La thématique du restaurant ou de la bonne table revient beaucoup dans le cinéma français d’avant 68, on allait dire d’avant-guerre, ce qui n’est pas faux : Mai 68 a été une guerre sociétale perdue par la France traditionnelle. Et gagnée par la France américanisée, symbolisée par Cohn-Bendit et ses amis – alliés objectifs des intérêts US en France –, autrement dit des agents plus ou moins officiels de la CIA. Mais aussi par le président Sarkozy qui faisait du jogging en tee-shirt NYPD et qui buvait du coca à table à l’Élysée, un blasphème au pays des grands crus.
Quand on connaît précisément le parcours de Dany le rouge, il n’y a pas une feuille de PQBQ (papier cul basse qualité, l’inverse du PQHQ) entre les intérêts US et les combats du leader écolo-sioniste, si peu écolo mais tellement sioniste. Baste, on n’est pas venus parler de ça. Il est question de bouffe, de bonne bouffe et de cinéma. Nos grands acteurs se sont tous un jour retrouvés à table, et pas pour manger des hamburgers. La France, qui est devenue une grande consommatrice de burgers (avec 1,2 milliard de pièces par an, stat officielle), essaye de s’en sortir avec du burger haut de gamme, vache limousine, produits de pays, fromage de brebis, bonne tomate de jardin, et pain rond fabriqué chez le boulanger bio du coin.
Mais la grande masse des consommateurs engloutit du burger fast-food, qui est très mauvais pour la santé : il est prouvé qu’au bout de 1 000 BBQ (burgers basse qualité), on commence à voter Macron, lire du BHL et écouter du Bruel. Sans oublier un bon syndrome de Creutzfeld-Jacob avant de sombrer dans un Alzheimer de compétition. Nous rassurons en passant les obsédés du complot sioniste : ni Creutzfeld ni Jacob ni Alzheimer ne sont juifs. En même temps on n’a pas vérifié.
L’art de la table, ou les arts de la table, sont une tradition française. Le cinéma national s’est donc beaucoup appuyé sur ce pilier de la tradition, symbole du bon goût, au vrai sens du terme. Il y avait des films qui ne parlaient que de bouffe, La Grande bouffe (mais déjà on montrait les dégâts de la surconsommation tout en critiquant la société bourgeoise, jetant le bébé avec l’eau du bain), La Traversée de Paris, L’Aile ou la cuisse, Le Grand Restaurant, Vatel, La Cuisine au beurre, et une ribambelle de films avec des scènes épiques de tortore au resto. On pense aux Claude Sautet, les films chorals de ce réalisateur emblématique des années 70. Le pic c’est naturellement Garçon ! avec Yves Montand, en 1983.
Les extraits que nous avons soigneusement sélectionnés mettent tous en scène Louis de Funès, tant cet artiste concentrait en lui les tendances sociologiques lourdes des années 60-70, à savoir le passage de la cuisine bourgeoise à la cuisine industrielle, de la France traditionnelle des campagnes à la France américanisée des villes. Les spécialistes du film comique n’apprendront rien, nous nous adressons ici aux jeunes générations qui ne savent pas ce qu’est une andouillette à la fraise de veau (certains individus en sont fous), une tartiflette fumante après une course en montagne ou un tartare de guerrier, pour ceux qui ne mangent pas de porc.
Le dîner anglais dans Les Grandes Vacances (1967), avec un gros plaquage sur la bouffe des rosbifs :
Nous sommes dans Le Tatoué (1968), et le marchand d’art de Funès va goûter à la tradition profonde...
Le légionnaire (et comte) Gabin : « Manger des tripes sans cidre c’est aller à Dieppe sans voir la mer »
Scène d’anthologie dans une gargote immonde, car la France c’est pas que les étoilés, L’Aile ou la cuisse (1976) :
Louis-Septime fait l’infiltré dans Le Grand restaurant (1966) avec son radis :
Et une petite leçon d’autorité en cuisine :
Que dire ? Cherchez dans le film « français » contemporain des odes à la cuisine nationale, vous n’en trouverez pas beaucoup. Dans le film français d’aujourd’hui, prisonnier de la bien-pensance du CNC, cet organisme d’aide très politique, et des minorités agissantes, on bouffe plus, on cause. Et on cause pauvre, on cause mal, on cause chiant.
La psychologie, c’est pas drôle et ça nourrit pas son homme. Si certains individus en difficulté existentielle ont besoin d’une thérapie, ça ne doit pas envahir nos écrans. Quand on regarde un film français aujourd’hui, on a l’impression d’être chez le psy : ça bavarde et ça coûte bonbon. Un seul acteur a repris le flambeau et les flambées au cognac : Gérard Depardieu.
Dans une série culinaire sur Arte, le mec, qui peut bouffer des entrecôtes crues devant une actrice à moitié vegan pendant un tournage fait la tournée des popotes européennes avec son pote le chef Laurent Audiot, un peu écrasé par la présence du monstre du cinéma français.
Quand notre Gégé sera parti, il restera qui ?