Le 26 janvier 2012, la brigade Farouk, une branche de l’Armée syrienne libre qui combat le gouvernement de Damas, annonçait la capture de mercenaires iraniens. Images à l’appui, le mouvement d’opposition entendait dénoncer le soutien de Téhéran à la répression de Bachar el-Assad. Pourtant, ces images soulèvent d’étranges questions. Les mercenaires ressemblent étrangement à des ingénieurs dont on avait déjà annoncé la capture plusieurs semaines auparavant. La brigade Farouk aurait-elle oragnisé une mise en scène ? Si oui, dans quel but ?
A Homs, la brigade Farouk, filiale de l’Armée syrienne libre, d’abord autoproclamée « Mouvement contre l’expansion chiite », annonçait le 21 décembre avoir capturé sept ingénieurs iraniens qui travaillaient à la construction d’une centrale électrique à Jandar dans le sud de Homs.
Dans son numéro du 5 janvier 2012, Paris Match publie une photo dans laquelle on voit quatre otages attachés dans le dos. Ils apparaissent assis sous un drapeau syrien de l’époque du Mandat français, symbole de la rébellion actuelle, et sur lequel est inscrit « Brigade Farouk » en arabe. L’un des otages est debout face au « lieutenant Tlass » de l’Armée syrienne libre (ALS). Ce dernier pause d’un air martial en tendant un passeport ouvert à la page d’identité de son infortuné titulaire.
"Photos des ingénieurs électriques iraniens capturés par l’ALS à Homs en décembre...
Le 26 janvier, la brigade Farouk diffuse un communiqué dans lequel elle explique détenir cinq Pasdaran, des Gardiens de la révolution iranienne et deux civils. Le lendemain, Al Jazeera diffuse une vidéo des otages réalisée par la brigade Farouk. On y voit cinq des otages iraniens.
... transformés en tireurs d’élite du régime des mollahs en janvier"
A regarder de plus près, on reconnaît aisément trois des otages du groupe des sept ingénieurs capturés le 21 décembre et dont la photo est parue dans Paris Match. Mais l’ALS a fait croire à deux enlèvements séparés.
Elle a également bluffé en exhibant des documents censés être des cartes de soldats d’active alors qu’il s’agit de documents prouvant que les ingénieurs ont accompli leur service militaire, un document que les Iraniens portent souvent sur eux.
Pour accroître le doute, les membres de l’ALS ont poussé la mise en scène jusqu’à revêtir leurs victimes d’uniformes noirs caractéristiques des Gardiens islamique de la révolution iranienne. Ils ont soigneusement placé un Dragunov, arme de prédilection des snipers, entre les otages pour compléter le décor.
Sous la menace, ces derniers ont déclaré appartenir à une unité chargée de réprimer les manifestants syriens selon des directives de l’Armée de l’air syrienne. Après avoir exprimé leurs regrets d’avoir tiré sur des femmes et des enfants, ils ont appelé le Guide iranien de la révolution islamique Ali Khamenei à intercéder en leur faveur. Cette mise en scène propagandesque ne semble choquer aucun média gouvernemental.
La présence en Syrie d’ingénieurs électriques iraniens en vue de suppléer aux besoins énergétiques de ce pays n’a rien d’un scoop, le pays étant exposé à des actes de sabotages à répétition qui plongent des villes entières dans l’angoisse et la pénurie. On peut à contrario supputer que les otages iraniens ne travaillaient pas que dans le civil.
Après tout, la Syrie et l’Iran sont liés par un partenariat stratégique scellé à Damas en février 2010.
D’autant qu’ils ont face à eux une opposition radicale syrienne instrumentalisée par les alliés des USA dans la région.
En effet, sous l’uniforme de l’ALS, les rois sont nus : pétro-monarques du Conseil de coopération du Golfe (CCG) conduits par le théocrate putschiste qatari Hamad Bin Khalifa al Thani, lui-même flanqué du padichah turc Recep Tayyip Erdogan et du tandem Hariri-Bandar Ben Sultan, pilier de l’axe terroriste libano-saoudien, tous veulent se libérer coûte que coûte de la « menace iranienne ».
Depuis le début du soi-disant « printemps arabe », ces roitelets et non moins pièces maîtresses du Projet Grand Moyen Orient conçu par l’administration Bush et concrétisé par Obama s’adonnent à leur combat favori : la guerre contre l’hérésie chiite et ses avatars politico-confessionnels (Iran, Irak, Hezbollah libanais, alaouites, opposition bahreïnie etc.).
Tous ces nouveaux apôtres de la démocratie pro-occidentale arrosent de leur pétrodollars, hébergent et entraînent leurs nouvelles légions regroupées dans l’Armée syrienne libre (ALS) dont le discours se sectarise à vue d’œil.
Quant à Idleb, Homs et Deraa, respectivement les lignes de front turques, libano-saoudiennes et jordaniennes de la guerre contre la Syrie et principaux foyers de l’insurrection conservatrice, ils grouillent de salafistes qui, au grand bonheur de Washington et Tel-Aviv, mènent eux aussi leur djihad contre le chiisme.
La « fitna » entretenue par Al Qaida et ses succursales au Liban, en Irak et maintenant en Syrie sur le dos des otages iraniens, nouvelle arme de destruction massive des USA ?