Une délégation du CRIF a été reçue le 23 novembre 2011 pour un déjeuner à l’Élysée avec le Président de la République, en présence du Ministre d’État, Ministre des Affaires étrangères et européennes, M. Alain Juppé. La délégation du CRIF était composée de Richard Prasquier, président, Meyer Habib et Ariel Goldmann, vice-présidents, Francis Kalifat, trésorier, et Haim Musicant, directeur général.
Le repas, auquel participaient Jean David Levitte, conseiller diplomatique et Christian Fremont directeur de cabinet, s’est déroulé dans une ambiance de grande chaleur et de complète franchise.
L’Iran, dont la course à l’armement nucléaire, amplement démontrée désormais depuis le rapport de l’AIEA, est considérée comme un danger essentiel pour la paix du monde, la sécurité de l’État d’Israël et l’équilibre des forces au Moyen Orient a été le premier sujet abordé, à la suite de la proposition française de modifier drastiquement le niveau des sanctions par l’interruption des achats de pétrole iranien et le gel des avoirs de la Banque centrale d’Iran. La France considère que tout doit être tenté pour éviter les frappes militaires et que les sanctions économiques représentent une dernière chance pour la paix : il faut qu’elles deviennent aussi efficaces que possible.
Le chef de l’État a déclaré avec solennité que pour la France, la sécurité d’Israël n’était pas négociable et que la France se tiendrait aux côtés d’Israël si ce dernier était menacé.
Aux questions sur les risques de succès islamistes là où se sont produits les révolutions qualifiées de "printemps arabes", le Président a marqué la nécessité de grande vigilance mais aussi sa certitude que cette évolution recèle à long terme les meilleures chances pour la paix, car les démocraties ne se font pas la guerre et les dictatures ne sont pas des remparts efficaces contre l’aggravation des conflits.
Alain Juppé a fait un tour d’horizon des différents Etats arabes, en insistant sur les risques d’une grave dégradation de la situation économique en l’Égypte et la détermination de la France en Syrie. Le Président de la République considère que la période brève de réchauffement entre la France et la Syrie avait été bénéfique pour l’indépendance du Liban par rapport à la Syrie mais que le gouvernement libanais est actuellement sous l’influence du Hezbollah.
L’intervention de l’OTAN en Libye, où la France a joué un rôle déterminant, a permis de protéger la population libyenne des massacres que lui promettait un dictateur sanguinaire, et quelle que soit l’évolution, le Président considère que ce faisant, les ferments de la liberté et de la démocratie ont été plantés dans ce pays. Il a confirmé que la venue de Kadhafi à Paris était liée à la solution, par la France, du martyre des "infirmières bulgares".
Nicolas Sarkozy pense que l’évolution dans le monde arabe impose au gouvernement israélien d’en tirer les conséquences et de faire de nouvelles ouvertures. Il considère que la question des constructions dans les implantations qui a été mise au premier plan par M. Mitchell, suivi par le gouvernement américain, ne devrait pas faire partie des conditions prérequises à des négociations, et que ce fut une erreur de la mettre sur ce plan, mais il regrette que l’annonce de nouvelles constructions vienne donner un signal politique négatif pour la reprise du dialogue entre Israéliens et Palestiniens.
La délégation du CRIF a rappelé que le gouvernement israélien avait gelé les constructions pendant dix mois sans que cela amenât les Palestiniens à la table des négociations. Elle a regretté les confusions permanentes entre Jérusalem, dont elle rappelé la centralité aux yeux du peuple juif dont c’est la capitale, et les territoires "disputés". Le terme d’implantations, qui est neutre devrait être utilisé à la place du mot "colonie" qui connote toute l’histoire du colonialisme européen : il est choquant et paradoxal, s’agissant des lieux de Judée, où la présence juive est particulièrement ancienne.
Les relations entre la France et Israël ont été ainsi longuement abordées. Le Président de la République a rappelé que sa carrière politique tout entière montrait la profondeur de son attachement pour Israël et il s’est étonné de la virulence des critiques contre lui par certains segments de la communauté juive de France. Il a parlé de son engagement personnel pour la libération de Gilad Shalit, reconnue par les parents de celui-ci, de son discours à la Knesset au cours de son voyage d’État en Israël et de la permanence de ses positions. Il a évoqué ses relations anciennes d’amitié pour Benjamin Netanyahu et sa famille et de sa volonté de surmonter les malentendus récemment installés.
La délégation du CRIF a rappelé les récentes prises de position, qui avaient entraîné une surprise et souvent un choc dans la communauté juive de France. Notamment, le soutien de la France à l’entrée de la Palestine comme État membre de l’UNESCO signifie que les tentatives de délégitimation historique de la présence juive vont se développer (caveau des Patriarches à Hébron, tombeaux de Rachel et de Joseph, travaux dans la vieille ville de Jérusalem) ; elle signifie aussi que aucun cas n’est fait, dans l’enceinte de l’Éducation, de la Culture et de la Science, au discours de haine et de déni, notamment, mais pas uniquement, celui du Hamas à Gaza.
Le président de la République a souligné qu’il fallait renforcer le poids international de l’Autorité Palestinienne, présidée par Mahmoud Abbas, qui reste un interlocuteur modéré et doit se confronter à des adversaires politiques beaucoup plus virulents.
Il a rappelé également que la France ne soutiendrait pas la demande de reconnaissance de la Palestine comme un État membre par le Conseil de Sécurité des Nations Unies.
Concernant le statut d’État non membre pour la Palestine à l’Assemblée Générale des Nations Unies, le Président de la République a indiqué, comme il l’avait déclaré le 21 septembre à l’ONU, que la France y était favorable dans son principe et a considéré qu’un accord sur quatre points contribuerait à réunir un soutien très large, y compris de la part d’Israël, sur cette initiative.
Ces quatre points sont les suivants : une négociation visant à deux États-Nations, l’État d’Israël pour le peuple juif, l’État de Palestine pour le peuple palestinien ; une pleine prise en compte des exigences de sécurité d’Israël ; une relance des négociations bilatérales sans préalable ; un engagement à ne pas utiliser ce nouveau statut pour mettre en cause Israël devant les juridictions internationales.