La demande d’un « déploiement de l’armée » française à Calais, sur la façade continentale de la frontière franco-britannique, est une affaire grave.
Évidemment le maire de Calais ne fait que répéter la demande d’un maire d’arrondissement de Marseille il y a quelques années (et les appels de la presse anglaise dernièrement), dans le même but d’attirer l’attention des médias sur un grave problème d’ordre public. Mais le fait que le gouvernement envoie sur-le-champ un ministre pour étudier avec le maire les possibilités et modalités d’une telle mesure est très préoccupant.
Le premier message (politique) que convoie la réaction gouvernementale est que non seulement Calais est dépassée, mais le département aussi, puisqu’il est le siège de l’autorité et des moyens affectés à ce type de problématiques.
Le deuxième (sécuritaire) est que les services de police de proximité du temps normal, vraisemblablement la police nationale en charge de la ville de Calais ou la gendarmerie en charge des zones rurales, est dépassée, tellement dépassée qu’une demande de renforcement temporaire de ces services du temps normal ne permettrait pas de redresser la situation et de rétablir l’ordre.
Le troisième message est que l’envoi de forces de maintien de l’ordre de deuxième catégorie (qu’on appelle dans d’autres pays « anti-émeutes »), à savoir compagnies républicaines de sécurité ou escadrons de gendarmerie mobile, ne suffirait pas non plus. Elles ont pourtant été créées pour cela, et pour raisonner des foules largement supérieures à 5000 personnes. Et en théorie, pour sécuriser un village de 5000 habitants il suffirait d’un effectif de 100 uniformes, c’est-à-dire une CRS ou un escadron de gendarmerie, professionnels du maintien de l’ordre musclé.
Le quatrième message (démagogique et mensonger) est que le gouvernement « est saisi de la gravité et contrôle la situation », comme d’habitude, alors qu’il multiplie les invitations au déferlement illégal et les attaques contre les gouvernements périphériques qui essaient d’appliquer les accords de Schengen.
Mais si on fait appel à l’armée, dont en cherchant bien on pourra certainement trouver une unité en cours de remise en condition entre deux opérations extérieures, ou à défaut mobiliser une compagnie proterriforme de réservistes, il en faudra plus. D’abord parce qu’on se doute bien qu’on ne confiera pas ça à un jeune capitaine commandant de compagnie, il faudra au moins un chef de bataillon breveté de l’Ecole de Guerre (un ministre ne fait pas dans le menu fretin), qu’on fera surveiller par un colonel chef de corps pour composer avec les associations humanitaires, lui-même encadré au minimum par un officier général (et un état-major d’action civilo-militaire) pour communiquer avec les médias. Il n’est que de se rappeler le déploiement d’étoiles sous casque lourd (finis les bérets, fussent-ils rouge, vert ou ancré) au début de l’opération Esbrouffe en Centrafrique. Quand bien même on trouverait les ressources militaires pour satisfaire cette demande, quitte à amputer la capacité de relève et donc de durée de l’inutile mais très médiatique opération Sentinelle, elles devraient pouvoir être elles-mêmes relevées, et peut-être rapidement renforcées.
Car il ne faut pas perdre de vue que, même en vert bariolé, ces malheureux soldats diversitaires (JFOM pour beaucoup) patrouilleront certainement les allées de tentes, deux par deux, le fusil d’assaut à la main et le chargeur plombé (scellé) à la bretelle. Le FAMAS pour faire sérieux, sinon la presse demanderait quelle armée on a envoyée au maire de Calais, et le sceau de plomb pour rappeler qu’ils sont en France, en temps de paix, et qu’ils ne peuvent faire usage de quelque type de force que ce soit (poings, baïonnette, ou balles réelles de 5,56) que dans le strict cas de légitime défense, dans les mêmes conditions que l’humanitaire qui distribue des rations et tente de préserver sa vertu ou que le journaliste qui interviouve ledit soldat en ce moment même : si on attente à son intégrité physique ou à celle d’un tiers, il a le droit et le devoir de réagir, en prenant bien soin de proportionner la riposte à l’attaque. C’est évidemment un savoir-faire devenu automatique chez le policier ou le gendarme entraîné (et équipé en conséquence), qu’on n’osera pas remettre en question dans le cas des professionnels de la sauvegarde du régime que sont les CRS et gendarmes mobiles, mais pour le guerrier soudain requis pour cette mission, alors que l’instruction en a été abandonnée depuis très longtemps et que la presse guettera la moindre bavure, ce sera un défi très difficile. D’autant plus difficile qu’il ne sera pas confronté à un excité cherchant à lui trancher la gorge avec un coupe-papier mais à des bandes (escorteurs et islamisateurs qui font régner la loi de cette jungle) pour l’instant limitées aux armes blanches et qui seraient très intéressées par mettre la main sur un FAMAS ou deux.
Si ce n’est pas un piège, ça a tout l’air d’un guet-apens, à croire que l’accrochage frontalier de Sredets a donné des idées. Le risque est celui d’un emballement rapide, auquel il sera donné l’écho facilitant l’extension vers tous les points de regroupement informels.
Car, question subsidiaire, quel que soit l’effectif militaire que le gouvernement déciderait de déployer à Calais pour encadrer 5 000 illégaux, il faudrait qu’il en prévoie dix fois plus pour accueillir les 50 000 qui se présenteront d’ici dix jours à Nice (en avant-garde du quart de million d’ici Noël), selon le temps qu’il leur faudra pour aller de la frontière slovéno-italienne à la frontière italo-française, les frontières autrichienne et suisse ayant vocation à être les prochaines à se fermer maintenant que la hongroise est close.
Or l’effectif résiduel de l’armée française n’est pas illimité, c’est le moins qu’on puisse dire, même si son terrain de recrutement (les banlieues) se prête à une augmentation des engagements maintenant que l’autre alternative (le recrutement barbu pour la Syrie) est fermée et que certains moudjahidines français reviennent d’ailleurs en courant devant les popofs : car quel que soit le zèle des sergents recruteurs de l’armée française, ils ne peuvent pas distribuer plus de contrats que Bercy ne rétablit de postes budgétaires.
Il faut espérer que le ministre dépêché à Calais saura raison garder, rappeler les échelons politique municipal et départemental à leurs responsabilités, et trouver quelques matraques supplémentaires pour les vraies forces de l’ordre.
Car c’est l’ordre qu’on doit souhaiter, puisque la France s’est refusé les moyens de gagner l’escalade qui menace.