Loin de nos débats, certains États arabo-musulmans adoptent des lois d’immigration impitoyables. Petit détour vers l’Arabie, le Koweït, les Émirats.
Un simple clic sur le site Arabie-Saoudite.com suffit à comprendre qu’il ne fait pas bon être étranger au royaume wahhabite, « un pays dirigé selon le Coran et la charia », annoncent les autorités. Ce portail promotionnel est très dissuasif pour les candidats au voyage ou à l’immigration, avec une longue liste de restrictions pour entrer sur le territoire saoudien. Soyons clairs : pour éviter tout désagrément, mieux vaut ne pas être juif ou homosexuel, “crime” qui reste passible de la peine de mort.
Interdiction est faite aux femmes de voyager seules. Elles doivent être accompagnées de leur époux ou d’un parent masculin. À Ryad, les contrôles sont draconiens, comme on n’ose plus le faire dans les pays occidentaux : tout est passé au crible par la censure. Les exemplaires de Valeurs actuelles ou du Spectacle du monde n’échappent pas à un feuilletage soupçonneux… Les objets “subversifs et immoraux” sont confisqués, ainsi que de nombreux médicaments considérés comme des stupéfiants.
Sans son “parrain” saoudien, un homme d’affaires imprévoyant ne pourra pas goûter à l’hospitalité du royaume. Pour le travailleur étranger, c’est encore plus compliqué. Pouvoir entrer et circuler librement nécessite une carte de séjour (iqama) et une lettre d’accréditation de son employeur.
Cette législation tatillonne étonne car l’Arabie Saoudite (27 millions d’habitants) compte 7 millions d’étrangers, indispensables à l’économie du pays. Ces immigrés, pour la quasi-totalité célibataires, viennent majoritairement d’Asie, en quête d’un emploi plus rémunérateur que chez eux. Les autorités de Riyad veulent “saoudiser” les emplois, mais les Saoudiens n’en ont cure et la main-d’oeuvre étrangère reste prépondérante au sein de la population active.
Sur place, les immigrés souffrent de discriminations. Ils vivent souvent dans des conditions qui ailleurs seraient jugées attentatoires à la dignité humaine – comme l’esclavage domestique – , ce qui vaut au royaume wahhabite d’être dénoncé pour ses violations des droits fondamentaux. Outre l’absence de système politique et judiciaire, aucune organisation ne peut se consacrer à la défense des droits de l’homme.
En pratique, la police saoudienne a tendance à tenir d’emblée la victime pour coupable, surtout lorsque le litige oppose un étranger à un citoyen saoudien. Le recours à la torture est fréquent et les cas de décapitations, d’amputations et de flagellations augmentent, dans la tradition du fondamentalisme incarné par la tradition wahhabite. Amnesty International estime que les travailleurs immigrés représentent la moitié du contingent des condamnés à mort (plus de quatre-vingt en 2011).
Pas de place aux considérations humanitaires chères à l’Occident
À l’instar des expatriés occidentaux, les non-musulmans n’ont pas le droit de célébrer leur culte et de fréquenter les écoles saoudiennes. Pour que la langue arabe, langue du Coran, reste à l’abri des influences étrangères.
Le Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui regroupe six pétromonarchies (Arabie Saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar) et qui ont été rejointes l’année dernière par le Maroc et la Jordanie, a imposé à ses membres une politique d’immigration commune extrêmement stricte. La situation est contrastée mais la maîtrise de l’immigration ne laisse guère de place aux considérations humanitaires.
Depuis 1991, en dépit des pressions d’ONG occidentales réclamant davantage de droits aux étrangers, le modèle répressif perdure, bien que la population autochtone, peu qualifiée, ait besoin des immigrés pour son économie. Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) estime à 80,5 % la proportion d’étrangers au Qatar, 70 % aux Émirats arabes unis, 69,2 % au Koweït, 38,2 % à Bahreïn, 26,8 % en Arabie Saoudite et 25,5 % à Oman. Dans le secteur privé, le ratio atteint parfois neuf étrangers pour un national.
Dans une interview au quotidien arabophone Asharq al-Awsat, l’ancien ministre du Travail de Bahreïn, Majeed al-Alawi, a lancé ce cri d’alarme : « Le nombre d’étrangers atteindra presque 30 millions dans dix ans. Le danger est plus grave qu’une bombe atomique iranienne ou qu’une attaque israélienne. »