Dans l’affaire Charlie Hebdo, on se souvient que l’épouse du garde du corps de Charb reproche au ministère de l’Intérieur un homicide involontaire aggravé. Elle considère en effet que les services de renseignement n’ont pas traité avec diligence le signalement d’un homme qui ressemble à l’un des Kouachi, surpris en train de faire une planque devant le siège de Charlie Hebdo fin octobre 2014.
Avec une rapidité déconcertante, l’Inspection générale de la police nationale (dont l’indépendance et l’impartialité sont forcément au-dessus de tout soupçon) vient de rassurer le Ministre en lui expliquant que tout va bien, et que cette affaire ne tient pas debout.
Une première accusation, concernant l’éventuelle défaillance de Patrick Hacgeman, le deuxième policier en charge de la protection de Charb, a été levée. Sylvain Louvet, un journaliste de Premières lignes, l’agence de presse située sur le même palier que Charlie Hebdo, avait appelé l’autre officier de sécurité de Charb, qui était de repos, lorsqu’a débuté la tuerie. Selon le journaliste, le policier lui aurait répondu qu’il était en congés, mais que la police n’allait pas tarder à intervenir. Mais d’après le rapport de l’IGPN, il s’avère qu’il ne serait pas resté inactif, mais aurait passé plusieurs appels, à Franck Brinsolaro et à sa hiérarchie. (…)
Le rapport de la DGPN répond à une deuxième accusation, concernant une voiture suspecte aperçue au mois de septembre 2014 à proximité de Charlie Hebdo. Le même journaliste dePremières lignes avait alerté les policiers du Service de la Protection de la présence d’un individu suspect proférant des menaces contre Charlie Hebdo qui aurait « insulté le prophète ». Il avait transmis les coordonnées du véhicule aux policiers, qui avaient fait un rapport à leur hiérarchie. Il s’était avéré que le propriétaire du véhicule n’était connu des services que pour une affaire de droit commun. Pourtant, Sylvain Louvet, lorsqu’il aperçoit la photo des deux terroristes au lendemain des attentats, croit reconnaître dans Chérif Kouachi l’homme vu dans la voiture en septembre, ce qui pourrait faire croire à un éventuel repérage des Kouachi sur les lieux du drame, et surtout à une défaillance des services de protection. Mais devant les enquêteurs de l’IGPN, le journaliste était moins sûr de lui, et semble avoir reconnu le propriétaire de la voiture sur une photographie. Ce dernier serait un déséquilibré, ayant passé plusieurs mois en hôpital psychiatrique. « On est sûr à 99 % que l’homme dans la voiture n’était pas Chérif Kouachi », résume une source proche de l’enquête.
Ce n’était pas un Kouachi, qui était en planque, mais un déséquilibré, et le témoin oculaire n’est pas sûr de reconnaître le gaillard. Ah ! tous ces témoins oculaires à qui on ne peut décidément pas se fier… Surtout que la présence du Kouachi est visée, dans la plainte de l’épouse Brinsolaro, fin octobre 2014, et que l’incident évoqué par la police a lieu en septembre.
La conclusion de cette enquête est évidemment ailleurs :
« Ces conclusions de l’IGPN, indique-t-on de source policière, ainsi que les investigations, ne permettent pas de démontrer les éléments constitutifs de l’infraction de non-assistance à personne en danger. »
L’objectif était bien là : non pas comprendre la vérité, mais s’assurer que la plainte Brinsolaro serait classée sans suite. Le rapport de l’IGPN doit déjà être entre les mains du zélé procureur Molins, qui pourra classer en toute bonne conscience.