À l’issue d’une longue bataille judiciaire, Elizabeth Holmes, la fondatrice de Theranos qui prétendait pouvoir réaliser des centaines d’analyses médicales à l’aide d’une seule goutte de sang, a été condamnée à onze ans de prison.
Voilà près d’un an que la sentence d’Elizabeth Holmes se faisait attendre. Une année au cours de laquelle la voix étonnamment grave de cette Américaine de 38 ans, omniprésente dans les médias il y a quelques années, ne s’est plus fait entendre. Reconnue coupable de fraude en janvier, l’ancienne entrepreneuse déchue de la Silicon Valley a été condamnée à onze ans de prison vendredi. L’accusée, enceinte, a jusqu’au 27 avril pour débuter sa peine. Le juge Edward J. Davila du tribunal du district nord de Californie (États-Unis) qui avait présidé le procès de l’entrepreneuse a dû éplucher deux portraits opposés dressés de cette jeune femme blonde aux grands yeux bleus.
D’un côté du ring, il y a la description de l’implacable fondatrice de Theranos, faite par les procureurs. C’est elle qui en 2003, à l’âge de 19 ans, abandonne ses brillantes études à Stanford pour lancer sa propre entreprise. Devant le magnat des médias Rupert Murdoch, l’ancien secrétaire d’État Henry Kissinger ou encore Jim Mattis, ministre de la Défense de Donald Trump, elle martèle avoir construit une machine révolutionnaire. Une seule goutte de sang : c’est tout ce dont l’Edison a besoin pour réaliser des centaines d’analyses médicales, promet-elle. Les investisseurs sont conquis par cet appareil mis au point par cette jeune femme, soi-disant phobique des piqûres. Et à son apogée, la valorisation de son entreprise s’envole à 10 milliards de dollars. Le problème ? Tout est faux. Comme le révèle le Wall Street Journal en 2015, l’Edison n’a jamais fonctionné.
(...)
Elizabeth Holmes, une innocente condamnée ? Son affaire soulève en tout cas un vif débat quant à la déontologie parfois peu scrupuleuse des start-up américaines. Suivant l’adage du « Fake it until you make it » (« Fais semblant jusqu’à ce que tu y arrives »), beaucoup tendent à enjoliver la réalité de leur produit afin de le vendre et par la suite l’améliorer. Pour autant, très peu de dirigeants se retrouvent condamnés pour fraude et emprisonnés pour de longue peine. Dans sa décision, le juge Edward Davila a dû prendre en compte l’image qu’une lourde sentence renverrait à l’industrie : dissuasive mais aussi potentiellement désincitative à lancer de nouvelles affaires.