« Il a fallu tout ce temps-là pour en arriver là, et je me dis que peut-être c’est le fruit des épreuves, le fruit de la vie qui a été très difficile, et qui forge de caractère, une forme d’engagement dans la vie et une forme de vie rude, mais accomplie »
Dans ce parcours intérieur, que nous ne jugerons pas – il serait facile d’ironiser sur cet « écoféminisme » quelque peu réducteur – une chose marque : cette femme, semble-t-il de gauche, ou qui en porte tous les symptômes, sans le savoir, fait le chemin de la redécouverte de Dieu.
Lorsqu’on l’interroge sur ses relations intimes et sociales, elle répond que ce qu’elle vit lui apporte tout ce qu’il faut. La contemplation lui suffit. Et une relation avec un homme ne lui apporterait pas tout ce qu’elle a déjà. C’est hautement signifiant : c’est comme si l’on proposait à quelqu’un sorti de table repu de s’asseoir aussitôt à une autre table pour un nouveau repas complet. La relation que cette femme a nouée avec l’Autre – ainsi appelle-t-elle ce qui lui fait face – qui s’offre à ses yeux lorsqu’elle s’installe dans son belvédère personnel, un Autre qui vit parallèlement à l’intérieur, nourrit suffisamment son esprit pour qu’elle ne soit pas en recherche d’« autres » plus petits.
Sans le nommer, elle a rencontré Dieu, ce qui ne colle pas avec son gauchisme de départ, mais en est pourtant l’achèvement. Son expérience montre que lorsqu’on croit avoir abandonné ou en avoir fini avec Dieu, on peut le retrouver sur sa route. La vie solitaire produit un état d’esprit qui mène à la contemplation, que les sages de l’Inde ont expérimentée depuis des millénaires dans tous les sens. Il est aussi possible de « vivre en Dieu » en n’étant ni solitaire, ni contemplatif.
Cette réalisation personnelle ne signifie pas que chacun doive vivre sans les autres, parce qu’il aurait trouvé l’Autre. La boucle que cette femme a faite, sur elle-même – elle ne semble pas croyante au sens religieux du terme – montre que l’homme peut vivre sans Dieu, mais aussi avec lui sans le savoir. Le besoin spirituel de chaque homme ne s’efface pas d’un simple trait de plume ou d’une simple phrase.
Il est convenu de dire que des scientifiques de haut niveau ont à leur façon trouvé Dieu, ou se sont façonné un Dieu, même s’ils ne le nomment pas ainsi : cela peut être une vision de l’univers, de la cellule, une construction artistique, un imaginaire. Tout serait alors une question de vocabulaire. Ce besoin de s’inscrire dans un ordre plus grand et une finalité s’accorde avec toutes les attitudes humaines. Ce qui n’enlève rien à l’athéisme, ou au rationalisme le plus pur. Il y a à gagner et à perdre dans chaque posture humaine.
Trouver son lien avec la ou une transcendance, est rassurant, consolateur, et permet en outre d’obtenir une force de vie supplémentaire. On appelle ça la foi, et la femme du film en possède forcément, pour tenir seule parmi les éléments, avec une vie quotidienne dure, d’un point de vue matériel. Là est la preuve non pas de Dieu, mais de la foi, et c’est peut-être suffisant : un surcroît de courage pour augmenter sa vie, et faire des choses extraordinaires, ou supérieures. Le plus étonnant est que tout découle de l’imagination, qui a donc un effet puissant sur le réel.
Des choses supérieures... dans le sens conceptuel, qui se situe au-dessus des faits, et les organise avec harmonie. Cette femme a trouvé sa voie, qui lui correspond, elle est son propre exemple. Si ce dernier n’est pas applicable à l’humanité entière, les hommes vivant aussi en groupes – les relations sociales enrichissent la connaissance individuelle et collective –, sa foi en revanche est exemplaire : la foi est ce qui relie une personne à la ou à sa transcendance, quel que soit le nom qu’elle lui donne.
Le croyant est animé par la foi dans sa quête de Dieu, le chercheur par l’augmentation de sa connaissance, un autre chemin vers le Haut. La foi se forge dans la défense de ses valeurs, c’est donc un combat, un combat contre le Bas.