(1/2) Il est toujours intéressant d’écouter des avis très différents du sien... Alors oui, j’ai adoré Guerre parce que de nombreux passages sont du pure génie célinien et qu’il présente l’intérêt de lire une genèse de son travail d’écrivain... Mais j’ai quand même beaucoup de réserves sur cette analyse... En effet, nous sommes très loin de l’acmé du style et de la "musique" des géniaux Mort à crédit,Féérie (grâce auquel j’ai vraiment l’impression d’avoir réellement vécu un bombardement !) ou encore de sa géniale trilogie finale D’un château l’autre, Nord, Rigodon... Il se définissait lui-même comme un pure styliste, et mon intuition est qu’il n’aurait guère goûté la publication de ce premier jet... Mais cela peut, peut-être, initier à la grande littérature des "petits lecteurs" (et je dis cela sans aucun mépris).
Parmi les passages les plus beaux, il aurait été possible, de mon point de vue subjectif (pléonasme...), de citer également :
"J’ai entendu les cloches de neuf heures et puis y a eu un coup de canon pas très loin et puis un autre, et puis plus rien. Sauf le train habituel des roulements de camions et puis la cavalerie et le chuchotage énorme des pieds de biffins qui monte le long des murs quand un bataillon passe. Un sifflet à la gare. Fallait que j’arrange tout ça dans ma tête avant de pouvoir dormir, que je repousse l’angoisse de ne plus dormir jamais,que j’agglomère mes bruits à moi, toute ma batterie d’oreille, avec ceux du dehors et qu’à petits coups j’arrive à faire une heure, deux heures, trois, à l’inconscience, comme on soulève un poids énorme et qu’on laisse retomber, pour faillir encore dans une énorme déroute. On pète alors, on pense plus qu’à crever, on revient à la charge du sommeil comme les lapins traqués au cours de la chasse, contre un fossé, qui laissent ça là, n’insistent plus, repartent, espèrent encore. C’est pas croyable comme torture l’univers du sommeil. " (pp.119-120)
Ou encore le paragraphe final :
"Destinée je l’ai jamais revue par le fait. J’ai jamais même eu de ses nouvelles. Les patrons de l’Hyperbole ont sûrement fait fortune alors ils l’ont virée. C’est drôle y a des êtres comme ça ils sont chargés, ils arrivent de l’infini, viennent apporter devant vous leur grand barda de sentiments comme au marché. Ils se méfient pas, ils déballent n’importe comment leur marchandise. Ils savent pas comment présenter bien les choses. (suite)
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