Des experts de l’Agence de la biomédecine veulent fixer à 60 ans l’âge limite d’assistance à la procréation pour les hommes.
Peut-on être trop vieux pour devenir parent ? En temps ordinaire, la nature se charge de trancher, parfois cruellement. Les femmes voient leurs chances de concevoir quasi disparaître avec l’entrée dans la quarantaine, les hommes gardent ce pouvoir jusqu’à la fin de leur vie.
Mais quand il s’agit de concevoir un enfant en recourant à l’assistance médicale à la procréation (AMP ou PMA), c’est à la société que la question se pose. En France, la loi de bioéthique réserve ces techniques médicales aux hommes et aux femmes « en âge de procréer », sans plus de précision. La Sécurité sociale prend en charge l’AMP chez la femme jusqu’à 43 ans (âge au-delà duquel ses chances de grossesse avec ses propres gamètes deviennent trop minces). Toutefois, le don d’ovocytes permet désormais d’obtenir des grossesses bien plus tard. Les repères sont moins nets pour les hommes, mais dans la pratique, de nombreux centres médicaux se montrent réticents ou du moins prudents quand le patient approche de la soixantaine.
En juin, un Français de 69 ans a obtenu le droit d’utiliser ses gamètes dans le cadre de l’AMP malgré l’opposition de l’Agence de la biomédecine
Devant ce flou juridique, le conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine (ABM), chargé de la conseiller sur les questions éthiques, s’est emparé du sujet début juillet. Compte tenu des risques éventuels pour la santé de la mère et/ou de l’enfant, des incertitudes quant à l’avenir de l’enfant, mais aussi de la légitimité du désir d’enfant d’un couple, est-il nécessaire de fixer un âge « limite » à la procréation assistée, se sont interrogés les experts médicaux, juristes et associations de patients qui le composent.
La révision programmée de la loi de bioéthique l’an prochain et l’actualité judiciaire ne peuvent être étrangères au choix de se prononcer sur le sujet maintenant. En juin, un Français de 69 ans a obtenu le droit d’utiliser ses gamètes dans le cadre de l’AMP malgré l’opposition de l’Agence de la biomédecine. À 65 ans, l’homme avait fait congeler son sperme avant un traitement qui l’avait rendu stérile. La clinique qui le suivait en France refusant de reprendre le processus d’AMP après sa convalescence, jugeant son état de santé trop fragile, il avait demandé le transfert du prélèvement en Belgique pour y poursuivre sa démarche. Ce genre de transfert nécessite le feu vert de l’Agence de la biomédecine qui ne l’avait pas donné. Le couple a saisi la justice et l’agence s’est vue contrainte en appel de laisser partir les gamètes.
Le conseil d’orientation de l’ABM s’est prononcé pour la fixation d’un âge limite explicite, de 43 ans pour les femmes et 60 ans pour les hommes
Le conseil d’orientation de l’ABM s’est prononcé pour la fixation d’un âge limite explicite, de 43 ans pour les femmes et 60 ans pour les hommes. Les arguments sont multiples. Concernant la santé de la mère, l’avis note que les risques d’embolie pulmonaire, d’infarctus, d’arrêt cardiaque, ou d’insuffisance rénale sont « significativement » augmentés, passé 45 ans, et que le risque de décès est multiplié par 7,9 par rapport aux femmes de 20-29 ans. Pour l’enfant, l’âge de la mère augmente le risque de mort in utero, de prématurité et de trisomie 21. L’âge du père élève le risque de certaines maladies génétiques rares (achondroplasie, épilepsie, trisomie 21), et, possiblement, de schizophrénie et d’autisme. L’âge des parents diminue aussi, tout simplement, les chances de succès de l’AMP.
Sur le plan psychologique, les auteurs s’inquiètent des difficultés éducatives que pourront rencontrer les parents âgés, ainsi que du risque que l’un des parents décède avant que l’enfant ait atteint l’âge adulte. Ils redoutent encore les effets d’un bouleversement générationnel : « Il risque de ne plus y avoir de grands-parents présents pour l’enfant, alors que ces “adultes de recours” sont d’une grande aide lors des crises à l’adolescence. »