A-t-on atteint la fin de la musique ? Telle est sommairement la question que pose en filigrane cette vidéo. Quand un vrai musicien, compétent, jette un regard sur des décennies de production musicale – ici à travers les génériques des James Bond –, force est de constater que le niveau s’effondre. Nous rajouterions, pas qu’en musique.
D’aucuns datent la « fin » de la musique au début des années 70’ (on écoutera la vidéo « mélomane » d’Alain Soral en renvoi Kontre Kulture), d’autres moins sévères rajouteront une à deux décennies pour la faire terminer dans les années 90’. Bien sûr, quelles que soient les époques choisies, tout le monde s’accordera pour dire que surgissent ici et là des perles, sans remettre toutefois en question le fait que de manière générale la musique n’a plus rien à dire.
Cette affirmation va faire hurler, probablement. Mais qu’on y pense : peut-on infiniment créer du neuf avec un matériau fini ? Les douze demi-tons de notre gamme, même s’ils permettent bien d’autres choses que les gammes majeure et mineure (pensons aux différents modes lydien, phrygien, myxolydien, etc.), n’offrent qu’une créativité limitée, d’autant plus si on se restreint à la musique tonale. Le clavier bien tempéré a le tempérament bridé !
Cependant, la musique polyphonique à trois ou quatre voix, née au XIVème siècle, a très rapidement atteint un niveau exceptionnel. Les génies se sont succédé à une époque où la qualité l’emportait sur la quantité – l’exact inverse de notre époque contemporaine. À peine quelques décennies suffirent à produire une œuvre raffinée du niveau d’un motet de John Dunstable (1390-1453) :
A peine un siècle plus tard, la polyphonie avait atteint un niveau stupéfiant (début XVIe) :
Encore un siècle et le génie humain écrivait un Miserere (début XVIIe) :
Et nous nous sommes ici limités à l’œuvre chorale. Aussi, les années passèrent et la musique s’enrichit de trouvailles, de profondes inventions, de magnifiques harmonies et mélodies. Puis à la fin du XIXème siècle, la musique développa de nouvelles tonalités et harmonies, avec l’enrichissement des accords, l’utilisation (ou la réutilisation) des modes diatoniques, ou encore de nouvelles échelles toniques (gamme par tons, pentatonique, etc.).
Enfin à partir de la moitié du XXème siècle, après le génie des musiques nègres (ragtime, cake walk, jazz ou blues), survient une explosion des genres musicaux, très liée par ailleurs à l’utilisation d’instruments nouveaux (saxophone, guitare ou piano électriques, batterie, puis synthétiseurs, etc.).
Cette diversification se fit plutôt avec bonheur, et la bonne musique subsista dans la plupart des genres – quels que soient nos propres goûts personnels (subjectifs), par ailleurs.
Las, depuis 30 ou 40 années, la qualité (parfaitement objective, celle-ci) décroît pour atteindre de nos jours des stades abyssaux de médiocrité (rap, musiques à l’autotune ou au voicoder, etc.).
Et, dans un cercle vicieux dont on ne voit pas la fin, les auditeurs de ces musiques infâmes (qu’ils qualifient eux-même de « sons », quel aveu !) s’abrutissent avec des musiques produites et pensées pour s’adapter à leur niveau d’abrutissement.
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