Florian Philippot, destiné à disparaître dans la queue de la comète RN qu’il avait quittée et que la crise a finalement révélé, alerte sur le rapport que vient de commettre le Sénat. Intitulé « CRISES SANITAIRES ET OUTILS NUMÉRIQUES : RÉPONDRE AVEC EFFICACITÉ POUR RETROUVER NOS LIBERTÉS », ce rapport n’est qu’un ensemble de préconisations destinées à restreindre les libertés. Bien sûr, le but avoué est de « retrouver nos libertés », mais les sacrifier pour les retrouver, même ponctuellement, n’est jamais une bonne idée. Sauf s’il s’agit d’un choix totalement personnel et volontaire. Toute injonction de masse, sans même le consentement de cette masse, ne peut que produire le contraire de l’effet escompté, surtout quand on ajoute à cela que les mesures provisoires sont toujours faites pour durer (péages autoroutiers, CSG, vignette automobile, etc.).
Le Sénat ne s’embarrasse pas de mots, il admet clairement et sans afféterie aucune que le modèle chinois est un bon exemple de gestion :
La Chine a, sans ambiguïté, privilégié la lutte contre la menace sanitaire par rapport à la protection des libertés individuelles, en particulier la liberté d’aller et venir et celle d’avoir une vie privée.
Si le modèle chinois n’est évidemment pas transposable aux pays occidentaux, on ne peut pas, pour autant, se satisfaire d’une simple posture d’indignation : la stratégie chinoise est, globalement, une grande réussite sur le plan sanitaire, avec officiellement 4 846 morts pour 1,4 milliard d’habitants, soit 3 morts par million d’habitants, quand la France seule compte plus de 100 000 morts, soit 1 633 morts par million d’habitants.
Les bracelets électroniques de Hong Kong ne leur posent pas non plus de problèmes. De toute façon le Sénat a choisi son camp :
D’une manière générale, entre efficacité sanitaire et respect des libertés individuelles, l’arbitrage des pays asiatiques a clairement penché en faveur de la première : leurs diverses stratégies reposent sur des mesures particulièrement intrusives, sans équivalent dans les pays occidentaux.
De fait, cette stratégie semble avoir porté ses fruits : ces pays ont la plus faible mortalité du monde rapportée à la population.
À ce rythme là on peut aussi admettre que le régime soviétique était très efficace pour convertir les plus rétifs au stalinisme ou bien les camps allemands concernant le régime calorique et la perte de poids (surtout lorsque les Alliés bombardèrent toutes les voies de ravitaillement – mais on s’éloigne du sujet).
Dans le même état d’esprit, le Sénat reconnaît que les GAFAM ayant fini par nous fliquer intégralement (malheureusement avec l’assentiment et la collaboration active de leurs utilisateurs, il faut le reconnaître), ils ont pu jouer un rôle majeur dans la gestion de l’épidémie (et s’enrichir indécemment).
Par la quantité et la diversité des données qu’ils collectent sur chacun d’entre nous, par leur maitrise des technologies les plus avancées, et plus généralement par leur importance désormais systémique dans la vie économique et sociale, les géants du numérique se sont trouvés en position de jouer un rôle majeur dans la gestion de l’épidémie, parfois à l’égal des États, si ce n’est en position de force par rapport à eux.
Ce sont aussi leurs services qui ont, d’abord, permis d’assurer la continuité de la vie économique et sociale, qu’il s’agisse de communiquer, de travailler, d’enseigner ou encore de faire ses courses à distance. Leur chiffre d’affaire a d’ailleurs augmenté de 19,5 % en 2020, et leur bénéfice opérationnel de 24,7 %, tandis que le reste de l’économie mondiale connaissait une crise sans précédent.
Le Sénat prévient que d’autres pandémies plus graves vont survenir et que « plus la menace sera grande, plus les sociétés seront prêtes à accepter des technologies intrusives, et des restrictions plus fortes à leurs libertés individuelles – et c’est logique ».
Et après avoir devisé sur les questionnements éthiques et les problèmes d’ordre moral que peuvent poser toutes ces solutions intrusives, le Sénat conclut que finalement c’est un mal pour un bien et que de toute manière, si on ne le fait pas, d’autres le feront pour nous. Ces réflexions aussi idiotes qu’une phrase comme « il faut bien mourir de quelque chose » ne sont pas à la hauteur de la réflexion politique que l’on attend de la chambre haute du Parlement.
[La crise actuelle nous donne déjà toutes les raisons de veiller à la protection de nos droits et libertés]. Mais elle nous donne aussi toutes les bonnes raisons de recourir davantage aux outils numériques, en conscience et en responsabilité – parce qu’ils sont potentiellement bien plus efficaces que les autres méthodes, parce qu’ils pourraient permettre de retrouver bien plus rapidement nos libertés « physiques », et parce que si nous ne le faisons pas, d’autres le feront pour nous. Et, face à une crise majeure, nous n’aurons pas d’autre choix que de leur demander leur aide, et il sera alors trop tard pour défendre nos principes démocratiques.
Le rapport de 147 pages est disponible sur le site du Sénat.