Profitons de ce dimanche pour trouver une petite heure et demie (voire moins en jouant avec la vitesse du lecteur YouTube) afin de visionner un de ces documentaires ARTE dans lesquels on trouve des informations, des interviews ou des analyses pertinentes mêlées à des poncifs de journalistes, des rengaines politiques sans originalité aucune, voire de grosses bêtises. Et en tout cas, rarement la hauteur de vue qui permettrait de se sortir de la thématique proposée par le haut. Mais ce défi conduirait probablement vers des conclusions parfois bien trop dangereuses.
Dans ce documentaire, la chaîne ARTE nous entraîne rapidement en Israël. Forcément, puisque c’est dans ce pays paranoïaque que naissent à peu près toutes les technologies de pointe en matière de surveillance et de reconnaissance faciale. Bien sûr les journalistes ne se perdent surtout pas dans un débat sur les causes du terrorisme – que nous appellerons plutôt résistance. À leur décharge, ce n’est pas le sujet du film. Cependant, créer une situation de tension maximale par la spoliation d’une terre puis vendre des solutions de sécurité ensuite, c’est un peu l’idée du pompier pyromane. De là à imaginer qu’ils étendent leur technique de vente dans d’autres pays, ce serait bien sûr un complotisme auquel nos analyses pointues sont totalement étrangères.
Aujourd’hui notre entreprise est la plus importante du monde occidental en terme d’effectifs. Nous sommes leader dans ce secteur. Nous travaillons actuellement dans 43 pays, OK ? Ça vous donne un petit aperçu.
Nos produits sont aujourd’hui présents dans 43 pays, et même dans le pays d’où vous venez, la France, c’est bien ça ? Je pense que tout le monde sait que nous sécurisons Nice, par exemple, là où l’attaque terroriste a eu lieu.
Nous partageons votre douleur, c’est horrible ce qu’il s’est passé là bas, d’accord. Et je suis de tout cœur avec vous. Nous faisons tout ceci pour vous protéger, les gars. Pour que vous soyez plus en sécurité. La logique voudrait que cette technologie soit utilisée partout, pour nous aider à sécuriser la planète.
C’est ensuite le maire de Nice, Christian Estrosi, qui apparaît. L’ancien motard sans diplôme, le « motodidacte » comme disent ses détracteurs, remarié à la jeune journaliste Laura Tenoudji, de 21 ans sa cadette – qui rappelait à Actualité juive, en 2016 : « Je suis proche du judaïsme » –, est donc ce fameux client zélé de la société israélienne. On a vu le résultat, d’ailleurs. Comme le rappelle Laurent Mucchielli (dont on écoutera sur nos pages la bonne intervention chez Réinfo Covid de Louis Fouché) :
[...] c’est pas les caméras encore une fois qui n’ont fait que filmer l’horreur à l’instant où elle se produit, c’est à dire qu’elles n’ont servi rigoureusement à rien.
Embarquement pour les États-Unis, où a lieu une commission d’enquête ouverte par le Congrès sur la reconnaissance faciale (notons au passage l’inévitable petit Trump-bashing). Les opposants arguent de l’imperfection des reconnaissances faciales, en particulier chez les personnes de couleur, pour faire valoir que les erreurs pourraient être nombreuses, préjudiciables, voire irréversibles. C’est un piètre argument puisque la technologie avançant, il est évident que la reconnaissance faciale deviendra rapidement parfaite, toutes races (ethnies, doit-on dire ?) confondues. Le problème n’est pas un problème technique, c’est un problème philosophique !
Vient ensuite la Chine, et là on bascule dans l’actualisation concrète d’une de ces dystopies dont les lectures nous fournissaient un frisson agréable, comme celui du bourgeois qui s’encanaille chez le populo, mais sait qu’il reviendra vite à sa réalité. Sorti de notre livre ou de la salle de cinéma, on savoure le réel. Mais celui-ci rattrape doucement la fiction, et la fiction nous rattrape. Et ceux qui s’en inquiètent sont au minimum des inconscients pour qui la sécurité ne prime pas sur la liberté, et au pire des Cassandre porteurs de mauvaises nouvelles. Or, c’est oublier que les prévisions de Cassandre se sont toujours réalisées...
Toute la fin du documentaire porte donc sur la Chine, le gros morceau. En partie à travers le problème des Ouïghours, pour lesquels, d’ailleurs, ONG ou journalistes se découvrent plein de commisération devant ce peuple et cette culture que la Chine veut faire disparaître. On aimerait une telle compassion pour d’autres peuples et cultures qui se meurent.
Défiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher loin dans leurs livres des devoirs qu’ils dédaignent de remplir autour d’eux. Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d’aimer ses voisins...
Jean-Jacques Rousseau
Bref, de bonnes choses à prendre dans ce documentaire dont la lecture par la bande, comme bien souvent, permet d’attraper quelques informations. Mais c’est bien sûr au téléspectateur de faire la synthèse en reliant ces informations à l’ensemble de celles, par exemple, que nous essayons modestement de trier et vous livrer chaque jour sur le site E&R.
La connaissance est un processus critique actif et un combat permanent contre l’éternelle paresse et les facilités du divertissement dans lesquels le système cherche à nous faire sombrer, que ce soient les sociétés commerciales pour nous vendre leur camelote ou les gouvernements pour nous asservir et nous contrôler.