Une même chose ne peut pas être à la fois en puissance et en acte, dixit Aristote.
On ne peut pas être gouverné et gouvernant en même temps, c’est l’un ou l’autre.
Et non, le secret de l’action ce n’est pas de commencer, c’est de savoir où l’on va.
Si ce sont les idées de Pierre qui doivent gouverner, elles ne plairont pas à Paul, qui ne sera pas d’accord avec les idées de Jacques, dont l’avis ne conviendra pas à Robert, dont le point de vue ne sera pas du tout du goût de Bernard etc. Pour que les opinions individuelles cessent de s’opposer les unes aux autres au détriment de la paix et du bien communs, il faut qu’elles s’alignent sur un principe fédérateur qui les fassent converger vers un lieu unique où il n’y a plus de désaccord possible ; non pas en niant ces opinions massivement (comme le font les dictatures), ni en feignant de les accepter toutes « à part égale » pour mieux s’en passer (comme le font les démocraties), mais en confrontant les vérités relatives qu’elles expriment toutes à une vérité d’un ordre supérieur qui les intègre toutes et dont l’acceptation se fera d’autant plus facilement qu’elle apparaîtra du coup comme une « évidence » à l’esprit qui la contemplera.
Et cette vérité-là, n’en déplaise à Etienne Chouard, ne peut pas être propriété du peuple, car elle échappe par définition aux limites contextuelles à l’intérieur desquelles le peuple forge son opinion, forcément « partisane ». Ce principe fédérateur ne peut être que transcendant, atteignable uniquement à travers un « passage à la limite » où les opinions individuelles (c’est-à-dire celles du « peuple » réduit à lui-même) se trouvent elles-mêmes transcendées, échappant ainsi à leurs propres contradictions internes ainsi qu’à celles qui les opposent entre-elles.
En l’absence d’un tel principe de dépassement, tout projet politique ne pourra accoucher que d’un enième avorton sans véritable destin, que se soit à la mode libérale et marchande (avec un homme aliéné par ses libertés factices) ou à la mode communiste (avec le même homme, mais aliéné par l’absence de ces libertés factices auxquelles rien d’autre d’authentique n’est venu se substituer), à titre d’exemples connus.
Le problème n’est pas de « désigner des maîtres », mais de s’en remettre ou pas à certains principes, dont nul - qu’il soit gouverné ou gouvernant - n’est propriétaire ou maître, mais simple dépositaire au bénéfice du bien commun ou de l’intérêt général.
Cordialement,
LG
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