Un complément au portrait Faits & Documents d’Elon Musk, en exclusivité pour E&R !
Depuis la mort de Steve Jobs en 2011, une guerre est ouverte pour le leadership symbolique de la Silicon Valley. Figure montante des années 2000, Elon Musk est passé d’outsider dans les années 2010 à prétendant numéro un au trône de leader de la Big Tech, dans un affrontement à distance rapprochée avec les GAFAM et leurs représentants :
Bill Gates ? « Les discussions avec lui m’ont toujours déçu. »
Jeff Bezos ? « Il est temps de briser Amazon. Les monopoles ont tort ! »
Mark Zuckerberg ? « Sa compréhension de l’IA est limitée », « Supprimez Facebook, c’est nul. »
Tim Cook ? « Apple déteste la liberté d’expression en Amérique ? Je suis prêt à leur faire la guerre et à fabriquer mon propre smartphone. »
Seuls les dirigeants de Google échappent encore relativement aux sorties cinglantes de Musk – Google Ventures faisant partie des investisseurs de Neuralink et de SolarCity – même si l’affaire Shanahan (la femme de Sergey Brin qui aurait eu une liaison avec lui) alimente les rumeurs. Brin aurait depuis « mandaté ses conseillers pour vendre tous ses investissements dans les sociétés d’Elon Musk »…
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En 2018, c’est directement l’administration Trump qui a attaqué le géant technologique : « Google et d’autres suppriment les voix des conservateurs et cachent les informations positives. Ils contrôlent ce que nous pouvons voir ou pas. C’est une situation très grave dont on s’occupera ! » L’année suivante, Brin et Page, les deux cofondateurs de Google et d’Alphabet, annoncent leur départ de la direction de Google… La multinationale sera poursuivie en justice par l’administration Trump et plusieurs États républicains pour « abus de position dominante » en 2020.
Également mis en cause par Trump lors de son mandat (« Amazon cause beaucoup de tort aux petits détaillants qui paient des impôts »), Jeff Bezos a quitté son poste de directeur général d’Amazon en 2021. Avec le désengagement de Jack Dorsey de Twitter et la restructuration de Facebook en Meta cette même année, les analystes parlent alors d’une « dynamique arrivée à maturation » : l’époque d’exploration créative étant passée, les entrepreneurs de la tech se chercheraient de nouveaux défis, voire des reconversions (la philanthropie, les cryptomonnaies, etc.)… Cette explication omet les pressions politiques et les menaces juridiques (pour fraudes fiscales, non-respect de la vie privée et non-respect de la concurrence notamment) qui se multiplient. Une situation bien connue de Bill Gates avec Microsoft à la fin des années 1990.
Dans ce contexte, le rachat de Twitter s’apparente à une prise de guerre à la puissance communicationnelle de premier ordre. Musk a employé la manière forte lorsqu’il a mis en lumière l’implication de Yoel Roth, ancien chef du « Conseil de confiance et de sécurité » du réseau social (dissout à l’arrivée de Musk), dans le bannissement du compte du président Trump en janvier 2021. En sous-entendant publiquement une tendance à la pédophilie de Roth et en ne modérant pas les menaces à son encontre, Musk l’aurait contraint à déménager en urgence…
« Voir Musk lancer une horde numérique contre Roth, un homme juif ouvertement gay, est l’une des choses les plus viles et les plus dégoûtantes que j’ai jamais vues. » (Alejandra Caraballo, enseignante à la faculté de droit cybernétique de Harvard)
Ancienne responsable juridique de Twitter et figure de la Curry Connexion des GAFAM, Vijaya Gadde a également été fortement tancée lorsqu’elle a comparu devant la Commission de surveillance et de responsabilité de la Chambre des communes à propos de son rôle dans la censure exercée par Twitter vis-à-vis de Trump, de Hunter Biden et du Covid-19. Comme pour Roth, Musk a dévoilé au grand public l’existence de cette partenaire de Bill Gates (elle a notamment été l’avocate de Microsoft) par l’intermédiaire des Twitter Files.
Fin 2020, ce sont Dorsey et Zuckerberg qui ont été convoqués et auditionnés deux fois par le Sénat (accompagnés la première fois de Sundar Pichai, actuel PDG de Google) pour leur « politique de modération des contenus ».
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Offensif, Musk n’échappe pas toujours à la riposte, fédérale ou internationale : régulièrement convoqué par la Securities and Exchange Commission, organe fédéral de contrôle des marchés financiers (à propos duquel il précise : « Que ce soit bien clair, je n’ai aucun respect pour eux. »), l’ONU et l’UE l’ont également brocardé suite à la suppression de plusieurs comptes Twitter de journalistes américains (de CNN, du New York Times et du Washington Post) qui le questionnaient sur sa gestion écologiste personnelle.
Pour autant, l’investisseur libertarien James Hickman estime qu’Elon Musk représente « un contrepoids vital à la tyrannie de la minorité ». Engagé dans un combat ultra-périlleux qui dépasse le simple cadre de la Silicon Valley, le PDG de X a tout pour incarner et donner une autre image de la Big Tech dans les prochaines années. L’avenir nous dira s’il résiste à cette tyrannie de la minorité dans un monde occidental en recomposition… Rappelons que l’origine de la première censure non gouvernementale sur Twitter vient de France : en 2012, l’Union des étudiants juifs de France avait menacé la société d’un procès suite au buzz du hashtag #UnBonJuif, présenté comme un « concours de blagues antisémites » par son président Jonathan Hayoun.