvement est parfaitement neutralisé. Il s’éteint.
Gageons que les Gilets jaunes sauront éviter ce piège mortel et maintiendront avec la plus grande vigueur la structuration anarchiste (au meilleur sens du terme) de leur mouvement afin qu’il soit parfaitement insaisissable par le pouvoir et ses milices antifascistes. Qu’ils continuent à interdire tous ces drapeaux qui tendent à fleurir (LGBT, CGT, antifascistes, etc.) mais aussi tout slogan partisan. Il en va de la survie du mouvement.
Car finalement, de quel droit l’extrême droite n’aurait pas autant le droit d’exister parmi les Gilets jaunes que l’extrême gauche, l’extrême centre ou n’importe qui ? Le caractère transversal du mouvement recouvre toutes les sensibilités, et comme le dirait Étienne Chouard, demain il faudra gouverner la cité avec tout le monde, même nos ennemis politiques. Qui sommes-nous donc pour dénier à tel ou tel le droit de défiler comme Gilets jaunes ?
Pour ne pas tomber dans des fausses luttes dirigées par l’élite