Renaud, à qui France 2 a consacré samedi 17 décembre 2016 une soirée somptueuse, Merci Renaud, avec pléthore de people dans un décor digne d’Hollywood, a choisi le mensuel féministe Causette pour faire son coming out sioniste. Une déclaration d’amour à la communauté juive ou au lobby sioniste – ça n’est pas très clair mais ça revient au même – qui contraste avec ses prises de position gauchistes propalestiniennes auxquelles il avait habitué son public populaire.
Palestiniens et Arméniens
Témoignent du fond de leurs tombeaux
Qu’un génocide c’est masculin
Comme un SS, un torero
(Miss Maggie, 1985)
Pour voir la vidéo de la soirée, même si personne n’a repris Miss Maggie, aller sur le site de France 2.
Oui mais voilà, la Palestine, les enfants armés de cailloux contre les chars de Sharon, c’était dans les années 80. Après, le lobby en question lui fera une guerre, plus ou moins larvée, dont Renaud sortira perdant, comme dans son combat contre l’alcool.
D’ailleurs, dans l’émission du service public, il semblait avoir la tête ailleurs, dans un verre pour ainsi dire. L’alcoolisme est une maladie, on le sait tous. Quand on ne peut plus s’arrêter de boire, il y a un risque de sombrer moralement, et parfois, de faire ou de dire des bêtises. Alors, le néosionisme de Renaud, dommage collatéral de son alcoolisme, ou évolution naturelle d’un chanteur qui n’a jamais été réellement de gauche anti-impérialiste ?
Sa chronique dans le mensuel Causette ne laisse hélas pas de place au doute (n’hésitez pas à zoomer pour bien lire la colonne de droite et accrochez-vous) :
Si le zoom perd en précision, ne vous inquiétez pas, nous avons pensé à tout, et agrandi la colonne de droite en question :
Un amour tardif mais apparemment très pur, très spontané.
Du côté de la télé, la soirée était coprésentée par Patrick Bruel, un « ami » de Renaud. Petit aparté : Renaud a déclaré sa flamme aux femmes dans plusieurs chansons (« Femme je t’aime parce que », ainsi commençait Miss Maggie), arguant que les hommes font la guerre et les femmes des enfants, que les hommes sont des salauds et les femmes des victimes. C’est assez simplet, mais la philosophie de Renaud peut se résumer ainsi. C’est pour cela qu’il a travaille désormais pour Causette, un journal auquel il avait déjà exprimé son admiration (ce sont des femmes qui le font, mais pas qui le dirigent).
Et cela tombe bien puisque Bruel, qui interroge Renaud à la télé, lui aussi prend la cause des femmes à bras-le-corps : le chanteur prosioniste a participé à la campagne contre la violence faite aux femmes en posant avec du rouge à lèvres. Les gens qui connaissent le show-biz ont dû bien rigoler, et parfois jaune. Mais laissons là ces petites mesquineries, et applaudissons la rencontre de ces quatre grands (sociétaires) de la chanson. À une autre époque, il y a 48 ans, le 6 janvier 1969, Brel, Brassens et Ferré, du lourd en termes de poésie chantée, se rencontraient à l’instigation d’un jeune journaliste de RTL, François-René Cristiani.
Toute comparaison avec Benabar, Renaud, Bruel et Clerc serait fortuite. Le monde de la chanson (qui rapporte) est petit, et les grands sociétaires de la SACEM appartiennent tous à la même famille, d’une certaine façon. Lorsque Bruel et Benabar rappellent à Renaud que la chanson Mistral gagnant a été élue chanson du siècle par les Français (il faudrait retrouver ce référendum), Renaud bredouille que c’est « de la petite bière » :
- Benabar, Bruel et Clerc entourent Renaud
Bruel : C’était la quatrième chanson et je tombe sur ce chef d’oeuvre qu’est Mistral gagnant, si si si, un chef d’oeuvre, et je pèse mes mots !
Benabar : Une chanson qui a été élue chanson préférée des Français de tous les temps, ce qui est plutôt un gage de qualité.
Renaud : De tous les temps, c’est largement exagéré, quand on pense à l’oeuvre de Brassens, à l’oeuvre de Trenet, à l’oeuvre de Ferrat, avec des chansons comme Le Temps des cerises, Nuit et Brouillard de Jean Ferrat, Mistral gagnant c’est de la petite bière.
Quelle leçon d’humilité ! Et puis, cette courageuse citation de Nuit et Brouillard, complètement d’actualité...
Voilà, c’était Docteur Renaud qui revient à la télé en Mister Sionard, mais il n’y a sûrement pas de rapport. Les observateurs sociologiques noteront le pont entre le féminisme affiché du chanteur et son sionisme tout neuf. On entend d’ici les moqueurs qui diront que Renaud s’est humilié en public et a fait techouva, c’est-à-dire sa repentance après sa chanson sur la Palestine, qui date pourtant de plus de 30 ans. Et alors, Vichy et Auschwitz aussi. Il n’y a pas d’âge pour la techouva.
Depuis les coulisses, @PatrickBruelOff a également tenu à remercier notre Phénix national ! #MerciRENAUD pic.twitter.com/Jfv4I4fXEu
— France 2 (@France2tv) 17 décembre 2016