Absence de représentation des salariés et flou des statuts autorisent la persistance d’une situation sociale délétère à l’Élysée. Un syndicaliste témoigne.
François Hollande voulait une « République exemplaire ». En matière de droit du travail, la présidence de la République n’a rien d’un modèle. Certes, l’Élysée a réduit son train de vie ces dernières années et la Cour des comptes a salué ses efforts. Mais sur les questions sociales, la confusion semble être la règle. Patrick Pradier, président de la section de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) de la présidence de la République, dénonce depuis des années les abus. L’an dernier, il a témoigné dans Marianne des dérives à l’Élysée. Depuis la parution de cette enquête, rien n’a vraiment évolué. L’Élysée indique à Paris Match avoir fait beaucoup depuis 2012. Mais les demandes répétées de Patrick Pradier sont restées lettre morte.
Le cas de ce responsable de la CFTC illustre le problème. Chef cuisinier venu du ministère de la Défense, il était chargé de la préparation et du bon suivi des repas des conseillers du Président depuis 1999. En 2008, il est désigné par la confédération représentant à l’Élysée. La lettre actant cette désignation – qui n’a rien à voir avec l’élection d’un représentant du personnel – a même été tamponnée par le chef du service financier et du personnel de l’époque. Deux ans plus tard, il est, selon ses propres mots, « répudié » et renvoyé au ministère de la Défense. Il reste pourtant président de la section CFTC de la présidence. À distance, il est resté en contact avec certains personnels, même s’il n’est évidemment plus le bienvenu à l’Élysée. Le syndicaliste a déposé plainte pour discrimination syndicale.
Plus de 800 personnes travaillent pour la présidence, sans qu’une organisation officielle soit prévue
Évincer Patrick Pradier n’a pas posé de problème : il a simplement réintégré son corps d’origine. La « mise à disposition », très pratiquée dans l’administration, permet de se débarrasser de certains agents sans procéder à un véritable licenciement. Pour les agents civils de la présidence, ce système crée des difficultés. S’ils travaillent à l’Élysée ou dans un des autres sites rattachés à la présidence, comme le palais de l’Alma, quai de Branly à Paris, qui abrite notamment le service qui gère la correspondance de la présidence, ces salariés dépendent pour les élections professionnelles de leurs ministères d’origine. « Les personnels qui sont au service de la présidence ne sont pas dans leurs administrations. Il faut donc bien leur créer une instance sur place », pointe Patrick Pradier. « L’Élysée n’a pas de statut du personnel. Ceux qui y travaillent ne savent pas de qui ils dépendent », confirme le député apparenté socialiste René Dosière, spécialiste du train de vie de l’État.
À l’Élysée, rien n’est organisé : il n’y a pas de comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), ni de comité d’entreprise pour les salariés de droit privé. « Il n’y a pas de règlement intérieur de la présidence, il n’y a pas de statut, il n’y a rien. C’est quand même la maison du Président et il y a plus de 800 personnes », dénonce Patrick Pradier. L’Élysée indique qu’au 31 décembre 2015, les effectifs étaient de 806 agents, dont 660 mis à disposition et 146 contractuels, dont plus de la moitié sont de droit privé. Sans instances, les salariés ne sont pas représentés. « Une majorité des personnels continue à être gérée par leur corps d’origine, à la fois pour les mesures individuelles et les mesures collectives », répond-on à l’Élysée.