Mais avant d’analyser les raisons de cette tendance contemporaine, il nous faudra d’abord étudier ce qu’est concrètement une Révolution du point de vue historique, sociologique et juridique. On s’interrogera sur les conditions qui justifient la révolution, l’analyse de certaines occurrences historique, de ses dérives possibles aussi, avant de soulever l’éventualité actuelle d’un tel recours.
I. La notion de révolution, aspects sociologiques, historiques et juridiques.
La révolution, concrètement : elle n’existe pas sans "liquidation" des éléments de conservation de l’ancien régime.
Une révolution consiste en un changement drastique des valeurs, des normes, des principes du gouvernement et partant, de la société, au cours d’un processus historique de substitution d’une conscience de pouvoir par une autre, avec l’intervention d’une partie du peuple insurgé.
Concrètement, une révolution ne peut se faire sans rapport de force, qui vire parfois à la violence, même symbolique. Tout pouvoir doit réagir rapidement aux rébellions (que le Code pénal réprime), aux attroupements (qui doivent être maîtrisés par la puissance publique du fait d’un régime de "responsabilité sans faute" de l’État en cas de dommage lors des attroupements), aux complots vrais ou supposés, au terrorisme, aux actions violentes, aux menaces à la sûreté de l’État ou à l’ordre public. Cette mission régalienne tout à fait légitime (la sûreté est l’un des quatre droits naturels inaliénables énumérés à l’art. 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen - DDHC - de 1789) peut être retournée contre ses principes, dès lors que le pouvoir et son système de domination se sent menacé. Une sorte de course s’engage généralement au début des révolutions entre insurgés et forces de l’ordre pour avoir l’avantage sur les esprits d’une part, et sur le "champ de bataille politique", qu’il s’agisse de l’Assemblée ou de la rue, voire des lieux de pouvoirs. À l’été 1789 et par la suite, c’est bien la faiblesse du pouvoir exécutif devant les premières révoltes des députés du Tiers-État qui a ouvert la brèche dans laquelle les révolutionnaires, au péril de leurs vies, se sont engouffrés.
Mais face à un tyran ou face à une oligarchie prête à utiliser la violence pour sauvegarder son pouvoir contesté, que pourrait faire le peuple ?
Dans une société démocratique où les principes nés d’anciennes révolutions sont progressivement abandonnés sans le dire, une révolution contemporaine viserait plutôt à revenir aux principes fondateurs (républicains, démocratiques, laïcs, solidaristes, universaliste, rationnel, vérité d’information), érodés par l’oubli progressif des conditions à partir desquelles ces principes ont été perçus comme nécessaires à un moment de l’Histoire, par une majorité du corps social et leurs représentants.
Ce phénomène d’érosion des principes fondateurs est un classique de la pensée aristotélicienne. La démocratie est amenée progressivement vers l’oligarchie par un jeu de captation par une élite toujours plus restreinte (chômage, cooptation, népotisme). Ce phénomène est accéléré lorsque les individus, parvenus à un atomisation complète du fait du confort démocratique, de l’individualisme et du cloisonnement social (que le communautarisme favorise, tout comme la télévision), sont atteints de ce que l’on pourrait appeler le « syndrome de Tocqueville » : ils ne sont plus capables de faire valoir la souveraineté du peuple. Lorsque cette oligarchie dispose de moyens techniques suffisants, le niveau de domination qu’elle est susceptible d’exercer ressemble à ce qu’Emmanuel Goldstein décrivait dans 1984 de Georges Orwell : un pouvoir qui ne peut plus être renversé, et dont la domination et la reproduction devient totale et éternelle ; c’est l’aboutissement de l’idée de pouvoir et de son corollaire : la nécessité de s’y maintenir (par un individu, ou une classe).
La révolution, historiquement
Des rassemblements populaires massifs qui ne cessent pas, une grève générale, et des barricades, jusqu’à ce que le pouvoir tombe, c’est comme cela qu’historiquement toutes les révolutions se sont faites : 1789 [e serment du jeu de paume (26 juin), la "Grande peur" dans les campagnes (début juillet), la prise de la Bastille (14 juillet), l’abolition des privilèges (4 août), la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (26 août), la marche des femmes à Versailles (5 octobre)], 1792 [journée du 10 août - cf. infra], 1830 [journées des 28,29,30 juillet où Charles X ainsi que Louis XIX sont contraints à l’abdication], 1848 [où les banquets républicains, interdits, entraînent les révoltes de février-mars qui créent la IIe République], 1870 [prise du pouvoir par les Républicains suite à la défaite de Sedan - je considère la Commune comme un dérapage de la mise en place de la République de 1870 et suis donc bien "bourgeois" au sens marxiste, mais ma position est sur ce point discutable] et même 1944 car le Général de Gaulle est parvenu à franciser au maximum la destitution de l’autorité de fait dit "État français" (ordonnance du 9 août 1944).
À chaque fois tout d’abord, il y avait conjonctions de multiples forces d’oppositions. Base révolutionnaire classique formée des éléments « idéologues pro-révolutionniares » (les Babeuf, Buonarroti, Blanqui durant les diverses révolutions du XIXe siècle), peuple affamé des villes mis en état d’insurrection. Le ralliement d’une partie des bourgeois éclairés de la menace aux libertés est généralement une étape obligée. C’est peut-être ce qui se passe actuellement. La frange « bobo du net » bascule. Mais c’est loin d’être suffisant. À un moment donné, un rapport de force se met en œuvre entre forces de l’ordre fidèles au régime et opposants rassemblés. C’est l’insurrection et l’appel aux armes, et le moment décisif où les révolutionnaires prennent ou non les « lieux » de pouvoir, laissant ou ne laissant pas s’échapper le pouvoir. En général on les laisse partir. Mais pas toujours. Souvenez-vous du procès Ceucescu.
Il faut également insister sur le rôle de certains réseaux « étrangers » qui ont intérêt à favoriser le trouble et la subversion dans une nation concurrente. C’est ainsi que certains révolutionnaires français étaient soutenus par des réseaux de banquiers suisses (les Perregaux notamment) liés à des intérêts anglais et émigrés. Il n’est pas impossible que le réseau voltaire soit devenu, financièrement lié à des réseaux russes, latino-américains ou moyen-orientaux à mesure que les éléments qu’il avait mis en avant s’étendaient, tout comme Marat le fut par ces réseaux anglo-suisses parce que L’Ami du peuple, son journal, échauffait les esprits et favorisait les insurrections. Les mêmes réseaux de financement propagandiste existent du côté de la presse alignée. Les médias deviennent l’enjeu d’une vaste lutte pour l’influence de divers réseaux « back office ». Les groupes militaro-industriels ont tout intérêt à acheter les médias alignés pour instiller une orientation de l’information qui leur soit favorable. Mais toutes sortes d’intérêts peuvent rechercher un accès à l’influence par divers modes d’information. On l’a vu également durant les révolutions « des roses » en Géorgie et « orange » en Ukraine, où les groupes d’activistes étaient soutenus, formés et financés par divers réseaux de financements atlantistes (la National Endowment for democratie - organe de la CIA d’externalisation des aides aux groupes favorables à l’idéologie atlantiste). Il s’agissait au travers de ces opérations subversives néo-cons de réactiver la politique de « containement » au moyen d’un cordon sanitaire qui irait de l’Afghanistan à l’Ukraine.
À chaque fois ensuite, il y a bien substitution d’une "conscience de pouvoir" par une autre. Je n’intègre pas dans cette liste Mai-68 qui n’a pas entraîné cette substitution, car elle était une révolte de jeunes gens récemment éveillés à une chose politique mal maîtrisée, une forme de libertarisme (tout à fait compréhensible dans la société conservatrice des années 60), liée à l’importation mal maîtrisée de l’idéologie américaine "anti-guerre du Vietnam" - guerre à laquelle nous ne participions heureusement pas (cf. le discours de Phnom Penh de 1966 sur http://www.ina.fr). Même si la génération de 68 a pris les commandes légalement par "l’avancement" classique. L’appel de Sarkozy à la liquidation de l’héritage de Mai-68 est une forme de substitution des consciences de pouvoir de cette génération, un révolution en quelque sorte, ou plus précisément une contre-révolution.
Pour donner un exemple de cette "substitution" et de ses dérives possibles, on citera Marat et le contexte des événements du 10 août 1792, véritable coup d’État où le peuple et la Commune insurrectionnelle de Paris, aidés par des milliers de fédérés (militaires patriotiques et non-royaux arrivés en masse à Paris de la province pour faire face à l’invasion autrichienne), en réponse au "manifeste de Brunswick" menaçant Paris de destruction en cas d’atteinte au roi. Les insurgés encerclent les Tuileries, obligent le roi à se rendre à l’Assemblée. Celle-ci réagit - "considérant que les périls de la nation sont parvenus à leur comble" - par la création d’une "Convention nationale" (effectivement mise en place au lendemain de la victoire de Valmy le 21 septembre 1792) puis « suspension du chef du pouvoir exécutif jusqu’à ce que la Convention nationale se soit prononcée sur les mesures qu’elle croira devoir adopter pour assurer la souveraineté du peuple, et le règne de la liberté et de l’égalité ».
Quelques semaines avant le 10 août 1792, Marat donc, déclarait à la tribune des cordeliers que "1 000, 2 000, 10 000 têtes doivent tomber ici, en France" ( !). Trois semaines après le 10 août, ce sont les massacres de septembre (des milliers de morts dans les prisons et hôpitaux) où la Révolution révèle son obscurité. Après un retour au calme relatif pendant trois mois, la décapitation du roi Louis XVI puis la création du tribunal révolutionnaire en mars 1793 a déclenché la Terreur ; c’est là que Marat demande cette fois 100 000 têtes ( !) à l’Assemblée, "l’épouvante paralysera nos ennemis" s’écrie-t-il avant d’être le premier à passer devant le Tribunal révolutionnaire, qui l’acquittera. "Si" la révolution avait pu s’arrêter après la mort du roi et se limiter à quelques ci-devants ultra-conservateurs, elle aurait gardé une image pacifique. Au contraire, elle a donné des arguments aux conservateurs lors de l’Empire (où la guerre assurera la paix intérieure) et de la Restauration (où les réseaux conservateurs joueront longtemps sur la peur des débordements révolutionnaires). Assurément, une Révolution contemporaine devrait à tout prix éviter les débordements de ce type. Mais il faut bien que les éléments qui sont "dépendants" ou "serviteurs" du système actuel soient écartés, sans quoi il n’y a pas de révolution. "Les aristocrates à la lanterne" (la lanterne signifiait "la pendaison") chantaient les sans-culottes en entre 1789 et 1794 ; "ce soir, l’ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes", chantaient les résistants entre 1941 et 1944.
La notion de "conscience de pouvoir" peut permettre d’approfondir la compréhension de ce qu’est précisément une révolution : une substitution d’une telle conscience par une autre.
Une conscience de pouvoir est tout simplement un esprit qui dirige, sur un territoire administratif donné. En monarchie la conscience du pouvoir est la conscience individuelle, intérieure et inaccessible du roi. En démocratie, la conscience du pouvoir est collective, extérieure et délibérative. Mais cette notion est plus adaptée pour les monarchies et les dictatures (le plus souvent objets de révolution), car c’est dans ces régimes que l’incarnation du pouvoir est la plus exclusive et la plus identifiée à une seule conscience, un seul esprit, c’est là que le for intérieur du prince est le plus décisif dans les décisions d’État.
Sous l’Ancien Régime, l’esprit du roi était à la tête d’une matrice humaine et administrative extérieure à lui, dirigée par son intériorité mentale unique. Il était le seul à disposer de toutes les diverses sources d’information de son royaume, et sa pensée intérieure orientait l’organisation, l’action, les valeurs, et les orientations stratégiques ou morales de l’ensemble de son administration qui le servait. La conscience est intériorité, les administrations sont l’extériorité exécutoire de la conscience de pouvoir. Il ne l’avait pas choisi, mais sa conscience était, par la logique du droit canon et de la loi de primogéniture mâle, celle du pouvoir, qu’il le veuille ou non selon la logique purement contingente de la naissance.
Être "conscience de pouvoir" implique une foule de rites, de comportements, de décisions, par lesquels l’ensemble de ses "satellites" sont mus (ses satellites = l’ensemble des administrations qui informent le roi et exécutent les décisions de sa conscience de pouvoir). Notons de ce point de vue que la conscience de pouvoir est objet de projections par ses agents. En effet, ces derniers doivent pour accomplir leur tâche, en permanence, réaliser « ce qu’ils pensent que veut la conscience de pouvoir ». En ce sens, la conscience de pouvoir est toujours à la fois exclusive (à l’intérieur de l’esprit du « prince ») et reproduite en toute personne qui s’interroge sur les intérêts de l’État et du peuple régis par cette conscience de pouvoir. En ce sens, il faut noter que la conscience exclusive de pouvoir, le roi, est elle-même prisonnière d’un au-delà d’elle-même qui la détermine, à savoir le système administratif préexistant, mis en place par ses prédécesseurs, dont il n’est, avant de devenir conscience de pouvoir, qu’un rejeton fragile.
Du point de vue de la conscience de pouvoir, une révolution est similaire à une annexion, ou à un putsch : la conscience de pouvoir est remplacée par une autre conscience de pouvoir. En tant qu’intériorité mentale, la conscience de pouvoir monarchique n’est pas transparente à l’extériorité (les "sujets" en monarchie - d’où l’arbitraire du pouvoir - ou les "électeurs" en démocratie - d’où les "promesses qui n’engagent que ceux qui les croient"). De tout ceci découle qu’en cas de révolution, nul ne peut savoir la nature de la conscience de pouvoir qui remplace l’ancienne.
Mais avant d’abandonner, ou d’abdiquer une conscience de pouvoir est capable de violence légitimée est capable d’user de grande violence. C’est d’ailleurs souvent lorsqu’elle est fatiguée du sang versé qu’elle se laisse submerger par la vague révolutionnaire. À moins qu’elle ne sache, comme le fait normalement la démocratie, canaliser la conscience d’opposition. Dans un régime de type démocratique, la révolution revient à l’œuvre lorsque, elle n’intègre plus l’opposition comme c’est normalement la vertu d’un tel régime, lorsque ses médias perdent leur pluralisme et répercutent une propagande de guerre, biaisée, stigmatisante, inquisitoriale.
L’effectivité toute relative du droit de résistance à l’oppression
Car entre les chevaux et mousquets des gardes suisses du XVIIe siècle et la panoplie militaro-policière des forces de l’ordre contemporaines, il y a un écart important. On peut de ce fait se demander quelle est aujourd’hui l’effectivité du quatrième "droit naturel inaliénable" énoncé à ce même article 2 de la DDHC (la résistance à l’oppression) ? C’est une question juridique qui a une réponse politique et historique. Ce qui fait une réponse insatisfaisante sur le plan juridique :
Soit la révolution réussit, cet article devient validé ;
Soit elle échoue, et c’est qu’elle n’était rétrospectivement pas légitime.
L’effectivité de cet article n’existe qu’a posteriori en cas d’utilisation réussie, du fait, non d’une procédure judiciaire, mais d’un rapport de force politique voire militaro-insurrectionnel.
De l’autre côté, la Constitution de la Ve République donne au président par l’article 16 la possibilité de prendre tous les pouvoirs pour faire face à une situation où les pouvoirs publics constitutionnels ne pourraient plus fonctionner... Une véritable révolution française aurait-elle été possible avec l’article 16 de la Constitution de la Ve République. Disons que l’usage d’un tel article pourrait avoir pour effet de basculer d’une gestion démocratique à une gestion dictatoriale la conduite d’une telle révolution ; les digues démocratiques cédant, un tel usage pourrait faire basculer le rapport de force vers la violence mutuelle.
La boucle rétroactive de la violence révolutionnaire, et la possibilité d’une révolution pacifique
Il n’y a pas de révolution sans violences, tout simplement parce que le pouvoir, face aux mouvements de masses, envoie des forces de l’ordre qui, elles, utilisent généralement la violence la première. Il ne serait d’ailleurs pas étonnant que l’article 16 de la Constitution de la Ve République soit utilisé, qui donne tous les pouvoirs au président de la République. Une telle instrumentalisation scellerait la guerre civile entre l’autorictas (le pouvoir) et la potestas, (la souveraineté du peuple, source de toute légitimité politique).
Face à cette violence militaro-policière, comme le disait Camille Desmoulins le 12 juillet 1789 : « Citoyens, il n’y a pas un moment à perdre. (...) Il ne nous reste qu’une ressource : c’est de courir aux armes et de prendre les cocardes pour nous reconnaître ». 150 ans plus tard, on chantera : « Ami entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne. Ce soir l’ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes. Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades. Chantez compagnons, dans la nuit la LIBERTE vous écoute ».
Au "réalisme" des défenseurs du système, il faut opposer un "réalisme" anti-système, et pas une vague utopie d’espérance en un grand changement subit. 10 000 têtes dirigent ce pays au sein de groupes médias concentrés qui formatent une idéologie unique qui exclut la dissidence et au sein de quelques conseils d’administrations qui ont financé et aidé le clan au pouvoir à y parvenir. Ces personnes ne reculeront pas, et comptent sur l’immobilisme du peuple, sa myopie systémique, son cloisonnement et son atomisation sociale face à la télévision, son incapacité à former une masses compacte de centaine de milliers de citoyens prêts à tout pour récupérer leurs droits, et ramener ce pays à la décence morale, à l’indépendance extérieure, à la PAIX, à la défense de ses propres intérêts et non pas au service des desideratas d’une puissance étrangère qui, face au déclin, est entré dans une course autodestructrice au maintien de l’hégémonie. Ils comptent sur le cloisonnement des informations : tout ce qui ne passe pas par la télé est discrédité comme "rumeur", même quand elle consiste en des faits enregistrés sur vidéo, comme l’ensemble des éléments factuels qui contredisent la version officielle des attentats du 11-Septembre. C’est bien pourtant la rumeur populaire, ce grondement sourd du peuple criant son ressentiment qui lui permet de se rassembler face à l’absolutisme du pouvoir sur les esprits.
Si une telle révolution est engagée en France, il est possible qu’elle continue aux États-Unis, car, là-bas aussi, le peuple trahi par les "réseaux septembristes" contient une bonne partie de gens prêts à tout pour faire changer ce système proto-totalitaire.
Et ce n’est pas un Mai-68 qu’il nous faut, loin de là, c’est un 1789, avec masse populaire compacte et prête à se défendre sans transgresser les règles de respect des personnes et des biens ; non pas des casseurs de magasins et de commerces, mais des défenseurs de la liberté devant les tazers et les gaz lacrymogènes des policiers collaborateurs - à distinguer des policiers patriotes et citoyens, nombreux (la police est la profession la plus syndiquée, 70 % des policiers le sont), ou des militaires qui veulent un retour à la doctrine traditionnelle de la France en matière d’indépendance nationale.
II. Une révolution, aujourd’hui ? Pourquoi, comment, jusqu’où ?
Les raisons d’une radicalisation soudaine
On pourrait citer, en France, la radicalisation des esprits depuis le 6 mai 2007 en réaction à de nombreuses déclarations, comportements, mesures législatives et réglementaires injustes et inefficaces, les rebondissements bellicistes d’Afghanistan et l’inflexion atlantiste, la concentration extrême des médias possédés par des groupes d’armement ou en contrat avec l’État, qui orientent de plus en plus ostensiblement la teneur de l’information dans le sens de leurs intérêts et de leur idéologie propre, à l’exclusion de tout autre. S’ajoute à ces raisons morales la crise économique et financière qui altère la confiance des plus fidèles soutiens du système et qui irrite le grondement populaire.
D’autre part, le pouvoir coercitif croissant de ce qu’il faut bien appeler les lobbies communautaristes victimaires (religieux, ethniques, identitaires) radicalise les positions et impose le droit à la différence ostensible, au mépris du droit à l’indifférence, gage de sérénité dans l’espace public. Les digues républicaines propres à assurer la cohésion sociale cèdent, et l’on va compenser cela par une stratégie sécuritaire de la terreur institutionnalisée, du double discours politiquement correct, et de la chasse aux sorcières permanente. La liste des exécutions de la contre-révolution s’allonge : Daniel Schneidermann, Marion Cotillard, Siné, Bertrand Coq, Jean-Marie Bigard, Alain Soral, Richard Labéviaire, Jean-François Deniau, Dieudonné, et finalement tous ces internautes qui les soutiennent à chaque fois. Dernier « muté » pour parole libre, Patrick Pelloux, syndicaliste hospitalier, pourtant modéré et non conspirationiste, mais brillant par sa médiatisation, sa liberté de ton, et son combat pour l’amélioration des conditions hospitalières, gage d’efficacité pour les personnels et de sécurité pour les patients.
Les tenants de la propagande du choc des civilisations sont tout simplement au pouvoir. Les figures de proue médiatiques de ce mouvement guident les orientations de la presse alignée : BHL, Caroline Fourest, Alexandre Adler, Philippe Val, Christophe Barbier, Claude Askolovitch, Laurent Joffrin, Géraldine Muhlmann, Claude Bacharan, Alain Finkelkraut, Pascal Riché, Taguieff, Jean-Michel Apathie, Olivier Duhamel, Jean Guisnel, Antoine Vitkine, Robert Ménard. Les moutons suivent : Morandini, MOF, Carlier, Alphonsi, Ariel Wiseman, Dupont-Monod, etc. Tous participent consciemment ou inconsciemment de cette omerta et mènent une croisade conservatrice de l’occidentalisme et du choc des civilisations sous l’égide de l’Empire américain et de ses ramifications.
Le journalisme citoyen est maintenant "ce dont il faut tordre le cou", aux dires de Clara Dupont-Monod, chroniqueuse dans une émission qui s’est à plusieurs reprises illustrée par ses falsifications des faits sur les attentats du 11-Septembre. Le 11-Septembre 2001, c’est assurément là que se joue le cœur latent du problème…
La remise en cause de la version officielle devient révolutionnaire face au mur de l’omerta
La révolte « conspirationiste » naît de l’omerta généralisée des médias et des pouvoirs constitués sur quelques faits qui remettent en question la version officielle des attentats du 11-Septembre et ce qu’ils justifiaient officiellement sur le plan du droit domestique et international (Patriot Act, SWIFT Act, guerres en Afghanistan et en Irak, pénétration caucasienne, Guantanamo, vols secrets en Europe, usage de la torture).
Ces faits sont l’absence (a) d’enquête criminelle ; l’absence (b) de reconstitutions des avions ; l’absence (c) de Boeing 757 visible sur les vidéos publiées par le Pentagone en 2006 à la demande de l’association Judicial Watch ; l’absence (d) d’explication plausible de l’effondrement "parfait" de la troisième tour, le W T C 7, non touchée par un avion, à la vitesse de la chute libre, de la même façon que les deux tours jumelles, autrement que par l’hypothèse de la démolition contrôlée. Cette dernière hypothèse semble confirmée par les séries d’explosions audibles avant la chute des tours sur le film 911 eyewitness prise à quelques centaines de mètres des tours et par divers témoignages de gens parlant d’explosions secondaires, ainsi que par les éjections à près de 70 mètres de débris des tours. Larry Silverstein admettra sur PBS en 2003 que les pompiers de New York et lui auraient pris la décision de démolir le bâtiment avant de se rétracter, provoquant une polémique linguistique sur la signification de l’expression « pull it »… Quant aux opérations boursières visant la baisse des compagnies aériennes avant les attentats, la Commission 911 a déclaré que "ces responsables de ces opérations étant des Américains non liés à Al-Quaïda, il ne s’agissait pas de délits d’initiés".
Remettre en cause la version officielle du 11-Septembre n’équivaut pas à adhérer à la thèse du complot intérieur. La thèse de l’inside job gouvernemental n’est qu’un « courant » conspirationiste parmi d’autres. La thèse du « let it happen on purpose (LIHOP) » fédère les « modérés » du Truth movement. La thèse de la complicité intérieure de réseaux septembristes qui auraient favorisé, financé, profité, aggravé et militarisé les attentats qui faisaient intervenir de vrais existe, est portée par Webster G. Tarpley, mais tous les conspirationistes n’adhèrent pas nécessairement à cette thèse. Les conspirationistes veulent d’abord, avant tout, et uniquement la réouverture d’une enquête, et surtout que tous les faits et toutes les hypothèses soient discutés. Problème, même les plus modérés d’entre eux sont discrédités sans examen des faits par quasiment l’ensemble de la sphère dirigeante et notamment médiatique. Et lorsque certains parmi eux brisent le silence, ils sont écartés, licenciés, privés de promotion, censurés, stigmatisés, en évitant méticuleusement de faire référence aux faits sur lesquels se fondent les « conspirationistes ».
Le conspirationisme est un humanisme
Il ne s’agit pas de croire en une « religion » du complot ni de croire en un « grand complot direct mondial, comme l’affirmait un journaliste de Libération, il y a un an, ni de se laisser aller à attendre une déclassification des archives qui n’arrivera jamais. Il s’agit simplement d’organiser à l’antenne un débat contradictoire sur les faits et les archives disponibles sur ce sujet, et qu’une enquête criminelle soit mise en place. Mais ces simples demandes, qui sont normalement la norme dans tout autre événement criminel, produit au sein des médias traditionnels un déchaînement de stigmatisations et de diffamations.
Le conspirationisme révèle le mensonge d’une oligarchie mondialiste - une "aristocratie mondialisée" comme le disait Lionel Jospin dans son dernier ouvrage - et combat pour le rétablissement de la vérité, de la justice criminelle, pour la démocratie, et plus que tout, pour que "2 + 2 ne soit jamais égal à 5" parce que le pouvoir le décréterait. Le conspirationisme veut arrêter le sens autodestructeur de l’orientation que l’internationale néo-conservatrice veut imposer aux peuples du monde entier, sans leur consentement formel. On retrouve le même combat qu’à l’époque de la Réforme où l’orthodoxie catholique des XVe et XVIe siècles et les autorités morales stigmatisaient l’usage du libre examen, tout comme elles le font aujourd’hui face à "l’investigation sur les attentats du 11-Septembre".
L’échec des idées « d’Europe puissance » et « d’Europe régulatrice de la globalisation » a fait s’écrouler l’espoir d’une souveraineté européenne qui fasse contrepoids aux autres puissances. Les peuples seuls face à l’Empire ?
L’incapacité de l’Europe à s’imposer comme contre-pouvoir géopolitique a illustré sa faiblesse, au moment même où elle devenait première puissance économique mondiale. Elle a donné l’impression de s’agenouiller devant les impérialismes croisés, s’imposant elle-même des contraintes si fortes qu’on les dirait guidées de l’extérieur. Les Etats membres continuent de se diviser sur les orientations stratégiques, les uns prônant l’indépendance, les autres l’alignement à Washington. Les projets militaro-industriels structurants se font avec les Américains (cf. notamment le projet de F-35) et non pas entre Européens, ce qui retarde d’autant la création d’une éventuelle Europe puissance digne de ce nom. Et si l’Europe détenait la puissance, elle pourrait exercer un contre-pouvoir certain aux impérialismes, en influençant le monde dans le sens d’une confraternité pacifique mondiale régulée par le droit international.
Sur le plan économique, nous nous sommes liés les mains. L’indépendance de la Banque centrale européenne et son unique objectif de lutte monétaire contre l’inflation lui fait afficher des taux directeurs élevés alors que la situation économique européenne appellerait à une injection monétaire dans l’économie et à une forte relance contra-cyclique. L’incapacité à coordonner les politiques économiques nationales encore la faiblesse du budget européen (1,04 % du PIB européen - 11 000 Md€ - soit 120 Md€) illustre les contraintes que l’Europe s’impose. Les autres « ensembles civilisationnels », américains, chinois, russes, ne se contraignent aucunement de cette façon. Comme si l’Europe abdiquait devant toute idée de souveraineté économique, politique et militaire, devant les autres souverainetés impériales des autres ensembles géographiques.
Dès lors, face à une logique géopolitique qui ne connaît pas de contre-pouvoir internationaux, seuls les peuples peuvent en dernier ressort se réapproprier leur souveraineté. Ils l’ont fait une première fois le 29 mai 2005. Au vu du traitement ultérieur du non, méprisé par un nouveau traité qu’on a essayé de faire passer en catimini, et que seul le peuple irlandais a pu, en Europe, contester, il se peut que la future réplique du 29 mai soit d’une nature différente… Assurément, le peuple gronde, devant "l’avatar contemporain du mythe de la caverne réalisé".
L’ensemble de ces éléments favorise la jonction des nonistes et des conspirationistes, avec tous les nouveaux exclus du système, et finalement avec tous les hommes libres inquiets de l’inflexion orwellienne imposée par l’internationale néo-conservatrice.
C’est à l’union de toutes les forces mondiales qui luttent contre ces impérialismes et pour la paix que peut parvenir la contestation de la version officielle. Le renfermement sur elle-même de l’élite mondialiste favorise une vaste conjonction de toutes les forces de contestation. En France, il faut unifier toutes les forces de résistance à cette menace à la liberté, à l’égalité et à la souveraineté des peuples. Que ceux du Parti socialiste qui contestent qui affirment avec Mélanchon que le 11-Septembre ne justifie pas la guerre en Afghanistan s’unissent aux nonistes du PS et doivent discuter à nouveau avec les chevènementistes, avec les jospiniens, avec les « néo-aubryistes ». Il faut que toutes ces forces discutent et se rassemblent avec les républicains enragés du MoDem, avec les écologistes, qu’ils soient du « pôle écologiste », de Cap 21 ou des Verts. Ceux de la gauche altermondialiste, communiste, trotskiste et « josé-boviste » doivent parler avec ceux de Debout la République de Dupont-Aignan, sans haine ni exclusion. Même ceux d’Egalité et réconciliation doivent être entendus, même s’il est contestable que ce courant rejette les droits de l’homme sans distinguer son instrumentalisation mondialiste de leur utilisation républicaine effective. Les anti-sarkozystes de « Ni putes ni soumises » doivent fraterniser avec les anti-communautaristes de SOS-Racisme. Les laïcs francs-maçons doivent ouvrir le débat aux laïcs athées, agnostiques, rationalistes, aux philosophes de l’autonomie. Les musulmans non pratiquants doivent s’unir aux juifs laïcs et aux chrétiens modérés pour faire reculer la religiosité fanatique.
Toutes ces forces doivent discuter, sans taire leurs différences, mais en pointant comment le mondialisme détruit progressivement les tissus sociaux, les solidarités, l’indépendance d’esprit, le pluralisme démocratique, la souveraineté et la paix entre les peuples, et finalement, les droits de l’homme. Un front de la résistance pourrait prendre des formes tout à fait inédites, si tous ces courants parvenaient à briser l’omerta sur le 11-Septembre, sur le mondialisme, et sur la captation des intérêts publics des Etats nations par des réseaux privés et extérieurs.
Ce qui arriverait en cas de révolution contemporaine et les conséquences possibles de son absence
L’ensemble de la superstructure politico-médiatique ayant collaboré avec le néo-conservatisme américain serait liquidée. Le complexe militaro-industriel "septembriste" est conglomérat de néo-conservateurs, de fanatiques religieux (quelle que soit la religion, islamique, sectaire, catholique ou judaïque) et d’intérêts financiers bien compris qui ont racheté et concentré l’ensemble de l’information publique à la télé, à la radio et dans la presse. Par leur puissance financière et médiatique, ils ont les moyens d’influer directement les sommets de l’Etat et d’initier une propagande belliciste du choc des civilisations anti-arabe, anti-russe, et finalement, anti-tout-ce-qui-n’est-pas-occidental, nous mettant à dos le reste du monde, ceci leur assurant des contrats d’armement et de reconstruction de long terme... Tout ceci va naturellement de pair avec une orwellianisation des esprits, une chasse à toutes les sorcières qui contesteraient cette logique. On retrouve là l’érosion des principes du régime démocratique développée plus haut.
Le conglomérat orwellien est constitué d’à peine quelques dizaines de milliers de personnes par pays, travaillant dans quelques palais, et quelques immeubles de médias. Exactement comme pour les révolutions historiques susmentionnées, une révolution contemporaine consisterait en la prise des lieux matériels de pouvoir. Et notamment des lieux d’espionnage généralisé des autres êtres humains, tels le réseau échelon qui permet à l’élite mondialisée d’écouter le reste de la planète dans toutes ses communications. Le fichier EDVIRSP en sera un avatar français.
Le krach financier de longue durée que nous connaissons actuellement est un "dommage collatéral" de la perte de confiance en l’économie, de la perte de confiance en nous-mêmes. Le décalage entre la superstructure politico-militaire (l’autorictas) et la base populaire, source de toute légitimité politique (la potestas) a atteint un seuil décisif. La première veut la guerre, la puissance, la surveillance, et la haine du bouc émissaire "non-occidental", la seconde veut la paix, la sécurité réelle, la liberté, la vie privée, bref, la jouissance des droits inscrits au frontispice de toutes nos institutions occidentales d’Etat de droit.
Divers groupes d’études ou réseaux de rencontres secrètes supranationaux de type Bilderberg, Commission trilatérale, CFR, Groupe de Davos, sans compter les innombrables lobbies qui gravitent autour des centres de pouvoir (Washington et Bruxelles principalement) décident de l’avenir de la planète en secret, sans que les citoyens aient leur mot à dire. Comme le président de l’UIMM fluidifiait les relations sociales, on fluidifie les relations politiques. On fluidifie également les relations médiatiques. Christine Ockrent, Manuel Valls, et Hubert Védrine faisaient partie du Bilderberg 2008. La première a licencié des journalistes libres, le second est le seul du groupe PS à s’être abstenu lors du vote sur le maintien en Afghanistan, le troisième a qualifié de grotesque toute remise en cause de la version officielle des attentats du 11-Septembre.
Tout ceci n’a plus rien de démocratique, et les hommes libres des peuples du monde entier ne peuvent l’accepter en silence, sans réagir, d’une façon ou d’une autre. Il ne s’agit pas d’une révolte marxiste, alter-mondialiste, syndicaliste. Il s’agit de la simple nécessité "bourgeoise" de la défense des libertés publiques, des fondements républicains et démocratiques, des droits politiques de citoyens justement informés.
Mais nos mentalités contemporaines forgées par plusieurs décennies de conditionnement télévisuel sont-elles préparées à envisager une révolte du type de celles que nos aïeux surent organiser aux XVIIIe et XIXe siècles ?
Si une révolution de type 1789-1794 avait lieu, elle viserait à imposer aux superstructures sociales la liberté des citoyens, la vie privée, la vérité d’information, le refus de la propagande belliciste et des guerres illégales, l’indépendance diplomatique et militaire nationale, le refus de toute ingérence extérieure dans l’intérêt public. Face au détournement de la puissance publique par quelques réseaux privés et par un Empire étranger (on a appris récemment que le site du ministère de l’Intérieur était basé aux Etats-Unis, bonjour la sécurité des informations…), il n’y a qu’une réponse, et elle est citoyenne. Le système tel qu’il avance aujourd’hui, détourné par le complexe militaro-industriel, mène l’Occident, et peut-être l’humanité, à sa destruction. Des révolutions intérieures avant 1914 auraient probablement sauvé l’Europe de son suicide économique et démographique et de son affaiblissement politique définitif.
Emmanuel Goldstein
Source : http://www.agoravox.fr