Ce sont coup sur coup deux annonces de politique de défense américaine qui génèrent une inquiétude grandissante. Donal Trump semble très intéressé par la stratégie du « Nez ensanglanté » (Bloody nose) basée sur des frappes préventives à l’encontre de la Corée du Nord, tandis que le Pentagone annonce vouloir développer des mini bombes nucléaires. Analyse et entretien avec Corentin Sellin, spécialiste des États-Unis.
Une part du discours sur l’état de l’Union de Donald Trump n’est pas passée inaperçue ce mardi 30 janvier. Le président américain s’est en effet fendu de plusieurs déclarations à propos de la Corée du Nord. La première pour affirmer sa volonté de ne pas pratiquer une politique « faible », symbolisée selon lui par l’administration Obama :
« L’expérience passée nous a appris que la complaisance et les concessions n’invitent que l’agression et la provocation. Je ne vais pas répéter les erreurs des administrations passées qui nous ont mis dans cette position dangereuse ». Puis de surenchérir dans la dangerosité de l’ennemi : « Nous devons seulement regarder le caractère dépravé du régime nord-coréen pour comprendre la nature de la menace nucléaire qu’il pourrait représenter pour l’Amérique et nos alliés. »
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Une théorie de défense militaire américaine appelée « Bloody nose » (nez ensanglanté) est de plus en plus évoquée chez les hauts gradés de l’armée entourant la présidence. Le principe est simple : effectuer des frappes préventives sur des sites stratégiques militaires nord-coréens au cas où un nouvel essai de missile par PyongYang survenait. Donner « un coup de poing dans le nez de l’adversaire », pour lui faire saigner, lui faire regretter son acte, et quil se tienne ensuite tranquille, de peur d’en recevoir d’autres…
Selon le New York Times, le général McMaster estimerait que « la planification militaire d’une attaque préventive est nécessaire pour crédibiliser les mises en garde du président et leur effet dissuasif ». Du côté du chef d’état-major Interarmées, Jospeh Dunford tout comme celui du secrétaire à la Défense, Jim Mattis, l’adhésion à cette stratégie semble nettement moins forte : la crainte que le régime de Pyongyang ne se sente forcé de répliquer contre la Corée du Sud est réelle. Dans le même temps, Le général Paul Selva, vice-chef d’état-major Interarmées, a malgré tout déclaré que l’armée américaine avait la capacité de détruire la plus grande partie de l’infrastructure" du programme nord-coréen de missiles. Le futur Ambassadeur américain en Corée du Sud, Victor Cha, ne s’est quant à lui pas gêné pour critiquer cette stratégie dans une tribune du Washington Post : sa nommination a été annulée.
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Et comme une nouvelle inquiétante ne vient jamais seule, le choix du Pentagone — très anxiogène — en matière d’armement nucléaire vient compléter le tableau au même moment.
Les mini-bombes nucléaires : pour répondre aux Russes ?
Une nouvelle version de la « posture nucléaire » du Pentagone, de 75 pages, a été publiée vendredi 2 février 2018. Ce document qui détermine les grands orientation en terme stratégie militaire nucléaire des États-Unis annonce directement la couleur : dans la préface, le secrétaire à la Défense Jim Mattis explique cette nouvelle orientation est là pour contrer « un retour déterminé de Moscou à la concurrence entre grandes puissances ». L’idée générale de la posture nucléaire du Pentagone en 2018 est que les Russes se sentant inférieurs en matière militaire conventionnelle serait désormais prêts à faire usage de l’arme nucléaire en premier. C’est avec cette conviction sur les intentions stratégiques russes que le projet de mini-bombes nucléaires s’inscrit.
La Russie et l’Iran ont vivement réagi à la suite de la publication du rapport, mais aussi la Chine, ce dimanche 4 février 2018, dans un communiqué à l’intention de Washington :
« Nous espérons voir les États-Unis renoncer à leur mentalité de guerre froide, prendre au sérieux leurs responsabilités sur la question du désarmement et corriger leur perception des intentions stratégiques de la Chine. »
Le Pentagone prévoir donc de développer des nouveau type de missiles nucléaires de faible puissance lancés depuis des sous-marins. L’intérêt de ces nouvelles armes est qu’étant inférieur en puissance à la bombe d’Hiroshima, elle n’auraient pas besoin d’être stockées sur des territoires alliés et seraient censés aussi contrer les défenses antimissiles de la Russie. Ce programme — devant être approuvé par le Congrès —coutera 50 millions de dollars pour une trentaine d’engins remplaçant des missiles conventionnels et évitant ainsi aux États-Unis de se mettre en délicatesse avec le programme de non-prolifération nucléaire.
Pour le spécialiste en stratégie militaire Thomas Fleuchy de la Neuville, c’est une nouvelle étape qui finit d’enterrer le droit de la guerre, avec des conséquences futures excessivement inquiétantes :
« Avec ces mini-bombes, c’est la fin de la dissuasion nucléaire, puisque ce serait utiliser l’arme nucléaire comme une arme parmi d’autres. C’est une sorte de normalisation d’une arme hors norme. Les évolutions de l’utilisation des armes et de la guerre elle-même sont très inquiétantes dans la mesure où les guerres ne sont plus déclarées et que les États-Unis liquident des individus de façon ciblée lorsqu’ils en ont besoin. »