Il serait peut-être temps de prendre exemple sur les restaurateurs italiens. La peur du gendarme est une chose, la peur de la mort (économique) devrait lui être supérieure...
Les restrictions sanitaires ont forcé les commerçants à repenser leur activité. Au bord de la faillite, à la peine ou ayant réussi à tirer leur épingle du jeu, ils ont accepté d’ouvrir leur comptabilité à franceinfo. Cédric, restaurateur à Voiron, près de Grenoble, dresse le bilan de son année 2020.
- La politique de la chaise vide
« L’année 2020 a anéanti cinq ans de travail à bosser sept jours sur sept. Cinq ans de ma vie », souffle Cédric Lavignac, gérant de deux restaurants à Voiron, en Isère. Jusqu’à l’épidémie de Covid-19, le parcours du quadra s’apparentait pourtant à une success story.
En 2015, cet ancien directeur financier dans la grande distribution rachète une brasserie appartenant à la chaîne la Taverne de Maître Kanter, et la transforme en pub-restaurant de 140 couverts, à la cuisine « 100% maison ». L’affaire prospère : son établissement, Hyde Park, devient « le plus gros restaurant de Voiron, devant le MacDo ! », assure-t-il. En 2017, il remporte même une récompense de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih), principal syndicat du secteur.
La femme de Cédric, Élodie, fille de restaurateurs, quitte à son tour son emploi dans le contrôle de gestion et le rejoint en 2018. Et le couple voit grand : en 2019, il rachète le petit restaurant de montagne voisin, et signe, début 2020, un compromis de vente pour un troisième établissement. Mais l’épidémie de coronavirus stoppe net leur lancée.
Après une année amputée de presque cinq mois d’ouverture, Cédric Lavignac décrit une « situation financière dramatique ». Le couple, parent de deux enfants de 6 et 9 ans, vit désormais sur son épargne et envisage pour la première fois que ses restaurants puissent fermer dans les mois ou les années à venir. Il n’est pas le seul. Plus de 65 % des patrons de bars, restaurants ou hôtels craignent que le second confinement « puisse condamner » leur établissement, assure une enquête syndicale publiée en novembre. Le restaurateur isérois a accepté d’ouvrir ses comptes à franceinfo, et tire le bilan d’une année plombée par le Covid-19.
« Les chiffres de l’année, je ne les ai même pas regardés »
C’est le montant le plus douloureux, celui qu’il ne veut pas calculer. « Je vous avoue que les chiffres de l’année, je ne les ai même pas regardés, souffle le restaurateur. Quand on est chef d’entreprise, on aime se décarcasser. Mais en ce moment, vu ce qu’on nous impose, on n’a même plus envie... »
Entre 2019 et 2020, le chiffre d’affaires du principal restaurant de Cédric Lavignac, Hyde Park, a été divisé par deux, passant de 1,8 million d’euros à 960 000 euros.
Pour que l’établissement survive, ce montant doit absolument retrouver son niveau d’avant-crise d’ici 2022, note l’entrepreneur. À cette date-là, « il faudra faire suffisamment de résultat d’exploitation pour financer nos emprunts qui étaient déjà en cours, plus le prêt garanti par l’État [voir ci-dessous] », souligne-t-il.
« Si c’est pour faire le même chiffre d’affaires qu’entre les deux confinements, on est morts d’ici deux ans »
Une nécessité d’autant plus fondamentale pour le couple, qui est caution sur ses biens personnels des emprunts bancaires réalisés pour lancer ses deux restaurants.
« J’ai dû piocher dans ma trésorerie »
À Hyde Park, le plus grand des deux établissements de Cédric Lavignac, les « frais généraux » (loyer, factures, maintenance, expert-comptable...), sans les marchandises ou les salaires, représentent environ 26 000 euros par mois, dont 5 700 euros de loyer, et 3 100 euros de factures. À ces frais s’ajoutent, chaque mois, 12 300 euros de mensualités pour rembourser les emprunts contractés au lancement du restaurant. Tous ces frais – à hauteur de 38 300 euros, donc – sont « incompressibles », et sont nécessaires pour faire tourner le restaurant, rappelle le gérant.
Pour continuer à payer cette ardoise en période de confinement, le commerçant a mis en place la vente à emporter. Mais « ça nous coûte souvent plus cher d’être ouvert que fermé », déplore-t-il. En cause : la taille du restaurant, et les charges qui y sont associées. « Ce midi, j’ai encaissé 110 euros de repas. Ça ne couvre même pas l’électricité et le gaz nécessaires à faire fonctionner la cuisine, sans parler des marchandises… » Quant à son second restaurant, « la carte, principalement composée de raclettes et de fondues n’est pas adaptée à la vente à emporter », qui n’a donc pas été mise en place. Résultat : Cédric Lavignac se dit « asphyxié par tous [s]es coûts ».
« Pour nous, c’est impossible de survivre »
Les aides du gouvernement n’étaient jusqu’à présent pas calibrées pour les établissements comme le sien, dont les charges fixes sont importantes, estime en outre le restaurateur. Le fonds de solidarité, de 1 500 euros mensuels lors du premier confinement, peut, depuis octobre, atteindre 10 000 euros pour les entreprises les plus touchées par l’épidémie. Et depuis décembre, cette aide peut être remplacée par une indemnisation de 20 % du chiffre d’affaires du même mois en 2019. Pour Cédric Lavignac, cette aide représentera, quand il la touchera, environ 30 000 euros mensuels. « Je ne vais pas cracher dans la soupe, c’est déjà ça, soupire le gérant. Mais ça arrive après des mois où on n’a rien eu, et où j’ai dû piocher dans ma trésorerie et mes emprunts. Donc, ça ne comblera pas le trou. »
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