Une chose m’est évidente, c’est que si nous étions gouvernés par des gens de ce calibre et de cette classe, on serait moins la risée du monde venant par exemple de correspondants outre atlantique qui sont sidérés de voir nos destinées dépendantes d’une guimauve informe qui s’adapte à toutes les promiscités. Cependant, dans son énoncé des principes selon lesquels on n’abdique pas parce que c’est la légitimité des lois fondamentales qui couvre le Prince, et pas l’inverse, c’est-à-dire le Prince qui couvre la légitimité des lois, il y a matière à réflexion. Car évoquer l’abdication est évidemment une allusion aux monarques qui ont abdiqué, et à Nicolas II en particulier, avec bien sûr en toile de fond les régicides respectifs français et russe. Il existe une grande différence dans la relation au divin chez les russes et les français, en dehors des divergences doctrinales entre le Vatican et les Églises Orthodoxes. Dans le cas particulier de la Russie, dans le texte Slavon des Écritures Saintes, on tutoie Dieu, au lieu de le vouvoyer comme il est fait dans le texte désormais classique de la traduction française de Sacy. Comme nous le rappellent les révolutionaires en France qui abolirent son usage citoyen, le vouvoiement suppose la médiation de la civilité sociale. Faut-il en conclure que, dans l’acception de ce digne Bourbon, le monarque en France rendait davantage compte que son frère impérial russe, aux hommes qu’à Dieu. Les mots du journal de Nicolas II le 2 mars 1917, date de son abdication portent la mention ’Krugom izmena, trusost i obman’, ’Alentour il n’y a que trahison, pleutrerie et mensonge’. Le jour même de cette abdication, eût lieu à Kolomenskoïe, l’invention miraculeuse de l’icône de la Mère de Dieu dite Derzhavnaïa, Qui Retient, tenant les insignes régaliens, le sceptre et la mappemonde. Le point de vue mystique de la monarchie russe a entériné l’abdication de Nicolas II, et la Theotakos a remplacé le monarque terrestre dans la vénération mystique des fidèles à l’Église céleste des ÉLUS où l’on tutoie Dieu, dans une civilité sainte et supérieure à celle de l’Église combattante dans ce monde, où règne une civilité du prince de ce monde, et où l’on vouvoie Dieu. Les bouées et les radeaux dont parle Mr Sixte-Henri de Bourbon-Parme ne seraient-ils pas davantage à saisir dans l’immortalité du ciel ?
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