Ils ont été abîmés par la neige, cachés dans les caves d’un ghetto, jetés d’un convoi ou ont permis de sauver pour quelques belles notes la vie de leurs propriétaires : 30 violons « rescapés » de la Shoah ont repris vie le temps d’une série de concerts en Israël.
Au moment de placer sous son menton le violon, brillant de laque sous les projecteurs de l’auditorium bondé de Tel-Aviv en ce mois de juillet, le soliste Guy Braunstein a la main qui tremble.
L’instrument qu’il tient était celui d’un violoniste de l’orchestre d’Auschwitz. Son propriétaire a été forcé de jouer des jours durant pour accompagner les marches vers le travail forcé, souvent antichambre de la mort pour les déportés les plus affaiblis.
Dans l’auditorium pétrifié et silencieux, accompagné des musiciens de l’orchestre de chambre de Jérusalem, en quelque mouvements d’archet et sur un adagietto de Gustav Mahler, la complainte du « violon d’Auschwitz » met une partie du public en larmes.
« J’ai joué des milliers de concerts, mais jamais je n’ai eu l’émotion et le tremblement que j’ai eus en prenant en main ce violon d’Auschwitz, son odeur était différente, j’avais comme l’impression en jouant qu’on m’enfonçait un pieu dans le coeur, car je connaissais son histoire », explique en coulisses Guy Braunstein.
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« Pleurs, rires et prières »
« Le violon (d’Auschwitz) a joué devant des piles de corps humains. Ce qu’il a vu peut rendre fou », dit le luthier Amnon Weinstein, à l’initiative des concerts déjà organisés en Allemagne, aux États-Unis et en Turquie.
L’Israélien de 76 ans, lui-même issu d’une famille de juifs lituaniens ayant échappé à la Shoah, a passé plus de 20 ans dans son atelier souterrain de Tel-Aviv, dans l’odeur de vernis et de laque, à restaurer les violons souvent récupérés dans un état déplorable.
« Ma mission c’est de mettre la main sur tout violon rescapé de la Shoah, de l’acquérir, de le réparer et d’en faire un violon capable d’être joué pour un concert, je veux que ces violons soient joués, qu’ils fassent entendre ce qu’ils ont à dire », dit M. Weinstein.