Merci à la rédaction du Harfang d‘accueillir cet inédit. Je l‘ai rédigé en décembre 2019, juste avant de me lancer dans l‘écriture de La Controverse de Ravenne, qui vient de paraître. Pour l‘occasion, il m‘a semblé intéressant de le publier tel quel.
Le contexte est celui de l‘Occident, plus particulièrement francophone, mais à cause de quelques illustrations tirées du cas français, précisons que le PACS (pacte civil de solidarité) signifie union civile, qu‘en décembre 2019 la PMA (procréation médicalement assistée) était d‘actualité en France et que la GPA (gestation pour autrui) concerne les mères porteuses. En France toujours, en 2013 les manifestations hostiles au mariage homo se déroulaient principalement sous l‘égide de l‘organisation « Manif pour tous », leur slogan était « Un papa, une maman ».
Le PACS en 1999, le mariage homo en 2013, la PMA pour femme sans l’homme en projet cette année (2019), bientôt la GPA, et, accompagnant tout ça, les sexualités les plus inventives, la théorie émancipatrice du genre et la miraculeuse chirurgie qui vous fait passer moyennant finance d‘un sexe à l‘autre. La société est en voie de subversion totale. Pour certains, c‘est un progrès, la poursuite de notre marche irrésistible vers la liberté. Pour d‘autres, c‘est une horreur.
Mais ceux-là me semblent encore bien impuissants à contrer le phénomène. Les actuelles réactions (Manif pour tous, retour dans le giron de religieux, etc.) me semblent en effet dérisoires.
Prenons une image pour exprimer une idée. Nos législations modernistes (ou post-modernistes) sont la phase ultime d‘une offensive qui vient de très loin. Actuellement, c‘est un assaut à découvert, mais il a été précédé d‘une longue préparation d‘artillerie lourde. Bien peu en ont conscience. Pourtant, il faut bien qu’il y ait une explication pour que les positions soient devenues à ce point indéfendables.
Mais, lecteur, je te laisse ici si tu es persuadé que les manifestations et tes seules prières vont arrêter l‘actuel projet sur la PMA. Sinon tu peux continuer avec moi qui cherche à comprendre la situation actuelle.
Il faut s‘attacher aux fondations. Si l‘on perçoit leur importance, les absurdités liées au sexe (changer de sexe, choisir son genre, avoir les deux sexes ou aucun des deux) ou à la sexualité (homosexualité, bisexualité, bestialité, pédophilie, nécrophilie, etc.) tomberont d‘elles-mêmes comme les fruits pourris d‘un arbre mort.
Ce qui est en jeu, c‘est l‘abolition de l’institution familiale et avec elle la liberté politique et l’identité raciale de tout un peuple. Il y a à ce sujet quelques évidences et un ou deux principes devenus moins évidents à rappeler.
1. Le sang du point de vue génétique
D‘abord, il y a une vérité de la nature. C‘est curieusement à l‘heure de la découverte du génome et des analyses génétiques que l‘on s‘est mis à parler de parent d‘intention et de couple homosexuel. La génétique dit pourtant la vérité. Tout être humain est issu de deux cellules, l‘une mâle et l‘autre femelle. Et les chromosomes nous disent le sexe de l‘un et de l‘autre parent sans aucune ambiguïté.
Si on laisse de côté quelques tricheries, quelques erreurs et quelques fictions marginales (dont j‘ai traité dans mes Leçons 1 chez Kontre Kulture), il y avait jusqu‘à présent une vérité au regard de laquelle ces erreurs et ces fictions étaient précisément des erreurs et des fictions. Mais tout s‘est passé comme si la vérité elle-même était devenue marginale et que la fiction avait pris sa place. On veut donc nous faire croire que le donneur de gamète (mâle pour les spermatozoïdes ou femelle pour les ovocytes) n‘est rien d‘autre qu‘un donneur de gamète. Comme si le fait d‘être parent se jouait d‘abord à un autre niveau. Il s‘agit évidemment d‘un mensonge et d‘une manipulation outrancière.
Pourquoi sinon des millénaires de culte de la virginité et d‘interdiction de l‘adultère ? Notre civilisation est fondée sur des mythes comme celui d‘Œdipe. Et Sophocle nous apprend précisément que pour les dieux comme pour les hommes, ce qui vaut c‘est la vérité du sang. Cette vérité l‘emporte sur les rites, sur les pratiques comme l‘allaitement ou le port de l‘enfant dans le ventre et sur les liens affectifs.
Les « dons » de gamètes tendent donc à couper le lien généalogique entre l‘enfant et son parent, son père en cas de don de sperme, sa mère en cas de don d‘ovocyte, et avec les deux en cas de récupération d‘embryon. Cela s‘est joué bien avant le projet actuel de PMA « pour toutes » et ça en a réalisé les conditions de possibilité.
Il faudrait donc affirmer et défendre l‘idée que la vérité de la filiation ne se fonde que sur la vérité biologique.
2. Le sang du point de vue légitime
Je sais bien que l‘on nous parle à ce sujet de l‘adoption, mais c‘est justement l‘une de ces institutions complètement détruites, ce dont plus personne n‘a conscience. Car l‘adoption est incompréhensible sans distinction entre filiation naturelle et filiation juridique, et cette même distinction a été abolie elle aussi (au nom de l‘égalité).
Distinguons donc. La filiation naturelle peut exister seule, sans filiation légitime. C‘est le cas des esclaves. Pour eux, en effet, la famille c‘est « un papa, une maman », et parfois c‘est même seulement « une maman », ou plus personne. De même pour certains enfants issus de parents libres non-mariés ou incestueux. Car la filiation légitime n‘est réalisée que dans certains cas bien précis de lien d‘un enfant avec un père libre.
La filiation naturelle avec le père peut être une condition de la filiation légitime, mais elle ne suffit pas. Pour que la filiation soit légitime, il faut encore que l‘enfant soit né du mariage du père et de la mère. Et le lien légitime n‘existe qu‘entre l‘enfant, fils ou fille, et le père. Ce lien ne concerne pas la mère. C‘est ainsi que les fratries, génération après génération, peuvent former l‘institution du clan. Toutes les personnes liées entre elles par filiation légitime sont membres de la famille clanique.
C‘est sur ce plan que l‘adoption peut intervenir. Le lien qui se crée entre l‘adoptant et l‘adopté est un lien de filiation purement légitime. Seul l‘homme membre d‘un clan peut d‘ailleurs adopter. Mais pour l‘adopté, ce lien adoptif ne vient pas remplacer son lien éventuellement existant au plan de la filiation naturelle.
3. Les réformes du droit civil
D‘ailleurs, l‘adoption n‘est pas seule en cause. En réalité, toutes les institutions centrales du droit de la famille sont concernées par la distinction du naturel et du juridique. C‘est le cas du mariage, qui ne vaut qu‘au plan juridique, de ses conditions (inceste, interdit incompréhensible au plan seulement naturel) et de ses effets (régimes matrimoniaux), c‘est le cas de l‘autorité paternelle, de la tutelle, de l‘absence et des successions. Bref, toutes ces institutions reposent sur la famille au sens légitime.
Au siècle dernier, dans la décennie qui va du milieu des années 60 au milieu des années 70, le législateur français a tout détruit. Les dates des grandes réformes du droit de la famille sont bien connues : 1964 pour la tutelle, 1965 pour le droit du mariage et des régimes matrimoniaux, 1966 pour la filiation adoptive, 1970 pour l’autorité parentale, 1972 pour la filiation, 1975 pour le divorce. Mais lorsqu’on étudie les choses de plus près, on se rend vite compte que ces grandes secousses ont été préparées dès les années 1880, en jurisprudence, en législation et en doctrine, et que d’ailleurs elles ne sont pas non plus parachevées. Le trait est remarquable en particulier dans le droit des régimes matrimoniaux et dans le droit des successions. Lorsque l’on creuse encore un peu on est vite renvoyé à la Révolution française, puis plus haut encore. Le mouvement vient de bien plus loin dans le temps, on peut en repérer les prémisses dès l‘antiquité gréco-romaine et le droit romain est de part en part traversé de controverses qui restent notre actualité. Tout a été discrètement subverti de sorte que juridiquement, les populations ne soient plus que des esclaves.
Il ne suffit pas de développer une vision dans le temps, il faut également la développer dans sa dimension spatiale, géographique. Le mouvement actuel a son épicentre aux États-Unis. On voit bien que les pires absurdités sur le genre viennent actuellement de là. Nous ne sommes qu‘aux limes de cet empire américain décadent. Dans le reste du monde civilisé, dès que l’on sort de la sphère occidentale, les choses sont encore relativement à l’endroit.
Notons, enfin, que le droit des hommes libres survit néanmoins underground, dans des communautés fermées qui fonctionnent selon leurs propres codes, qui ont leurs propres tribunaux et leur police interne. C’est le cas des populations géographiquement situées entre deux grands mouvements anthropologiques que l’on peut comparer à des plaques tectoniques : la plaque européenne exogame et la plaque arabe endogame. Cela recouvre toute la zone jadis ottomane (du Maghreb jusqu’aux Balkans, en passant par la Palestine), en incluant les îles de la Méditerranée et le sud de l’Italie. C’est le cas de ce qui subsiste d’aristocratie européenne, en y comprenant les classes de la haute bourgeoisie d’industrie ou de finance qui s’y sont agrégées.
Restons-en là pour le moment. Cela peut suffire à donner un aperçu de l‘étendue de la catastrophe. En tous cas, il est puéril à la fois d‘imaginer que des manifestations vont arrêter le projet de loi sur la PMA, mais même de croire que cela suffirait à sauver la situation. La tâche qui est devant nous est en vérité une tâche d‘ampleur profondément révolutionnaire. Il y faut autre chose que des dames patronnesses.