En démocratie, les citoyens connaissent en général peu de choses sur les candidats pour qui ils votent, en bien ou en mal, au-delà de l’image officielle créée par la propagande. Dans le cas de la candidate démocrate Hillary Clinton, cela fait environ 40 ans qu’elle et son mari, l’ex président Bill Clinton, sont en politique active. Cet article vise à éclairer quelque peu la réalité qui se cache derrière les impressions parfois superficielles que l’on a d’eux.
Disons pour commencer qu’il existe présentement aux États-Unis un grand mécontentement populaire à l’endroit des politiciens associés à l’establishment politique et corporatif du pays. Sondage après sondage montrent une grande insatisfaction, sinon une certaine colère, de l’électorat à l’endroit des politiciens en place, et même à l’endroit des candidats qui veulent les remplacer. Il y règne aussi une grande polarisation de l’électorat.
Il n’y a donc rien de surprenant à ce que deux candidats présidentiels, le démocrate Bernie Sanders et le républicain Donald Trump tiennent un discours anti establishment, et proposent des politiques de nature populiste pour sortir leur pays du marasme relatif qui perdure.
En politique intérieure, les deux candidats populistes Sanders et Trump mettent tous deux de l’avant, à leur façon, des politiques favorables à la classe moyenne. Cette dernière a subi les contrecoups de quelques trente ans de mondialisation économique et financière et de l’implantation d’accords de « libre-échange », lesquels sont, en définitive, des accords pour les investisseurs et les grandes banques, bien avant d’être des ententes purement commerciales.
En politique extérieure, les deux se dissocient des guerres étrangères, coûteuses et facultatives, dans lesquelles le gouvernement étasunien s’est lancé au cours des dernières décennies. La plupart de ces guerres, surtout celles encore en cours au Moyen Orient, furent entreprises sous la pression des néoconservateurs pro-israéliens (connus sous l’appellation abrégée de néocons), lesquels sont fort influents tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du gouvernement étasunien, et lesquels dominent la politique étrangère étasunienne depuis la fin de la Guerre froide, en 1991.
Il est bien connu, en effet, que des néoconservateurs de premier plan sont devenus très influents dans les hautes sphères des administrations Bush I (1989-1993) et Bush II (2001-2009). Beaucoup se souviennent de la façon dont des personnages tels que Paul Wolfowitz, John Bolton, Elliott Abrams, Richard Perle, Douglas Feith, … etc., usèrent de différentes tactiques pour impliquer les États Unis dans une guerre sans fin de type impériale, présentée comme une série de « guerres dites préventives » au Moyen-Orient. La première fut, bien sûr, l’agression militaire non provoquée de George W. Bush contre l’Irak, en mars 2003.
Même si cela est moins connu, les néocons ont également joué un rôle important dans l’administration de Bill Clinton (1993-2001) et dans l’administration actuelle de Barack Obama (2009-2017). Dans les deux cas, ils se sont faits les promoteurs d’une série de provocations et de guerres à l’étranger, en particulier au Moyen-Orient, mais aussi en Europe de l’est, en plus de préparer le terrain pour des crises financières futures, en mettant de l’avant des législations bancaires risquées.
Néanmoins, la candidate présidentielle qui a les meilleures chances, selon les sondages, d’accéder à la présidence des États-Unis, lors des élections du 8 novembre prochain, est Hillary Clinton. Celle-ci a d’ailleurs précisé qu’advenant son élection, elle n’hésiterait point à consulter son mari, l’ancien Président Bill Clinton. (L’élection de Hillary Clinton deviendrait d’ailleurs une certitude si l’establishment républicain réussissait à priver le milliardaire Donald Trump de l’investiture républicaine, alors qu’il a remporté le plus grand nombre de primaires).
Dans les circonstances, on peut se demander, primo, si l’élection de Hillary Clinton à la présidence ne serait pas, en quelque sorte, un troisième mandat du couple Clinton à la Maison-Blanche, et secundo, ce que l’on peut attendre d’une telle éventualité. La boutade de Bill Clinton, en 1992, qu’avec le couple Clinton, les USA pouvaient avoir « deux présidents pour le prix d’un » n’a guère perdu de sa pertinence.
Il y a quelque temps, j’avais identifié trois crises majeures de ce début de siècle, dont les origines remontaient à des décisions prises sous le règne du Président Bill Clinton (1993-2001).
Nous pouvons peut-être les rappeler ici et en rajouter un certain nombre qui s’appliquent davantage à la candidate Hillary Clinton :
1 - La première crise a trait à la relance d’une deuxième Guerre froide avec la Russie
L’histoire retiendra que le président Bill Clinton prit sur lui-même de briser une importante promesse faite par son prédécesseur, le président George H. Bush, à l’effet que le gouvernement étasunien n’allait pas agrandir l’OTAN en accueillant dans son sein des pays de l’Europe de l’Est, si la Russie acceptait de dissoudre le Pacte de Varsovie. Comme on le sait, au cours de sa campagne de réélection, en 1996, plus précisément, le 22 octobre 1996, le président Clinton crut retirer un avantage électoral en promettant d’élargir l’OTAN pour y englober la Pologne, la Hongrie et la Tchécoslovaquie. À cette époque, peu de gens se rendaient compte que cette promesse brisée marquait le début d’une nouvelle guerre froide avec la Russie, comme l’a fait remarquer George F. Kennan (1904-2005), un diplomate étasunien et spécialiste de la Russie.
On connaît encore moins le fait que Mme Hillary Clinton, quand elle était secrétaire d’État dans le gouvernement démocrate de Barack Obama, nomma une personne néoconservatrice de premier plan, Mme Victoria Nuland, épouse de l’idéologue néoconservateur Robert Kagan, au poste de porte-parole du Département d’État étasunien. Mme Nuland fut par la suite promue au poste de secrétaire d’État adjointe aux affaires européennes et eurasiennes, soit en mai 2013, toujours dans la même administration démocrate de Barack Obama. Auparavant, elle avait travaillé pour Dick Cheney, alors vice président républicain dans le gouvernement de George W. Bush. Elle agissait alors comme conseillère principale de politique étrangère. Par après, elle fut nommée ambassadrice auprès de l’OTAN.
C’est la même Mme Nuland qui dirige présentement le programme étasunien qui vise à provoquer la Russie dans une nouvelle guerre froide. (On a là une preuve qu’à Washington D.C., on peut transiter avec facilité d’une administration républicaine à une administration démocrate, pourvu qu’on appartienne à la confrérie des néo-conservateurs).
2 - Le gouvernement de Bill Clinton s’est employé à réduire le rôle des Nations Unies dans le monde, à compter de 1998-1999
Le président Bill Clinton a miné considérablement la crédibilité des Nations Unies quand il décida d’ignorer le Conseil de Sécurité de l’ONU pour impliquer les États Unis dans la guerre du Kosovo, en 1998-1999, en lançant une campagne de bombardements en Yougoslavie. Il s’agissait alors d’une violation flagrante de la Charte des Nations Unies, cette dernière proscrivant toute guerre d’agression qui ne reçoit pas son imprimatur. Ce fut un précédent dangereux.
En effet, quelques années plus tard, son successeur encore plus belliqueux et encore plus méprisant de la loi internationale, le président George W. Bush, invoqua le précédent mis de l’avant par Bill Clinton pour lancer une guerre d’agression contre l’Irak, en mars 2003, toujours sans recevoir l’aval du Conseil de Sécurité.
C’est pourquoi, on peut dire que le président Bill Clinton doit assumer une part évidente de responsabilité pour le chaos qui prévaut présentement dans le monde. En pratique, les Nations Unies ont dû céder leur place à l’organisation de l’OTAN, laquelle dorénavant sert de caution plus ou moins ouverte aux guerres impériales que les États Unis mènent dans le monde. Cela est une violation du cadre légal de l’ONU et même des principes prévus dans la Charte de Nuremberg, cette dernière définissant une agression militaire comme étant un « crime contre la paix et la sécurité de l’humanité ».
En 1991, peu de gens virent que l’effondrement de l’Union soviétique finirait par provoquer l’effondrement de l’Organisation des Nations Unies, laquelle, peu à peu, en est réduite au même niveau d’influence qu’avait l’ancienne Société des Nations, durant les années qui ont précédé la Seconde Guerre mondiale.
3 - Bill Clinton a permis un retour aux abus bancaires d’avant la Grande Dépression, et il prépara le terrain pour la crise financière de 2007-2009
En effet, le président Bill Clinton promulgua, le 12 novembre 1999, une loi parrainée par les sénateurs républicains Gramm, Leach et Bliley, laquelle loi éliminait, en pratique, la plupart des dispositions qui établissaient une séparation entre les banques d’affaires (lesquelles émettent des titres et d’autres produits risqués), et les banques commerciales (qui acceptent des dépôts assurés par le gouvernement), une séparation qui existait depuis 1933, en vertu de la Loi Glass-Steagall.
Avant l’adoption de la loi de 1999, sous le régime de la précédente loi Glass-Steagall, il était illégal pour une banque acceptant des dépôts assurés par la FDIC d’investir dans d’autres avoirs que des obligations gouvernementales et dans d’autres titres à faible risque. Avec sa signature, cependant, le Président Clinton se trouva à permettre aux super grandes banques et aux grandes compagnies d’assurance, dorénavant très peu réglementées, d’adopter des pratiques financières risquées, un penchant fort connu au cours de l’histoire et qu’il était facile de prédire qu’il allait se répéter si on enlevait les garde-fous. Comme on le sait, les nouveaux produits financiers des banques et des compagnies d’assurance se sont effondrés en 2007-2009, et cela a conduit à la grande crise financière dite des « subprimes ».
Alors que le candidat démocrate Bernie Sanders a déclaré vouloir rétablir pleinement la loi Glass-Steagall, son adversaire, l’ancienne secrétaire Hillary Clinton, s’oppose pour sa part au rétablissement la loi bancaire de 1933, préférant introduire des mesures pour mieux encadrer les pratiques du système bancaire parallèle qu’on appelle le « shadow banking ».