Le réseau Internet du pays a été coupé, tandis que des manifestants se rassemblaient dans les rues de Khartoum pour protester contre les arrestations.
Le Soudan était dans une situation confuse, lundi 25 octobre, après l’arrestation par des forces de sécurité du Premier ministre, Abdallah Hamdok, et de la plupart des ministres et des membres civils du conseil de souveraineté, qui chapeaute la transition au Soudan. Dans la matinée, le ministère de l’Information a annoncé dans un communiqué que M. Hamdok avait refusé de soutenir un « coup d’Etat » et avait été « emmené vers un lieu non identifié ». « Nous appelons la population soudanaise à protester par tous les moyens pacifiques possibles », a de son côté exhorté le bureau du Premier ministre quelques heures plus tard.
Par ailleurs, des soldats ont pris d’assaut le siège de la radio-télévision d’État à Omdourman – ville jumelle de la capitale, Khartoum, dont elle est seulement séparée par un pont sur le Nil –, a encore affirmé le ministère, qui ajoute que « des employés sont retenus ». Le réseau Internet du pays a été coupé, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP).
Le général Abdel Fattah Al-Bourhane, qui chapeaute le conseil de souveraineté, désormais amputé de sa part civile, a annoncé à la mi-journée la dissolution du conseil de souveraineté et la formation, à venir, d’un nouveau gouvernement composé de « personnes compétentes ». Il a également décrété l’état d’urgence dans tout le pays. Dans le même temps, il a réitéré son attachement à « la transition vers un État civil » et promis de créer les nombreuses institutions étatiques, comme une Cour suprême, qui auraient dû voir le jour il y a plusieurs mois.
Avant même que le général Al-Bourhane s’exprime, des manifestants se rassemblaient dans les rues de Khartoum pour conspuer son nom et protester contre les arrestations. « Nous n’accepterons pas de régime militaire et nous sommes prêts à sacrifier nos vies pour la transition démocratique », a juré l’un d’eux, nommé Haitham Mohamed, à un journaliste de l’AFP. « Nous ne quitterons pas les rues avant le retour du gouvernement civil et la reprise de la transition », a affirmé de son côté une manifestante, Sawsan Bachir.
Le ministère de l’Information a affirmé en fin de matinée que les soldats tiraient « à balles réelles » sur les protestataires réunis devant les quartiers généraux de l’armée, dans le centre de Khartoum, dont l’accès est fermé par des blocs de béton depuis plusieurs jours. Douze manifestants ont été blessés par des tirs, selon un syndicat de médecins.
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La date n’était pas anodine : le 21 octobre marque l’anniversaire du soulèvement populaire et de la grève générale qui, en 1964, étaient venus à bout du général Ibrahim Abboud, arrivé au pouvoir par la force peu de temps après l’indépendance du pays en 1956.
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La direction du pays est censée être remise aux civils lors de la première étape d’un processus devant conduire, à la fin de 2023, à l’organisation d’élections libres, les premières en trente ans. Depuis son indépendance, le Soudan a connu trois dictatures militaires, qui ont chacune interrompu brutalement une période de transition démocratique.
Ces troubles politiques se déroulent sur fond de crise économique sans fin. Le pays fait face à une dette colossale, tandis que le quotidien des Soudanais est rythmé par une inflation galopante et des pénuries de gaz, d’électricité et de carburant. Une situation aggravée depuis la mi-septembre, alors que des manifestants de la tribu des Bedja orchestrent des blocages à répétition à Port-Soudan (est), le principal port du pays.