Ceux qui s’attendaient à un virage à gauche du Président en seront pour leurs frais : suite au remaniement du lundi 6 juillet 2020, les observateurs de la chose politique ont tous noté le net penchant sarkozyste des nouveaux promus. En premier lieu Jean Castex, le très effacé nouveau Premier ministre. On vous laisse découvrir la liste entière et on reprend l’analyse.
Le personnage le plus clivant de la nouvelle équipe, c’est bien évidemment le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti. Dont le lien avec l’ancien président de 2007 à 2012 est développé par Le Figaro (dans un article payant) :
« Enfin, une dernière personnalité proche de la Sarkozie vient de faire son entrée en Macronie : Éric Dupond-Moretti. L’avocat et l’ancien président aiment et partagent le même restaurant à Nice : “La petite maison”. Les deux hommes se connaissent et s’apprécient. Éric Dupond-Moretti était par exemple en coulisses du concert de Carla Bruni-Sarkozy à l’Olympia, en mars 2014. Surtout, les deux hommes ont des amis en communs, comme Thierry Herzog, l’avocat historique de Nicolas Sarkozy. C’est d’ailleurs en appelant ce proche que le bâtonnier s’est retrouvé espionné, comme l’a récemment révélé Le Point. Après la parution des informations de l’hebdomadaire dans l’affaire des écoutes de Nicolas Sarkozy – on y apprenait que les factures de plusieurs cabinets d’avocats avaient été épluchées par le Parquet national financier (PNF) et plusieurs pénalistes géolocalisés - Éric Dupond-Moretti a annoncé porter plainte.
Depuis des années, le nouveau garde des Sceaux réclame un traitement équitable de l’ancien président. En juillet 2014, il indiquait ainsi sur RTL : “Je ne suis pas sarkozyste, ni sarkolâtre. Mais quand on place en garde à vue Nicolas Sarkozy, c’est l’ancien président de la République que l’on place en garde à vue. Voire la France”. L’avocat déplorait alors “quelque chose de choquant”, jugeant qu’il aurait été suffisant de “le convoquer” plutôt que de le placer en garde à vue. »
Nous parlions d’un gouvernement à forte teinte sarkozyste, voici l’autre infiltré de poids : Gérald Darmanin.
« Le lien entre Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron ne se limite pas à Matignon : il concerne désormais le très stratégique ministère de l’Intérieur. À 37 ans, Gérald Darmanin, ancien coordinateur de la campagne de Nicolas Sarkozy pendant la primaire, décroche la place Beauvau... un poste que Nicolas Sarkozy avait occupé entre 2002 et 2004, puis entre 2005 et 2007. “Gérald est mon ami, il est fidèle”, confiait-il l’année dernière, en lui remettant la Légion d’honneur. Entre les deux hommes, outre la complicité politique, existe aussi une relation quasi filiale, comme le racontait le journaliste Ludovic Vigogne dans son livre Tout restera en famille (Éd. Fayard). »
Nous nous permettons maintenant de citer deux extraits de la recension de ce livre dans les colonnes du Figaro le 2 avril 2019 :
« Dans un livre truffé d’anecdotes et de confidences qui se lisent avec gourmandise, Ludovic Vigogne, journaliste à L’Opinion, livre un portrait d’un monde politique en recomposition où “ancien” et “nouveau monde” se côtoient, où Nicolas Sarkozy et Gérald Darmanin sont liés par “un rapport amical, paternel, indestructible”, où le ministre fait le lien entre Emmanuel Macron et l’ancien président, où Édouard Philippe et les ministres apprennent à la télévision les annonces du chef de l’État, en décembre, pour régler la crise des gilets jaunes. »
Pas la peine d’insister sur l’importance de Beauvau dans la construction d’une carrière politique, la haute police et le renseignement qui s’y croisent peuvent mener tout en haut, on l’a vu avec un Nicolas Sarkozy qui n’aura jamais besoin d’être Premier ministre pour sauter dans le fauteuil de président de la République.
Darmanin a donc déjà la figure du traître, comme Sarkozy avec Chirac.
« Si Gérald Darmanin est fasciné par Nicolas Sarkozy, il l’est tout autant par Emmanuel Macron. “C’est Sarkozy qui aurait été major de l’ENA”, s’emballe-t-il au point d’exaspérer ses anciens compères LR. “Salut, Gérald, la question que je me pose : à quel moment Darmanin voudra être le Macron de Macron”, lui écrit par SMS, Guillaume Larrivé alors que le ministre traîne à droite une image de traître. “Tu ne seras jamais dans le cœur de ceux que tu as rejoints. Pour l’instant, ils t’aiment bien car tu es très utile. Mais après ? Qu’est-ce que tu vas faire ? Tu ne pourras jamais revenir parmi nous”, lance-t-il au ministre qui s’est rapidement imposé dans le gouvernement. “Gérald, invitez-nous, cela nous rappellera des souvenirs”, lui a lancé Brigitte Macron alors que le ministre occupe l’ancien appartement du couple à Bercy. »
Mais il n’y a pas que Castex et Darmanin, il y a aussi Bruno Le Maire et Roselyne Bachelot qui ont été ministres sous Sarkozy, sans toutefois être proches de lui. N’empêche que la colonne vertébrale de ce gouvernement Macron II reflète de plus en plus la puissance entrante des réseaux Sarkozy, un homme empêtré dans les affaires (écoutes, grosses coupures, financement libyen, et Pygmalion dont le procès a été fixé au 5 octobre 2020) mais toujours en réserve de la République. Quand le pouvoir visible s’affaiblit, le pouvoir profond est là pour placer ses hommes aux postes clés.
La Justice et l’Intérieur, quoi de mieux pour rester informé et protégé, monsieur Sarkozy ?