Après les Mayas du Yucatan, les anciens habitants de l’île de Pâques, les Vikings du Groenland ou les Khmers d’Angkor, pourrions-nous à notre tour disparaître à force de déboiser, d’exploiter les sols et, surtout, de puiser dans les ressources naturelles non renouvelables ?
Certains chiffres donnent le tournis. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le nombre d’habitants a été multiplié par près de trois sur la planète. Dans ce laps de temps, davantage de ressources ont été consommées qu’entre l’apparition de l’homme sur la Terre et 1945. Et les choses se sont récemment accélérées de façon vertigineuse. En 1990, le monde avait besoin de moins de 43 millions de tonnes de métaux pour tourner ; en 2012, il lui en fallait 91 millions, d’après la Banque mondiale. La Chine y est pour beaucoup, dont la part est passée de 4 % à 45 %.
À ce rythme-là, notre civilisation risque tout bonnement de s’effondrer de notre vivant. C’est la thèse avancée par deux chercheurs, Pablo Servigne et Raphaël Stevens, l’un ingénieur agronome, l’autre éco-conseiller, dans leur essai « Comment tout peut s’effondrer », paru au printemps. Ces « collapsologues », comme ils se définissent eux-mêmes, sont catégoriques :
« Si on retire le pétrole, le gaz et le charbon, il ne reste plus grand-chose de notre civilisation thermo-industrielle. Presque tout ce que nous connaissons en dépend : les transports, la nourriture, les vêtements, le chauffage, etc. »
Or, selon eux, nous arrivons à un pic de production d’énergie, et les principaux minerais et métaux prennent le même chemin.
Le fameux « peak oil » est pourtant moins en vogue depuis le boom du pétrole de schiste aux États-Unis. Mais celui-ci ne changera pas la donne à l’échelle humaine : l’Agence internationale de l’énergie l’annonce en déclin d’ici à quinze ans. De toute façon, la vraie question n’est pas de savoir quelle quantité d’or noir il reste sous nos pieds, mais à quel prix nous sommes prêts à l’extraire.
L’opération devient en effet de plus en plus chère car plus complexe : on va chercher la matière toujours plus en profondeur, on explore les sables bitumineux et jusqu’à l’Arctique. Le pétrole saoudien coûte moins de 20 dollars à extraire, le schiste américain entre 60 et 80 dollars, et celui qui proviendra bientôt du Kazakhstan atteindra 125 dollars le baril. Le problème ? Au-delà d’un certain prix, situé entre 120 et 150 dollars au maximum, la demande flanche.