C’est le retour de l’antisionisme de gauche ! Après Todd, c’est au tour de Bruno Guigue d’annoncer la défaite de l’Occident. Pour cet intellectuel de tendance marxiste, l’Occident et son fer de lance, l’empire américain, sont perdants sur tous les fronts. Pire, leur déclin est inéluctable face à l’essor économique de la Chine et la supériorité industrielle de la Russie.
Nouvelle charge contre l’Occident global venue de gauche. Il faut dire que depuis l’OPA zemmourrienne, la droite, au sens large, s’est lancée dans une surenchère sioniste digne d’un numéro de Meyer Habib. On n’a plus grand-chose à se mettre sous la dent. Elle paraît loin l’époque Jean-Marie Le Pen où la droite était vraiment nationale.
En plus de sa provenance politique, le propos ici est d’autant plus intéressant qu’il émane d’un homme qui a fait partie du Système, même en étant communiste. En effet, Bruno Guigue est un énarque, titulaire d’un master en philosophie et en géopolitique. Cet ancien haut fonctionnaire a longtemps travaillé pour le ministère de l’Intérieur. Il était sous-préfet en 2008 lorsque il fut limogé pour des propos jugés « anti-israéliens » publiés dans une tribune.
C’était en plein régime Sarkozy, donc en pleine purge de l’appareil français de tous ses éléments jugés « pro-palestiniens ». C’est durant cette présidence que la France va prendre le relais des politiques néo-conservatrices et renoncer à sa souveraineté pour devenir pleinement un vassal des États-Unis.
Bruno Guigue est un peu ce qu’il reste de la France d’avant, où des élites pouvaient jouir publiquement d’une liberté de penser. C’était il n’y a pas si longtemps, c’était avant Sarkozy. Guigue, qui depuis est devenu prof à La Réunion, n’a pas abandonné ses analyses géopolitiques pour le moins hérétiques, comme nous allons le voir.
« La fin de la domination de l’Occident est une tendance lourde »
Petit tour d’horizon de la situation et des conflits en cours. D’emblée, nous pouvons constater que Bruno Guigue ne mange pas à la gamelle de la propagande autorisée. Le propos est acéré, et sans ambiguïté.
« La fin de la domination de l’Occident est une tendance lourde depuis quelques temps déjà. Après que les États-Unis aient connu ce moment d’euphorie, quelque peu illusoire, que l’on a appelé le “moment unipolaire” après l’effondrement de l’Union soviétique en 1991. Washington s’imaginait qu’il allait instaurer une hégémonie durable sur l’ensemble du monde ».
C’est donc une accentuation de cette tendance à laquelle nous sommes en train d’assister à travers les conflits en Ukraine, au Proche-Orient mais aussi à Taïwan, futur foyer de tension selon l’analyste.
Pour lui, « c’est plié ». Les chinois ont déjà gagné la guerre économique, l’économie réelle s’est déplacée vers l’empire du Milieu. Le mouvement de fond des rapports de force mondiaux n’est plus du tout en faveur de l’Occident, mais plutôt du Sud global, dont la Chine est le chef de file.
« En Occident, nous avons du mal à admettre que la Chine soit devenue aujourd’hui la chef de file de toutes les nations souveraines de l’Est et du Sud qui veulent poursuivre une voie originale vers le développement. »
« L’Occident, et les États-Unis, vont de guerre en guerre et de défaite en défaite »
En plus de l’économie qui se déplace à l’Est, les revers militaires s’enchaînent pour l’Occident. Bruno Guigue voit la Syrie comme un tournant :
« La Syrie était le dernier domino qu’il fallait faire sauter dans le Moyen-Orient, conformément au plan Wolfowitz défini dans les années 90 par les néo-conservateurs américains, qui visait à déstabiliser, ou anéantir, tous les États souverains qui s’opposaient à l’hégémonisme américano-israélien. Cela a fonctionné en Irak, au Soudan, en Libye, mais la Syrie a constitué le premier butoir sur lequel l’impérialisme occidental, sous hégémonie américaine, s’est cassé les dents. En utilisant massivement des proxys, c’est-à-dire les hordes de fanatiques du djihad global, qui se sont fait laminer par l’appareil militaire syrien. »
Pareil pour l’Ukraine : Bruno Guigue déclare « ne pas avoir de doutes sur l’issue du conflit », « c’est un échec total pour les Américains ». Il voit un lâchage imminent de l’Ukraine par l’allié US. Des Américains « dont l’objectif n’était pas de permettre aux Ukrainiens de récupérer leurs territoires, mais d’affaiblir la Russie, de créer un abcès de fixation, un bourbier à la vietnamienne. Tout cela aujourd’hui se présente comme un vaste fiasco. La politique occidentale visant à ruiner la Russie a échoué ».
Un constat sans appel, que l’ex-haut fonctionnaire voit se conclure par « l’effondrement de l’Ukraine ».
« Comme l’Irak, c’est raté ; l’Afghanistan, c’est raté ; le Viêt Nam, c’était raté. L’Occident, et les États-Unis, vont de guerre en guerre et de défaite en défaite ».
La situation à Gaza est une politique génocidaire »
Concernant la guerre de conquête de la Palestine menée par l’État hébreu, Bruno Guigue avait publié le 12 octobre un article dans lequel il ne se laissait pas impressionner par la terreur intellectuelle qui régnait alors.
Une mystique de l’élection
(par Bruno Guigue, octobre 2023)#Sionisme #Colonialisme#Religions#Israël #Palestine#Occidenthttps://t.co/iAG6J2QJVU— En dehors de la boîte (@EnDehorsDLBoite) October 12, 2023
« C’est un conflit de type colonial. Il s’agit pour les Palestiniens de lutter contre une occupation et une colonisation, donc d’aller dans le sens de leur libération nationale. Toute analyse de ce conflit qui ne part pas du principe que le peuple palestinien poursuit sa libération nationale est erronée. »
À propos des intentions d’Israël sur la bande de Gaza, l’analyste va droit au but :
« La situation à Gaza est une politique génocidaire. D’ailleurs, certains dirigeants israéliens l’ont eux-mêmes dit, il s’agit de faire passer la population de 2 millions à 100 000 ou 200 000. Ça veut carrément dire qu’on veut éliminer la population palestinienne. »
Mais les conséquences en termes d’image sont catastrophiques pour Israël : « Les souffrances infligées aux populations civiles palestiniennes sont en train de faire d’Israël un État paria sur le plan international. » Avant de conclure, lapidaire : « L’axe américano-israélien n’a même plus l’apparence de la force. »
« La France est devenue une province de l’Empire »
Décidément en forme, Bruno Guigue n’oublie pas notre cher pays, ou plutôt ce qu’il en reste dans sa version macronienne : « La France est devenue une province de l’Empire, qui s’assume comme telle, et qui suit aveuglément la ligne géopolitique de ses maîtres américains. »
On n’entend plus un tel discours souverainiste et, disons-le, patriote, du côté de ceux qui prétendent défendre la France dans la droite dite nationale.