Strasbourg, le 5 juin 2015
La Cour européenne des droits de l’Homme vient de rendre une décision dans l’affaire Vincent Lambert qui marque d’une pierre noire la défense des droits humains dans les 47 États membres du Conseil de l’Europe.
Elle a validé l’arbitraire d’une décision médicale prise sur la foi de témoignages intéressés et contestés faisant état de la prétendue volonté de Vincent Lambert de mourir, alors qu’il ne peut pas s’exprimer. Elle a validé le fait qu’aujourd’hui, il était conforme à la Convention de provoquer intentionnellement la mort d’un être humain sans défense, en le privant d’alimentation et d’hydratation, en violation formelle de l’article 2 de la Convention.
Elle a déclaré en outre, au mépris de sa propre jurisprudence antérieure (Campéanu/Roumanie, 2014), les parents irrecevables à défendre les droits de leur fils à ne pas subir des traitements inhumains et dégradants (art. 3). Ce faisant, une majorité de 12 juges de la Cour européenne des droits de l’Homme a décidé que la Convention ne s’applique plus aux personnes hors d’état d’exprimer leur volonté. Il y a désormais deux catégories d’êtres humains : ceux qui sont pleinement protégés par la Convention ; et ceux qui ne le sont pas, parce qu’ils ne peuvent pas saisir eux-mêmes la Cour.
Dans une remarquable opinion dissidente, 5 juges de la Cour se sont insurgés contre cette décision et dénient désormais à la Cour le titre qu’elle s’était arrogé de « Conscience de l’Europe ».
La Cour a fait tomber le dernier rempart contre l’arbitraire, elle a perdu toute légitimité et toute crédibilité. Elle n’est plus la Cour européenne des droits de l’Homme vulnérable, handicapé, sans défense. Elle n’est désormais plus que la « Cour-européenne-des-droits-de-l’Homme-en-bonne-santé ».
Cela étant dit, cette décision est sans incidence sur la situation actuelle de Vincent Lambert.
Comme elle l’énonce dans son dispositif, la Cour déclare qu’il n’y aurait pas de violation de la Convention en cas de mise en œuvre d’un arrêt d’alimentation et d’hydratation.
Or la seule décision d’arrêt est celle prise et signée par le docteur Kariger.
Conformément à la loi Léonetti, seul le médecin ayant pris la décision peut la mettre à exécution. Le docteur Kariger ayant quitté le CHU de Reims il y a un an, sa décision d’arrêt de soins est désormais caduque et inapplicable. Nous avons d’ores et déjà entamé une procédure aux fins de transfert de Vincent, au nom des parents de celui-ci, ses parents étant désormais seuls au chevet de leur fils, son épouse Rachel ayant quitté Reims pour la Belgique depuis maintenant près de deux ans.
Nous réclamons aujourd’hui que soit réalisée sans délai une nouvelle évaluation médicale de Vincent, et notamment une évaluation de sa capacité à déglutir. Vincent a en effet recommencé à déglutir depuis plusieurs mois, et cette capacité doit désormais être sérieusement évaluée.
Enfin, nous rappelons avec force qu’une équipe médicale, dirigée par le docteur Bernard Jeanblanc, forte de trente ans d’expérience dans l’accompagnement des personnes dans la situation de Vincent, attend le transfert de celui-ci dans son unité. Il y a une autre voie : prendre soin de Vincent dans un établissement parfaitement adapté à sa situation.
Vincent n’a jamais demandé à mourir. La défense de Vincent continue.
Jean Paillot, avocat
Jérôme Triomphe, avocat