À la veille de la prolongation de l’état d’urgence, cinq anciens assignés à résidence ont déposé plainte contre le ministre de l’Intérieur avec constitution de partie civile afin de conduire les autorités à répondre de leurs décisions.
Les plaintes visent Bernard Cazeneuve et son délégataire, l’ex-directeur des libertés publiques du ministère de l’intérieur, Thomas Andrieu, aujourd’hui directeur de cabinet du garde des sceaux, pour « atteinte à la liberté individuelle », « abstention volontaire de mettre fin à une privation illégale de liberté, ainsi que pour des faits de discrimination » précise Le Monde. Cela intervient à la veille d’une nouvelle prolongation de l’état d’urgence qui doit entrer en vigueur vendredi.
Chacune de ces plaintes concerne des cas d’assignations qui ont été abrogées avant que les recours devant la justice administrative ne puissent aboutir.
« Cela montre bien que l’autorité publique avait connaissance de la fausseté des éléments qui ont constitué l’assignation à résidence », selon l’avocat des cinq plaignants, Maitre Arié Alimi.
Selon lui, sur les près de 400 assignations à résidence qui ont été décidées par les préfets, dont certaines sur la base de notes blanches du ministère de l’Intérieur, une cinquantaine ont été abrogées. « Les décideurs doivent aussi répondre de leurs décisions », a souligné l’avocat de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), Maitre Michel Tubiana.
Selon Me Arié Alimi, ces cinq personnes ont été assignées à résidence pour des faits de radicalisation religieuse, possession d’armes « et d’autres éléments extrêmement flous ».
« Grâce à ces procédures, une véritable enquête sera ouverte : on saura ce qui se cache derrière les notes blanches du ministre de l’Intérieur, qui sont les sources, quelles informations » a ajouté l’avocat.
« Nous nous attendons à rencontrer toutes les difficultés du monde avec notamment l’invocation du secret défense », anticipe Maitre Tubiana. « C’est un gros bébé qu’on met entre les mains de la Justice, qui est aussi sans doute dérangeant. »
Si les organisations de défense des droits de l’Homme imaginent mal que ces plaintes aboutissent, elles espèrent toutefois une prise de conscience.
« Dix-neuf lois antiterroriste ont été créées depuis 1986 qui vont toutes dans le sens de la diminution des libertés individuelles au nom de la lutte contre le terrorisme. Il faut arrêter cet engrenage », a déclaré Maitre Clémence Bectare, avocate de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH).