Alors qu’ils étaient d’indéfectibles soutiens du mouvement foireux car oligarchisé Nuit debout, les gauchistes du NPA (Nouveau Parti anticapitaliste) du facteur poney Besancenot tentent depuis peu de mettre la main sur le mouvement des Gilets jaunes qui, à vrai dire, leur échappe complètement.
Cette gauche soi-disant proche du peuple n’a pas vu venir la montée d’une contestation 100% populaire qui, pour une fois, n’était pas maquée par les alliés objectifs du pouvoir profond. On rappelle pour les nouveaux arrivés sur E&R que la gauche trotskiste a les mêmes objectifs que le libéralisme mondialiste – qu’elle est censée combattre – mais sous des noms différents : là où les uns disent internationalisme, les autres entendent capitaux sans frontières. Là où les uns disent antiracisme les autres entendant immigration brise-salaires.
Bref, les gauchistes sont la version faussement populaire des injonctions de la classe dominante, un piège pour les plus sensibles, les plus fragiles, les moins lucides.
C’est pour cette raison que les jeunes, lycéens et étudiants, sont les premiers ciblés par le NPA. À 16 ans, on a envie d’aimer tout le monde et d’aider les plus démunis, alors on réclame la justice universelle. On défend le pauvre migrant africain qui vient chez nous mais on oublie le paysan qui se pend en France.
Voilà pourquoi les gauchistes ont complètement loupé le train social des Gilets jaunes : ils focalisaient sur les minorités souffrantes habituelles que sont les jeunes, les juifs et les pédés, pour parler vulgairement – on sait bien qu’on devrait dire la jeunesse enthousiaste, les descendants de déportés victimes d’antisémitisme et les homosexuels victimes d’homophobie –, sans oublier les femmes qui sont barrées dans leur ambition par l’homme blanc de plus de 50 ans.
Cette semaine, justement, Marlène Schiappa a de nouveau ciblé ces salauds :
A la tête de la haute administration, on a principalement des hommes, blancs, qui ont fait l’ENA.
On manque terriblement de diversité dans les parcours. Quand tout le monde a le même logiciel il n’y a plus d’intelligence collective.
Interview @LePoint https://t.co/RTACHbosEP pic.twitter.com/9Rsbm3EcEb— MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) 6 janvier 2019
Dans cet article de revolutionpermanente.fr, le site du NPA, tout doit être lu avec le dictionnaire des euphémismes à la main.
« L’acte 8, massif et radical, a mis le gouvernement, qui ne s’attendait pas à un tel rebond, à la défensive. Cependant la faible structuration du mouvement ouvre la voie aux récupérations de toutes formes : des plus opportunistes aux plus bureaucratiques. Heureusement dans toute la France, des initiatives démocratiques locales sont des points d’appui pour l’émergence d’une telle structuration. »
Structurer, ici, veut dire gauchiser. Opportuniste veut dire populiste ou fasciste. Les méchants, quoi. Les gauchistes sont très embêtés par le mouvement des Gilets jaunes (MGJ) car leurs catégories habituelles n’y font pas la loi : ce sont des hommes et des femmes qui travaillent, pas les parasites sociaux ou les illusionnés de la démocratie participative qui peuplaient les Nuit debout. Le MGJ c’est du sérieux, du bosseur, du France profonde, pas de l’étudiant branleur ou du lycéen aux hormones qui chauffent. On a affaire à des darons et des daronnes, comme disent les Gitans.
Si le NPA pointe avec raison les tentatives de récupération du MGJ par le Système, par exemple celle de Bernard Tapie, il oublie sa propre tentative qui saute aux yeux dans le texte. Mais pour cela, il faut approcher la Bête – le peuple – avec prudence et l’apprivoiser. Le peuple, le NPA en parle tout le temps mais ne le connaît pas. Sorti des lycées et des campus, il n’existe pas : le peuple n’est pas encarté au NPA.
« Face à ces manœuvres bureaucratiques, la méfiance vis-à-vis de processus de structuration peut se comprendre. Toutefois la réponse à de telles dérives ne peut se réduire au rejet de toute forme de coordination mais doit au contraire consister en une démarche consciente de structuration. En effet c’est en réalité la mise en place par les Gilets jaunes de cadres authentiquement démocratiques qui permettra d’exclure les réactionnaires de tout poil, récupérateurs et autres opportunistes. »
Ah, on y arrive. Le mépris du peuple s’exprime ici à travers l’idée que il serait incapable de s’auto-organiser et qu’il aurait besoin, par exemple et par hasard, du NPA pour ça. Quelle vanité, quelle illusion ! Quand on sait avec quel soin sont préparées les actions des GJ et les leurres pour la police répressive...
On appréciera l’oxymore « cadres authentiquement démocratiques » dans la bouche des rédacteurs. Vous manquez de démocratie, les pauvres, eh bien on va vous en donner ! Ici, la démocratie ressemble à un fouet...
Et comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, dans la grande lignée des prophéties auto-réalisatrices, le NPA explique que le MGJ est en train de d’organiser « sur des bases démocratiques » :
« Partout en France, une telle volonté de structurer le mouvement sur des bases démocratiques se fait sentir. À Toulouse, trois assemblées générales locales ont déjà eu lieu, au cours desquelles a été voté un cahier de revendications, permettant de répondre de façon claire à ceux qui, comme Emmanuel Macron, voudraient assimiler les Gilets Jaunes à une “foule haineuse” s’en prenant “aux journalistes, aux juifs, aux étrangers, aux homosexuels”. Les assemblées locales permettent par ailleurs de structurer des commissions afin de mettre en œuvre des réponses sur des questions telle que la répression. »
Là on tape dans le très drôle : les catégories défendues par Macron sont le calque exact des clientèles électorales du NPA ! On voit dès lors quelles sont les insurmontables contradictions que les amis de Krivine vont devoir surmonter pour arriver à noyauter, en bons trotskistes, l’insurrection populiste en cours.
Fausse opposition
On peut à ce propos mettre en parallèle la répression gouvernementale d’un Édouard Philippe et l’approche plus douce d’un Besancenot, deux versants d’une même politique, unis qu’ils sont par les intérêts du pouvoir profond. Il y a la répression directe du haut avec la violence policière et la répression indirecte du bas, cette manière venimeuse de liquéfier le MGJ de l’intérieur.
Les deux côtés d’une même pince destinée à éradiquer la contestation qui bouscule et la droite bourgeoise, et la gauche traîtresse, la droite du travail et la gauche des valeurs.
Comme pour corroborer notre intuition, cette introduction du Monde diplomatique de janvier 2019 intitulée Le soulèvement français et qui insiste sur la convergence des luttes entre les Gilets jaunes et les... lycéens :
« Après des années de défaites sociales, voici qu’un mouvement inédit a contraint le gouvernement à abjurer son orthodoxie budgétaire. Fins tacticiens, les “gilets jaunes” n’ont pas été dupes de l’opposition entre sauvegarde du climat et pouvoir d’achat, mais ils n’ont guère de stratégie pour renverser la table européenne (“Quand tout remonte à la surface”). Après avoir su rassembler des sans-voix, ils hésitent sur la manière de s’organiser ou de converger avec d’autres révoltes, comme celle des lycéens (“Lycéens contre le tri sélectif”). La forte présence féminine témoigne d’un bouleversement sociologique dont les leçons politiques restent à tirer (“La puissance insoupçonnée des travailleuses”). Tout concourait à faire grossir cette charge dont la morgue du président Emmanuel Macron a été le détonateur (“Pourquoi maintenant ?”). »
Et cette information qui vient de Bordeaux :
« Alors que plusieurs milliers de Gilets Jaunes défilaient dans la capitale girondine, plusieurs dizaines d’activistes d’extrême gauche ont attaqué une dizaine de gilets jaunes. »