Alors qu’il avait arraché un accord de sortie avec l’Union européenne, Boris Johnson a vu les parlementaires britanniques demander un délai afin de valider le texte... forçant le Premier ministre à demander un nouveau report à Bruxelles.
Enième coup de théâtre dans la saga du Brexit : alors que les parlementaires britanniques réunis pour la première fois depuis des décennies un samedi ont approuvé ce 19 octobre un amendement reportant leur décision sur l’accord de Brexit conclu entre Londres et Bruxelles – entraînant de fait l’obligation pour Boris Johnson de réclamer un nouveau report à l’Union européenne quant à la sortie du Royaume-Uni – le Premier ministre n’a pas signé la lettre le demandant.
C’est ce qu’a indiqué une source au sein de ses services. Boris Johnson a en revanche envoyé une deuxième lettre, elle signée, spécifiant qu’il ne voulait pas de ce délai, qu’il était légalement contraint de demander.
Une troisième lettre a enfin été écrite par l’ambassadeur britannique à l’Union européenne, Tim Barrow, pour préciser que celle réclamant un délai est uniquement envoyée pour se plier à la loi.
La loi qui a forcé Boris Johnson à réclamer cette extension a été baptisée le Benn Act, du nom du député travailliste Hillary Benn (opposition) qui l’avait présentée à la Chambre des communes.
Elle stipule que si aucun accord de sortie n’est approuvé par le Parlement britannique d’ici au 19 octobre, le Premier ministre doit réclamer un report du Brexit, prévu le 31 octobre, au 31 janvier 2020. « Le but de cette loi est de garantir que le Royaume-Uni ne sorte pas de l’Union européenne sans accord », avait expliqué Hillary Benn.
Boris Johnson espérait y échapper en faisant approuver son nouvel accord de retrait de l’UE, qu’il avait arraché contre toute attente cette semaine à Bruxelles.
Mais les députés ont voté un amendement – l’amendement dit Letwin – leur permettant de repousser leur vote sur cet accord : ils préfèrent en effet se prononcer seulement après l’adoption de toutes ses lois d’application.
Faute d’accord approuvé aux Communes samedi 19 octobre, le Benn Act a donc été déclenché, Boris Johnson étant contraint de s’y plier. Pour que le délai soit effectif, les 27 autres membres de l’UE doivent approuver le report à l’unanimité.
À Bruxelles, le président du Conseil européen Donald Tusk a confirmé avoir reçu la demande de délai.
« La demande de délai vient juste d’arriver. Je vais commencer maintenant à consulter les leaders européens sur la façon de réagir », a tweeté Donald Tusk.
Un peu plus tôt, à la Chambre des communes, M. Johnson avait déclaré qu’il dirait aux dirigeants européens que « tout retard supplémentaire serait mauvais pour notre pays, mauvais pour l’Union européenne et mauvais pour la démocratie ».
L’analyse de François Asselineau :
Le plan de Boris Johnson pour éviter un nouveau report
Le gouvernement de Boris Johnson estime possible de contourner l’amendement adopté par le parlement britannique et qui l’a contraint à demander formellement un report du Brexit. Selon Michael Gove, si le parlement adopte dans la semaine les textes nécessaires à l’accord du Brexit, alors celui-ci sera possible au 31 octobre.
Le gouvernement de Boris Johnson s’échinait à assurer dimanche pouvoir encore honorer sa promesse de sortir de l’Union européenne le 31 octobre, malgré la confusion semée la veille par une lettre de Londres, envoyée à contre coeur à Bruxelles, pour demander un report du Brexit.
La journée de samedi, avec un vote historique prévu au Parlement britannique sur le nouvel accord de Brexit triomphalement annoncé deux jours plus tôt à Bruxelles, devait enfin apporter une clarification après plus de trois ans de saga suivant le référendum de 2016. Bilan : les députés ont décidé de repousser leur décision et les Européens se retrouvent dimanche avec trois lettres, dont l’AFP a obtenu copie, disant tout et son contraire. Et moins de deux semaines pour éviter une sortie sans accord qui donne des sueurs froides aux milieux économiques.