Une clique de « médias indépendants » épluche les données piratées du groupe Altice de Patrick Drahi. L’objectif est d’appliquer une stratégie Al Capone en dévoilant les stratagèmes fiscaux du nabab des télécoms et désormais introduit dans le marché de l’art.
Parmi toutes les magouilles fiscales et financières, l’une mérite sa place au soleil dans un manuel fiscal Dalloz : le cas du port franc de Genève.
Discrète Casbah, soupape à une opération d’évasion fiscale de haute voltige, le port franc de Genève est la salle aux trésors la plus hermétique au monde. Ce musée bunker de 130 000 m2, détenu à 80 % par le canton de Genève, voit s’entasser tableaux, horlogerie et métaux précieux dans des caisses en bois anonymes et numérotées façon Indiana Jones dans Les Aventuriers de l’arche perdue pour la bagatelle de 90 milliards d’euros. Drahi possède un petit placard de 200 œuvres valorisées à 750 millions d’euros faisant de lui le 212e collectionneur d’art au monde.
Or, le port se situe dans une zone franche et est donc non soumis aux droits de douane. Il suffit donc de bloquer sur place l’expédition de la marchandise vers son destinataire final sur le long terme. Une situation moins soumise aux aléas de la Bourse car le bien prend entre-temps de la valeur (rendement de 6 à 7 % par an). Et encore, on ne compte pas le bénéfice d’une petite vitrine le temps d’une exposition aux frais de l’exposant. Soit pour le jeune naturalisé christophien, une véritable niche boursière de substitution, paradis fiscal où achats, ventes et stockages de biens se font et se défont sans changement de lieu mais seulement de propriétaire. Un placement sûr et rentable du beau dans une gestion désincarnée et financiarisée de la marchandise ou la théorie guénonienne appliquée dans une cave suisse du règne de la quantité sur la qualité.
Acteur incontournable par ses collections et par le rachat de Sotheby’s, dont il veut faire le « eBay de l’art », on ne peut qu’être inquiet d’un marché de l’art géré à la Drahi. Mais comme le rappelle La Fontaine dans une célèbre fable : tel « bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs », alors que telle grenouille, chétive pécore, enfle et explose.