Le projet de loi contre le terrorisme a soulevé une opposition parlementaire sans précédent en République de Corée (Corée du Sud). En effet, il confèrerait de nouveaux pouvoirs exorbitants du droit commun à l’Agence nationale de renseignement (NIS), bras armé de la répression des autorités sud-coréennes.
Alors que l’opposition démocrate a engagé une bataille d’obstruction parlementaire marquée par des interventions des députés d’une durée sans précédent dans l’histoire de la démocratie parlementaire sud-coréenne, le bras-de-fer avec les conservateurs au pouvoir à Séoul suscite un intérêt nouveau de l’opinion publique, ce qui pourrait réouvrir le jeu en vue des élections législatives du 13 avril 2016 – pour lesquelles le parti Saenuri est actuellement favori grâce aux manœuvres de division de l’opposition engagées par Ahn Cheol-su et d’autres anciens responsables du parti démocrate, ainsi devenus les alliés objectifs des forces conservatrices autoritaires.
Dans son éditorial du 24 février 2016, le quotidien sud-coréen d’opposition Kyunghyang Shinmun a souligné que le projet de loi antiterroriste, initié par le Président de l’Assemblée nationale Chung Ui-hwa, s’il ne produira que des effets douteux en matière de lutte contre le terrorisme, aura au moins une conséquence certaine : renforcer encore davantage les pouvoirs de l’agence nationale de renseignement (NIS), un organe situé en dehors de tout contrôle parlementaire comme l’exigerait une démocratie normale, et dont le quotidien rappelle le rôle partisan et l’implication majeure dans les atteintes aux libertés publiques en Corée du Sud :
« Pour prévenir les actes terroristes, il est difficile de faire confiance à une agence de renseignement accusée d’avoir piraté le téléphone portable des citoyens, fomenté une affaire d’espionnage et intervenue dans l’élection présidentielle en publiant des commentaires en ligne. Il est extrêmement dangereux de dire à l’agence de renseignement qu’elle doit mettre en œuvre la loi de prévention du terrorisme. En plus, les services de renseignement ne sont pas soumis à un contrôle démocratique s’agissant de leur budget et de leurs activités. »
La manipulation de l’élection présidentielle de 2012 par le NIS a en effet soulevé la colère de l’opinion publique sud-coréenne, les forces de renseignement ayant constitué de tout temps l’appui le plus solide des partisans des régimes autoritaires en Corée du Sud. Ce sont elles qui ont orchestré un procès truqué ayant permis l’interdiction du principal parti de gauche, le Parti progressiste unifié, avec la complicité des organes judiciaires, et qui fabriquent des espions pour maintenir un état de terreur en Corée du Sud. Dès lors, on ne sera pas surpris d’apprendre qu’ils forment un organe qui s’est autonomisé, ne rendant plus compte à personne, dans ses manoeuvres pour imposer un nouvel ordre autoritaire. Et c’est bien à ce NIS, fossoyeur de la démocratie sud-coréenne, que le pouvoir autoritaire aux manettes à Séoul entend confier la protection des citoyens contre une prétendue menace terroriste.