Le premier Badinter, c’est celui que tous les Français abreuvés aux médias – eux-mêmes abreuvés aux forces occultes – connaissent. C’est l’incarnation de la justice, de la droiture, de l’intelligence, de la bonté, de la grandeur, de la démocratie, de la tolérance, bref, une figure, la figure du bien. Il y a aura bientôt des écoles Badinter partout, enfin, peut-être pas des écoles, plutôt des rues, des ruelles, des impasses...
C’est, disons-le tout net, le plus grand des Français, un homme parfait, qui a combattu le fascisme, le racisme, l’antisémitisme, toutes ces choses qui en veulent à la république, parce qu’elle les marginalise, les écarte de la vie publique, les criminalise sur la base du passé. Et le passé, ce sont les années 30, Pétain, Vichy et la Shoah. Un passé pack, un starter pack comme on dit aujourd’hui.
Mais … ??? pic.twitter.com/UxjvEQ1Z0E
— La Baronne (@labar0nn3_) April 8, 2025
Sur ce passé, mieux vaut ne pas approcher la loupe trop près, les limites du bien et du mal deviennent alors floues, on dirait qu’elles bougent. Mais pour le grand public, le manichéisme suffit : les grands docteurs de la pensée obligatoire tablent sur un peuple oublieux, léger, qui ne s’intéresse qu’à la bouffe, au foot, aux vacances et à l’amour.
Cependant, il y a de plus en plus de petits villages gaulois, pas encore vaccinés au poison oligarchique, qui résistent à la simplification et à la reductio ad Hitlerum en tout. Ce n’est pas la république avec ses défauts ou Hitler, BHL ou la Shoah. Il y a un espace entre ces extrêmes qui nous sort du piège, de la tenaille.
Le second Badinter, c’est sa vie cachée, mais aussi ses pensées cachées, et les conséquences de ses actes. En général, les conséquences de nos actes sont les filles de nos pensées cachées ou non dites. Par exemple, pour Badinter, c’est l’explosion de la violence d’en bas, l’effondrement de l’échelle des peines qui encourage les criminels. Chez nous, ils savent qu’ils ne risquent plus rien ou presque. Au States, ce pays sauvage, non civilisé, on n’est en pas encore au pardon badinterrien, par exemple en matière de détournement de mineurs.
AUX ÉTATS-UNIS ÇA FINIT EN PRISON, EN FRANCE ÇA FINIT AU SOMMET DE L’ÉTAT.
Une conseillère scolaire de l'Ohio admet avoir abusé sexuellement d'un élève dans son bureau et reproche à son mari de l'avoir "négligée".
Emily Nutley, 43 ans, mariée et mère de trois enfants, a plaidé… https://t.co/DGf6l29d0Q pic.twitter.com/YE3xNP8J8v
— Black Bond PTV (@BlackBondPtv) April 10, 2025
Au fond, couper la tête d’un assassin d’enfant, ce n’est pas très grave. OK, on peut l’étudier un peu avant pour « comprendre » son acte, comme l’ont fait justement les Américains avec leurs tueurs en série – une production somme toute normale dans un pays de tueurs en série officiels – mais sa survie en prison pendant 40 ans n’a pas grand sens.
Pourquoi, si l’on veut suivre le pardon des Évangiles ou le commandement qui dit que tuer c’est pas bien, ne pas le mettre au travail forcé, dans le sens de réparateur ? Par exemple servir dans un hôpital psychiatrique, soulager les souffrance en Ehpad (où il n’y a pas d’enfants), ces lieux qui manquent de présence humaine.
Au lieu de cela, on a des assassins d’enfants qui font des études ou des gosses en taule, mais pas pour remplacer leurs petites victimes, qui sont d’ailleurs irremplaçables. La justice pour les enfants, c’est pas encore gagné : la prof qui a harcelé une petite fille de 11 ans, qui a fini par se pendre, vient d’être relaxée.
L’un a combattu les nazis, l’autre les victimes
Tout n’est pas de la faute de Badinter, loin de là : ce biface n’a pas inventé le crime, mais il l’a dépuni, si l’on peut dire, déclenchant une nuée de souffrances évitables. Le jeune nervi de la DZ Mafia qui bute un concurrent n’a pas les tremblements de colère de Badinter contre la peine de mort en tête, mais il bénéficie grandement de son travail de sape.
Par égard pour la famille du défunt, on n’abordera pas les questions intimes, cela nous entraînerait trop loin. Mais le cœur y est !
Pour le cas Badinter, donc, celui qui ira au Panthéon sera le bon, pas le mauvais. Le premier ira au Ciel, le second en Enfer.
L’autre panthéonisé du jour par Macron, qui décide de tout en France, et de rien aussi, c’est Marc Bloch, un grand patriote.
On nous refourgue le très controversé Badinter, dont le pedigree réel sortira dans quelques années, derrière un résistant qui mérite le Panthéon. C’est l’histoire éternelle de la belle autostoppeuse sur le bord de la route : quand on s’arrête pour la prendre, le gros barbu jaillit des fourrés derrière. Le gros barbu, ici, a des sabots.
On terminera cette petite chronique judiciaire en chanson avec Turbonegro.