On vient de nous parler d’abondance de la conférence Durban II et de tenter par tous les moyens de nous scandaliser des propos ausi intelligents que judicieux qu’y a tenu le président Mahmoud Ahmadinejad. Pour comprendre les raisons de ce tohu-bohu médiatique qui échappent à la plupart de nos concitoyens, il convient de faire un retour en arrière jusqu’en 1978.
Durban II fut en fait la quatrième session des Conférences mondiales contre le racisme organisées par l’UNESCO. Les deux premières conférences se déroulèrent en 1978 et 1983, toutes deux à Genève, et furent en quasi totalité consacrées à dénoncer le régime d’apartheid qui était alors au pouvoir en Afrique du Sud. Inutile de préciser que ces conférences reçurent alors le soutien plein et total de tous les intellectuels progressistes et de tous les lobbies communautaires.
Puis vint la troisième conférence. Elle fut convoquée, en septembre 2001, à Durban, en Afrique du Sud, afin de symboliser la défaite de l’apartheid dans ce pays. C’est alors qu’un grain de sable inattendu se mit dans la mécanique bien huilée de l’antiracisme onusien : une partie des délégués estimèrent que tous les apartheids n’avaient pas été vaincus puisqu’il en restait un de bien vivant, celui que pratiquait l’État d’Israël contre les Palestiniens, et qu’il convenait de rétablir la résolution 3379 de l’Assemblée générale de l’ONU du 10 novembre 1975, révoquée après la Conférence de Madrid de 1991, qui qualifiait le sionisme de racisme…
Outrés, les délégations des États-Unis et d’Israël quittèrent la conférence, tandis que le représentant du Canada dénonçait une manœuvre visant « à délégitimer l’État d’Israël et à déshonorer son histoire et la souffrance du peuple juif ». Il fallut neuf journées de débats houleux pour que la majorité des délégués se mettent d’accord sur un rapport final dont le 63ème point affirmait « Nous sommes préoccupés par le sort du peuple palestinien vivant sous l’occupation étrangère. Nous reconnaissons le droit inaliénable du peuple palestinien à l’autodétermination et à la création d’un État indépendant, ainsi que le droit à la sécurité de tous les États de la région, y compris Israël, et engageons tous les États à soutenir le processus de paix et à le mener à bien rapidement » sans oublier de préciser dans son 58ème point « que l’Holocauste ne doit jamais être oublié », et de s’inquiéter dans son 61ème devant la « montée de l’antisémitisme dans diverses régions du monde ». Sur les 180 pages du rapport final, seuls 250 mots concernaient Israël ou la Palestine, pour le reste la déclaration de Durban traitait des descendants d’esclaves africains, des peuples indigènes, des intouchables en Inde, des roms, des migrants, des réfugiés, des demandeurs d’asile, de l’esclavage et du trafic d’êtres humain, de la pauvreté, des guerres et des inégalités à travers le monde.
Or dès le lendemain de la conférence de Durban I, des groupes de lobbying sionistes se mobilisèrent afin de la discréditer. Une coalition comprenant le Centre Simon Wiesenthal, UN Watch, la fondation ICARE-Magenta, le Comité juif américain et le Congrès juif mondial la dénonça comme un « festival de haine antisémite », condamna l’ « utilisation de la langue des droits de l’homme afin de critiquer un État » et demandant que toutes les nations occidentales boycottent la prochaine conférence.
En France, dès le 28 février 2008, Bernard Henry Levy, dans Le Monde, se fendit d’une tribune virulente pour dénoncer Durban II. Ce texte, qui fut rapidement cosigné par tout le gratin de la nébuleuse sioniste française, de Thierry Jonquet, ex-leader de Ras l’Front, à Frédéric Encel, ancien dirigeant du Betar, en passant par Pierre-André Taguieff, Alain Finkielkraut, Claude Lanzmann et bien d’autres, était clair : la France, ne devait pas participer à Durban II.
Durant toute l’année 2008 l’agitation lancée par le plus célèbre des entartés n’a pas faiblie, le début de l’année 2009 vit ainsi BHL réitérer son appel dans Le Point, tandis que Le Monde publiait une tribune de la militante féministe et anti-nationaliste Caroline Fourest, et que de multiples organisations « communautaires » multipliaient les actions de lobbying. Tant et si bien que, leur faisant écho, Bernard Kouchner s’interrogea publiquement sur la présence d’une délégation française à Genève et que Rama Yade réunit un groupe d’intellectuels pour leur demander s’il fallait aller à Durban II ou boycotter cette réunion comme le Congrès juif européen le demandait au pays de l’UE et comme le Canada, Israël, les Etats-Unis, l’Italie et quelques autres pays avaient annoncé qu’ils le feraient.
Finalement, la France y fut présente - ainsi que le plupart des pays européens - s’attirant ainsi de vifs reproches du CRIF, de la diplomatie sioniste et des cadres du PS (Parti socialiste ou Parti sioniste ?), malgré ses positions anti-iranienne outrée.
Notre pays n’a pas boycotté Durban II, mais il est symptomatique qu’on nous ai appelé à le faire. Cette réunion régulière qui est considérée par les peuples opprimés comme une véritable conquête, cette organisation de l’ONU qui repère sur tous les continents les violations des droits humains et le racisme, qui fait des recommandations à chaque État, et qui mesure de session en session l’avancement des situations, n’était soudain plus cachère et n’avait plus droit à l’existence parce qu’elle s’était déclarée « préoccupée par le sort du peuple palestinien » !
Ce boycott, c’était les « grands intellectuels progressistes » qui hier faisaient de la surenchère dans l’antiracisme et le tiers-mondisme qui nous le proposaient… Les mêmes qui s’indignent que nous refusions d’acheter des produits de l’entité sioniste. Il est vrai que dans la novlangue que parle Bernard-Henri Levy assimiler le sionisme à une forme de racisme est « une ignominie » et que dénoncer l’agression commise contre la bande de gaza est une « stigmatisation globale, morale, unique en son genre de l’État juif »…