On fait bien des nécros pour les grands musiciens, pourquoi pas pour les grands sportifs ? Ils sont peu à entrer non pas au Panthéon, mais dans l’imaginaire collectif.
Franz, disparu le 7 janvier 2024, est entré dans la légende un jour de juin 1970, au stade Aztèque, quand il a joué la prolongation contre l’Italie avec une épaule pétée. Il symbolisait une Allemagne blessée qui se battait au-delà de la souffrance, et qui méritait enfin le respect du monde entier. Cette scène pas si anodine est restée gravée dans un milliard de mémoires.
Des « Kaiser », il n’y en a pas eu des masses qui ont marqué leur époque. Il y a eu Bismarck, Hindenburg, Dolfi et Franz. Franz, lui, était un guerrier, mais sur le terrain. Attention, pas un guerrier comme Baresi-la-faucheuse ou Pujol-le-dingo, non, un guerrier classieux, toujours tiré à quatre épingles, sans besoin d’élever la voix ou de venir chialer après l’arbitre.
Sa demi-finale perdue contre l’Italie le mettra sur un piédestal dont il ne redescendra jamais, lui conférant une aura – un ange, si on a lu Jovanovic – qui le protégera jusqu’à la fin de sa carrière : les arbitres osaient à peine le cartonner !
Beckenbauer, s’il était excellent devant, n’était pas un buteur à la Gerd Müller, mais une fois rétrogradé en défense, il a fait de son poste – le libéro – quelque chose de nouveau. Aujourd’hui, les commentateurs parleraient de dépassement de fonction : le mec remontait la balle, élégamment, très haut, alternant jeu court et transversales.
Cela implique technique parfaite (conduire la balle sans regarder ses pieds, on appelle ça avoir des yeux sur les pompes), assurance non feinte (le charisme impressionne l’adversaire, qui respecte un peu malgré lui), sens du placement (pas besoin de courir comme un dératé) et vision du jeu panoramique.
C’était un grand passeur, un grand organisateur, un grand patron. Après la défaite de 1970, il prendra sa revanche en 1974, sur le sol allemand (Boden) et sur le onze néerlandais théoriquement imbattable de Johan Cruyff.
Roustan fait ici l’éloge des deux grands stratèges : c’étaient un peu les Beatles contre les Stones !
Même à 20 ans, on sentait le garçon au-dessus des autres, d’ailleurs il est devenu, comme Deschamps, sélectionneur de l’équipe nationale, et vainqueur de la Coupe du monde 1990.
Le Brésilien Mario Zagallo, mort 2 jours avant Beckenbauer, avait ouvert le bal : après avoir, en tant que joueur, gagné deux Coupes du monde consécutives (1958 et 1962), il devint l’entraîneur brillantissime du Brésil de Pelé en 1970.
Franz ressemblait, sur le tard, à un membre de conseil d’administration, toujours bien sapé, silencieux, homme de pouvoir, au Bayern et à la fédération allemande de football. Il fera son petit tour à la FIFA, mais ce sera moins romantique.
On se rend compte, en faisant ces nécros, que tout le monde ou presque finit par mourir. Un jour ce sera nous ? Scheiße !