Christophe Guilluy, géographe et auteur de Fractures françaises (éd. Bourin), s’est penché sur les effets de la mondialisation, en particulier sur le fait qu’elle oblige les classes populaires à s’établir désormais en périphérie des grands centres urbains.
Que désigne-t-on sous le terme de « zones périurbaines » ?
Christophe Guilluy : Si l’on s’en tient à la définition de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), il s’agit des lieux d’habitation situés en périphérie des grandes métropoles et où 40 % des résidents se déplacent dans le pôle urbain pour travailler. Ceci n’englobe pas les cités, généralement positionnées dans la zone dense. Néanmoins, ces critères ne tiennent pas compte d’un élément important : il existe d’un côté le périurbain choisi et de l’autre le périurbain subi.
Ce phénomène est-il nouveau ?
C G : Il faut se rappeler que, à l’ère industrielle, la ville était organisée de manière à ce que la main-d’œuvre soit située à proximité des lieux de production. Les ouvriers vivaient ainsi au cœur de Paris. Depuis, la mondialisation a changé la donne. Elle a exclu les classes populaires des grands centres urbains, et pas seulement en région parisienne. Cela vaut également pour des villes comme Montpellier, Lyon ou Bordeaux. À l’heure actuelle, on considère que près de 80 % des nouvelles classes populaires vivent à l’écart de la « France métropolitaine », dans une « France périphérique » constituée par les espaces périurbains et ruraux des petites et moyennes villes. Le prix de l’immobilier et la recomposition économique des territoires y sont pour beaucoup. Lorsqu’on occupe un travail dans lequel on est rémunéré 1 600 euros, on est contraint de s’excentrer. Il s’agit aussi de fuir la banlieue et ses quartiers sensibles. On observe ainsi l’importance du vote FN dans la « France périphérique » et notamment le périurbain socialement fragile.
La construction métropolitaine Grand Paris peut-elle apporter des solutions à l’exclusion des classes populaires ?
C G : Le risque serait de se concentrer sur la zone dense au détriment des autres territoires qui composent l’Île-de-France. Il existe des potentiels au-delà du Grand Paris. C’est pourquoi, à mon sens, la gouvernance doit se faire à l’échelle de la région. Il est essentiel de parvenir à retisser le lien entre la ville-centre et sa périphérie. Pour cela, il ne suffit pas de tracer de nouvelles lignes de RER. Il convient également d’aborder la problématique de la ré-industrialisation et de réduire la fracture culturelle. On n’appréhende pas de la même façon la vie au sein de notre société devenue multiculturelle selon que l’on habite à Belleville ou aux limites de la Seine-et-Marne.