Soyons honnêtes : nous n’avons pas lu le dernier Angot, c’est pourquoi nous ne pourrons pas le démolir ici.
Cependant, il n’y a aucune chance que nous lisions un Angot, car ce n’est pas de la littérature, c’est un truc imposé par l’écurie Grasset dont fait partie BHL, et Angot a été imposée par le duo Bergé-BHL dans la littérature et dans les médias, c’est tout.
Un virus de plus dans une production culturelle française qui n’en manque pas, alors on ne va pas s’acharner sur elle. Cette personne, qui n’est pas à sa place, n’a pas le système nerveux nécessaire pour résister à la pression médiatique : on voit, chez Bruce Toussaint sur BFM TV, pourtant pas une lame en matière de journalisme, que Christine ne peut même pas répondre à une question simple.
Son niveau de comprenette doit se situer entre 70 et 80, si l’on prenait en compte le QC, le quotient de compréhension. Nous laissons donc le soin à Slate de faire le sale boulot.
Parfois, il est reposant de se reposer sur des confrères (même si ces confrères ne nous reconnaissent pas comme tels).
Bruce Toussaint à 6’06 : « Est-ce que vous n’êtes pas allée trop loin, ce jour-là ? »
La réponse de Christine Angot vaut le détour...
Le Tournant de la vie de Christine Angot, un tournant de la littérature
Aux Jeux olympiques, l’épreuve « lire un roman de Christine Angot jusqu’au bout » est, avec le marathon, la plus redoutable. Le CIO autorise toutefois le triple saut de paragraphes pour repêcher les candidats malheureux. Anatomie d’un chef-d’œuvre.
Lire un roman de Christine Angot n’est pas à la portée du premier venu. C’est un monument, un Everest auquel on s’attaque. L’escalade est rude mais mène à l’éblouissement.
La rentrée littéraire 2018 s’enorgueillit à juste titre de la publication d’Un tournant de la vie, roman sans rival, sauf peut-être la lettre aux Français de Gérald Darmanin présentant la réforme du prélèvement à la source. Ces deux chefs-d’œuvre pourraient se partager le Goncourt, ce serait justice – et pour Bercy des rentrées d’argent supplémentaires.
La Romancière avec ses grands R
Mais revenons à Christine Angot, romancière. Pardon : La Romancière. Le premier mot du roman (« je ») dresse magistralement le décor. L’héroïne, c’est elle, c’est Je. La première phrase (« Je traversais la rue… ») emporte le lecteur dans un monde d’aventures. Dira-t-on assez le génie de ces trois petits points, ponctuation feutrée qui donne à la banalité de cette rue traversée une force homérique ? Le premier paragraphe avec dix fois « je » ou « j’ », en neuf lignes, nous dit tout de l’imaginaire qui transcendera le récit.
D’emblée, d’une péripétie naît le sublime. Je a vu Vincent, que Je a « beaucoup aimé, vraiment beaucoup », en est « figée », coincée « au croisement de la rue des Gardes et de la rue de La Goutte d’Or », bonheur de la précision géographique – Jules Verne, ce besogneux, se contentait des latitudes et longitudes –, et Je craint que Vincent réessaye, « peut-être par rivalité avec Alex ». Je semble bouleversée.
En fait, on n’est rien
Je est partagée entre Vincent et Alex. Peut-on rêver intrigue plus subtile ? Le trio amoureux est une tragédie, la plus grande peut-être. Sans doute, plagiaire par anticipation, Racine a-t-il lu Angot avant d’écrire Bérénice.
Page 3, la sentence tombe, qui broie le lecteu r : « On croit qu’on va bien, et en fait on n’est rien. » Étrange aveu. Peut-être y a-t-il là une forme de fragilité mais chut n’anticipons pas, chacun s’y reconnaît, l’empathie est immédiate.
Au commencement étaient le texte, la brûlure, l’incandescence des mots. Nous voici, page 16, lorsque Alex, qui est « beau » et a des « dreadlocks », prend une douche. Soudainement, en quelques mots soigneusement choisis, à la manière d’un Ingmar Bergman :
– À quoi tu penses ?
– À rien de spécial.
La Romancière restitue la banalité mais aussi l’intensité amoureuse de l’érotisme conjugal :
– Tu as maigri on dirait ?
– Tu peux fermer la porte s’il te plaît ?
Ah ! L’érotisme ! Mieux que la laborieuse Anaïs Nin, Christine Angot explose la narration du désir, en quelques mots brefs.
« Il s’est assis au piano. Mon sexe a mouillé. »
Imagine, lecteur, imagine, lectrice, s’il avait joué du piano debout. L’arrosoir.
Le désir sans le Dasein n’est rien et Christine Angot ne l’ignore pas. Alex et Je font l’amour page 27 et 28, et c’est aussi beau que la version hardcore du Kamasutra, aux éditions du Vatican.
« Il rentrait, il sortait, il a joui. »
[...]
Un roman exigeant
On le perçoit : Un Tournant de la vie ne se donne pas aisément et exige beaucoup du lecteur. Faut-il rappeler combien La Romancière sait brouiller les pistes, glissant ici ou là des phrases énigmatiques, pour mieux égarer son lecteur ?
« Je me suis dit ça mais je sais très bien que ça peut pas être ça. »
« Les raisons seraient trop longues à expliquer. »
« J’aimerais bien savoir si ça me concerne. »
Et souligner comment, malicieuse, elle l’entraîne dans des dialogues vertigineux où la fonction phatique est sublimée à la manière d’un forfait illimité SFR ?
– Allô ? Allô ?
– Oui ?
– Allô ? Allô, allô…
– Vincent ?
– C’est qui ?
– C’est moi.
– C’est toi ?
– Oui, c’est moi. C’est toi, Vincent ?
– Oui, c’est moi.