La Syrie se retrouve une nouvelle fois sous les feux de l’actualité. Si nos bons médias font, comme de bien entendu, leurs gros titres sur l’écume événementielle, à savoir la mort d’al-Baghdadi, d’autres choses autrement plus importantes, donc passées sous silence, s’y déroulent.
Ainsi, le calife aurait été tué lors d’un raid américain. Passons sur le fait que c’est la cinquième ou sixième fois qu’on annonce son élimination ; le fait qu’il se soit réfugié à Idlib, fief de ses frères ennemis d’al-Qaïda, est fort étrange. Peut-être s’est-il rabiboché avec ses ex-compagnons de djihad, peut-être les Turcs l’ont-ils imposé à leurs protégés (tout en donnant sa localisation aux Américains lors du troc Erdogan-Trump), peut-être tout cela n’est-il qu’une opération de communication de Washington. Peu importe au final. Daech est finie et son leader n’avait plus aucune influence sur le cours des événements.
Pour Donaldinho, c’est un scoop médiatique qui lui donnera du prestige auprès du public américain gavé à la sauce hollywoodienne. La mort du grand méchant empêchera celui-ci de réfléchir aux aléas de la politique impériale. Reagan avait créé al-Qaïda dont le chef fut tué sous Obama, lui-même coproducteur de l’EI, dont le chef est tué sous Trump. Une vraie affaire de famille...
À cette occasion, les remerciements de l’occupant de la Maison-Blanche à la Russie (qui doute d’ailleurs de la véracité de l’opération) et à la Syrie ont une nouvelle fois provoqué une réaction épidermique d’hystérie collective dans le Deep State.
Au-delà des paillettes de l’actualité, des tendances profondes se dégagent. Au Nord, l’aventure ottomane est terminée. L’accord de Sotchi concocté par Vladimirovitch donne ses premiers fruits. Le cessez-le-feu est globalement respecté et les Kurdes, après deux jours d’hésitation, ont accepté le plan et commencé à battre en retraite de la frontière. Ils sont remplacés par l’armée syrienne qui se déploie à vitesse grand V pour contenir toute avance future des Turcs.
À l’Ouest...
Au sud…
Et à l’est…
Game over, sultan, tu n’iras pas plus loin. Erdogan pourra toujours s’amuser avec ses quelques arpents de sable entre Tell Abyad et Ras al-Ain mais l’aventure s’arrête là. Les Kurdes sont sauvés et les loyalistes remettent la main sur une frontière qu’ils avaient quittée il y a des années. Pas étonnant que la MSN préfère passer à autre chose et faire ses gros titres sur la mort possible/probable/certaine (barrez la mention inutile) du calife impuissant et dépassé de Daech...
Tout irait pour le mieux si le Donald n’avait, une énième fois, succombé aux pressions de son État profond et n’était revenu, partiellement, sur sa décision de quitter la Syrie. La perte du Nord du Rojava est actée mais, dans les territoires méridionaux contrôlés par les SDF, les troupes américaines reviennent en force. Deir ez-Zoor et Al-Bukamal, les vraies raisons de la guerre syrienne comme nous l’avons expliqué à de nombreuses reprises.
Pour l’empire, il ne s’agit évidemment pas ici de voler le pétrole syrien comme on peut trop souvent le lire dans une certaine presse alternative, mais d’avoir un prétexte pour continuer à barrer l’arc chiite voulu par Téhéran. Si, à l’occasion, ça peut également empêcher Assad de reconstruire son pays, malgré l’aide chinoise, Washington ne va pas cracher dessus.
Tout ceci ne fait pas les affaires de l’Iran, comme nous le prévoyions début août :
Une invasion turque du Rojava repousserait en effet les Kurdes plus au Sud, vers la frontière syro-irakienne, interface de l’arc chiite. Cette concentration de troupes hostiles, cornaquées par Washington, près du nœud stratégique d’Al-Bukamal rendrait la situation explosive et ne serait pas du tout bien reçue à Téhéran...
Nous n’en sommes pas encore là et n’y serons peut-être jamais, même s’il convient de ne pas en écarter tout à fait la possibilité. Les premiers éléments de réponse commenceront à tomber dans les jours/semaines à venir.
Si Poutine a tué dans l’œuf l’invasion générale du Rojava par les Turcs et si les encouragements de Trump aux Kurdes à aller plus au Sud ont été reçues avec un grand éclat de rire, le redéploiement américain à l’est de Deir ez-Zoor montre que rien n’est fini. L’Iran reste, plus que jamais, l’ennemi à abattre.