Au diapason, la presse occidentale critique la tenue des Jeux olympiques d’hiver organisés par Pékin. Alors même que plusieurs pays, dont les États-Unis, boycottent diplomatiquement l’événement, la Chine peut compter sur des alliés de plus en plus nombreux.
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C’est le jour J. La 24e édition des Jeux olympiques d’hiver a débuté officiellement ce 4 février. Malgré le slogan de l’événement, « Ensemble pour un avenir partagé », l’Occident ne compte pas partager son avenir avec celui de la Chine. Et cela, ils l’ont bien fait comprendre.
Dans le sillage de la guerre économique sino-américaine, l’administration Biden a annoncé le 6 décembre dernier qu’elle n’enverrait pas de délégation américaine officielle. L’attachée de presse de la Maison-Blanche a invoqué le « génocide en cours et les crimes contre l’humanité au Xinjiang » comme raisons du boycott. Peu de temps après, une myriade de pays occidentaux lui ont emboîté le pas.
"Je déclare ouverts les 24e Jeux Olympiques de Pékin 2022"
Le président chinois Xi Jinping donne officiellement le coup d'envoi des JO !#HomeOfTheOlympics #Beijing2022 pic.twitter.com/GJIgU6WNyA
— Eurosport France (@Eurosport_FR) February 4, 2022
La France a failli succomber aux sirènes du boycottage. Roxana Maracineanu, ministre déléguée aux Sports, se rendra finalement en Chine, mais du 11 au 15 février. À titre de comparaison, lors des JO d’été 2008 dans la capitale chinoise, ce sont les présidents mêmes, Sarkozy et Bush, qui avaient fait le déplacement.
Chine-Russie : une « logique d’axe » face à l’OTAN
Mais comme si ce n’était pas assez, la presse occidentale s’y met. Pékin est mis au banc des accusés. Entre le scandale écologique avec la neige artificielle, les mesures strictes imposées aux athlètes pour lutter contre l’épidémie, l’absence de spectateurs et le contrôle du parti communiste, tout y passe pour ternir l’image de l’Empire du Milieu.
Ce sont donc des JO hautement politiques qui débutent aujourd’hui. Et pourtant, « la Chine est indifférente », commente au micro de Sputnik Jean-François Di Meglio, président d’Asia Centre, centre de réflexion et de recherches sur l’Asie contemporaine :
« D’autres pays vont regarder, les Chinois vont regarder. Ils sont assez hermétiques à la critique. Il y a soit du mépris, soit de l’indifférence. C’est dommage, l’olympisme est universel, mais ça prouve qu’il y a un clivage. »
Pékin peut néanmoins compter sur l’appui sans faille de Vladimir Poutine. Le président russe, en compagnie de Sergueï Lavrov, son ministre des Affaires étrangères, est de la partie. Et cela pour faire d’une pierre deux coups : outre le soutien politique aux JO, le renforcement du partenariat bilatéral est au menu.
Les deux pays viennent en effet de publier une déclaration commune pour dénoncer l’influence américaine et le rôle des alliances militaires occidentales en Asie et en Europe, les jugeant déstabilisatrices pour la sécurité globale. Le document appelle en effet l’OTAN « à renoncer à ses approches idéologisées datant de la Guerre froide ».
En janvier, la Chine a de surcroît apporté son soutien, par l’intermédiaire de son ministre des Affaires étrangères, Wang Yi, aux « préoccupations raisonnables » de Moscou vis-à-vis des garanties de sécurités en Europe. Compte tenu de l’attitude occidentale, le partenariat russo-chinois n’a de cesse de s’étendre.
Pour les pays musulmans, business is business
Les deux pays multiplient en effet les manœuvres militaires communes, se soutiennent diplomatiquement et ont l’intention de signer de nouveaux contrats gaziers. En d’autres termes, plus l’Occident montre les crocs, plus la Russie s’asiatise. « La présence de la Russie confirme d’autant plus cette logique d’axe », résume le chercheur.
Ironie de l’Histoire, alors que les pays occidentaux boycottent l’événement notamment en raison de la question des Ouïghours, minorité musulmane, les pays arabes ont répondu à l’appel chinois. « C’est un véritable paradoxe ! La Chine a un véritable problème avec la religion musulmane, qui est pour elle incompatible avec son identité », lance Jean-François Di Meglio. Il se montre ainsi perplexe quant à ce qu’il appelle « l’hypocrisie des pays arabes. Les représentants de ces pays ferment les yeux là-dessus pour leurs intérêts économiques ».
En effet, outre le chef du Kremlin, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, pourtant principal allié des États-Unis dans la région, est présent à l’ouverture des JO. Le Caire est un partenaire de premier ordre pour Pékin. Au fil des années, les deux pays ont noué de nombreux accords. Le pays des Pharaons a une place centrale au forum de coopération entre la Chine et le monde arabe. Une zone de coopération économique et commerciale (FCCEA) a été installée à Suez. De plus, l’Égypte a été l’un des premiers pays du continent africain à rejoindre la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (BAII).
Pékin, acteur incontournable au Moyen-Orient ?
Mais c’est réellement en 2014 que ce rapprochement Pékin-Le Caire a pris un tournant décisif. Leurs relations ont été élevées au niveau d’un « partenariat stratégique global », le plus haut de la hiérarchie du réseau de « partenariats » établis par la diplomatie chinoise. Cette idylle se prouve par les chiffres. Les importations égyptiennes en provenance de Chine sont aujourd’hui plus importantes que les celles des États-Unis.
« Il y a une relation gagnant-gagnant entre les pays arabes producteurs de pétrole et la Chine. La venue des dirigeants arabes est plus que de l’ordre du symbolique. Elle prouve que Pékin étend de plus en plus ses partenariats avec cette région du monde », résume le président d’Asia Centre.
C’est notamment le cas avec l’Arabie saoudite, dont le prince héritier Mohammed ben Salmane est bien présent à la cérémonie d’ouverture des JO. Compte tenu de la mise au ban de l’homme fort du royaume par Washington et du progressif désengagement américain au Moyen-Orient, Riyad se tourne davantage vers Pékin. D’autant plus que c’est un intérêt partagé, la Chine étant le premier client de l’or noir saoudien.
En 2019, les exportations saoudiennes vers la Chine représentaient 48 milliards de dollars. La même année, les importations saoudiennes en provenance de Chine se sont élevées à environ de 29 milliards de dollars, ce qui portait le volume global des échanges commerciaux à près de 77 milliards de dollars. Ces derniers ne s’élevaient qu’à 500 millions de dollars en 1990.
Pour la première fois de l’histoire, le 10 janvier dernier, une délégation de quatre ministres des Affaires étrangères – Saoudien, Koweïtien, Omanais et Bahreïni – s’est rendue en Chine. Les chefs des diplomaties y ont discuté commerce et traité de libre-échange. De plus, al-Thani, émir du Qatar, ainsi que le prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammed ben Zayed, assistent également à la cérémonie d’ouverture.
Finalement, à trop vouloir moraliser, boycotter ou sanctionner les pays « déviants », l’Occident finit bel et bien par s’isoler du reste du monde.
Maintenant, « place au sport ! Cette dimension politique sera oubliée demain. Il faut dépolitiser cet événement sportif international », conclut Jean-François Di Meglio.