Des chercheurs américains ont utilisé la technique d’édition génétique Crispr pour modifier des embryons humains viables. Une première aux États-Unis.
Pour la première fois aux États-Unis, le génome d’embryons humains viables a été modifié par la technique d’édition génétique Crispr-Cas9. Jusqu’ici, seule la Chine avait osé l’expérience, encore perçue par certains comme périlleuse sur le plan éthique. La nouvelle de ces expérimentations avait fuité la semaine dernière dans la revue du MIT sans qu’on sache précisément en quoi elles consistaient. Mais l’étude menée par une équipe internationale dirigée par le Dr Shoukhrat Mitalipov a finalement été publiée par Nature mercredi 2 août 2017. L’expérience a consisté à corriger une mutation génétique directement liée à la survenue d’une pathologie cardiaque, la cardiomyopathie hypertrophique. La maladie touche environ une personne sur 500, mais peut rester longtemps "silencieuse" sans aucun symptôme. Caractérisée par un épaississement excessif des tissus musculaires du ventricule gauche, elle se manifeste par un essoufflement à l’effort, des douleurs thoraciques voire des malaises (syncope) parfois fatals. Parmi les premières causes de mort subite chez le jeune adulte, elle est souvent diagnostiquée après l’événement mortel.
La quasi totalité des cas est due à des anomalies sur des gènes codant pour les protéines musculaires. Les chercheurs américains se sont ainsi concentrés sur l’un des plus fréquemment impliqués : le gène MYBPC3. Avec le désormais fameux outil d’édition génétique Crispr-Cas9, ils ont ainsi supprimé avec succès l’anomalie sur ce gène.
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CRISPR/Cas9 : comment modifier les génomes va changer la société
Annonce lourde de conséquences : la technologie d’édition des génomes, CRISP/Cas9, vient d’être utilisée sur un embryon humain aux États-Unis. Ce qu’il faut savoir sur cette technologie de rupture. Par Solveig Fenet, François Hirsch et Hervé Chneiweiss, Institut national de la santé et de la recherche médicale.
Révolution en cours pour les biotechnologies : la technique d’édition des génomes CRISPR/Cas9 pourrait permettre de grandes avancées dans les domaines de la médecine, de l’agriculture, et, plus largement, impacter la société tout entière.
Qu’est-ce que CRISPR/Cas9 et comment cela fonctionne-t-il ?
Le ruban d’ADN de 3 milliards de lettres et 1 mètre de long qui porte le patrimoine génétique d’un être humain est une chose fragile, sans cesse rompu par les multiples stress que subit une cellule. Heureusement de puissants mécanismes de réparation veillent et œuvrent, parfois mis en défaut et c’est la maladie, cancers ou vieillissement accéléré. À partir de découvertes sur les mécanismes de réparation de l’ADN, les chercheurs ont tenté depuis longtemps de mimer cette fonction. Mais les techniques développées jusque-là étaient coûteuses, peu efficaces, peu précises et fastidieuses.
CRISPR/Cas9, ce sont deux éléments biologiques : CRISPR et Cas9. CRISPR – pour Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats – est un système naturel utilisé par les bactéries pour se protéger des infections virales. Quand une bactérie est attaquée par un virus, elle se protège en découpant son ADN et en garde la mémoire en conservant quelques fragments. CRISPR est une sorte de disque dur pour stocker ces fragments. Quand la bactérie est de nouveau attaquée par le même virus elle possède alors sa « fiche d’identité » stockée dans CRISPR. Les fragments « mémoire » vont agir comme un aimant en reconnaissant l’ADN du virus et permettre l’intervention d’un ciseau moléculaire, Cas9, qui découpe et détruit le virus. La bactérie est ainsi protégée du virus.
En 2012, plusieurs équipes ont adapté le principe aux cellules animales et développé des systèmes CRISPR/Cas9 pouvant être programmés pour cibler n’importe quel gène. Grâce à de multiples variants, naturels ou bricolés par des ingénieurs en biotechnologie, il est devenu possible non seulement de couper un gène mais aussi de le réparer, de le modifier ou d’en moduler l’expression, en l’augmentant ou en la diminuant. La méthode est redoutablement efficace, relativement simple, très rapide et peu coûteuse. Une révolution biotechnologique est en marche.